Question de M. TAITTINGER Pierre-Christian (Paris - RI) publiée le 17/03/1994

M. Pierre-Christian Taittinger demande à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle si le Gouvernement envisage de modifier la législation concernant le travail de nuit des femmes à la suite de la décision de la Commission européenne de poursuivre notre pays pour traitement discriminatoire. Est-il possible d'estimer le nombre d'emplois interdits aux femmes par ces dispositions ?

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Réponse du ministère : Travail publiée le 07/07/1994

Réponse. - La commission européenne vient d'adresser à la France, comme à plusieurs Etats membres, une lettre d'observation car elle estime que le maintien d'un dispositif légal spécifique aux femmes pour le travail de nuit n'est pas conforme aux prescriptions de la directive 76/207/CEE et elle invite donc le gouvernement à faire disparaître les articles litigieux. L'attention de l'honorable parlementaire est attirée sur le fait que la cour de justice des Communautés européennes a jugé dans un arrêt du 25 juillet 1991 que la législation française interdisant le travail de nuit des femmes dans l'industrie était contraire à l'article 5 de la directive européenne de 1976 relative à la mise en oeuvre du principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle. Cette décision et la mise en demeure que la commission européenne lui a adressé le 18 décembre 1991 a conduit la France ainsi
que cinq autres Etats membres à dénoncer cette convention en février 1993. Cette dénonciation est devenue effective à compter de février 1992, puisqu'elle prend effet un an après la déclaration à l'OIT. Dans son arrêt Lévy du 2 août 1993, la cour de justice des Communautés européennes a confirmé son point de vue en indiquant que le juge national doit laisser inappliquée toute disposition " contraire à l'article 5 de la directive européenne de 1976 ", en précisant " sauf si l'application d'une telle disposition est nécessaire pour assurer l'exécution par l'Etat membre concerné d'obligations résultant d'une convention conclue antérieurement à l'entrée en vigueur du traité CEE avec des Etats tiers ". La France n'étant plus liée par un texte contraire à la directive 76/206/CEE, ces deux arrêts de la CJCE ont pour conséquence que le juge national est tenu, lorsqu'il est saisi d'une affaire concernant le travail de nuit des femmes dans l'industrie, d'écarter la loi nationale au profit du respect de la directive européenne de 1976. C'est la position qu'ont immédiatement pris les juridictions : le tribunal de police d'Ilkich a rendu, le 6 novembre 1992, un jugement de relaxe et la cour d'appel de Colmar a confirmé ce jugement dans un arrêt en date du 19 novembre 1992 (affaire Stoeckel). D'autres juridictions ont également statué dans ce sens comme la cour d'appel de Poitiers le 25 octobre 1991 (affaire Beyly c/Labo Jonchery). Ainsi, même si la disposition interdisant le travail de nuit des femmes dans l'industrie figure encore dans le code du travail, elle est dépourvue d'effet juridique et n'empêche pas les femmes d'occuper des emplois la nuit dans l'industrie. A l'heure actuelle, 250 000 femmes sont occupées la nuit dans les activités de services et de santé et environ 11 000 le sont dans le secteur industriel.

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