Question de M. HUGOT Jean-Paul (Maine-et-Loire - RPR) publiée le 04/05/1995

M. Jean-Paul Hugot attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur l'actuel contournement par les juges de la législation relative à la réglementation de la publication et de la diffusion de messages pornographiques ou/et érotiques ; sur la conception très restrictive à laquelle se livrent les mêmes juges quant au contenu de l'article L. 131-2 du code des communes, relatif au pouvoir du maire en matière de police ; sur le vide juridique qui résulte de cette interprétation, empêchant un maire d'interdire toutes publications et diffusions de messages licencieux, portant atteinte aux bonnes moeurs. La juridiction administrative rappelle régulièrement qu'eu égard aux dispositions législatives précises en vigueur tendant à organiser la liberté de la presse et à réprimer les atteintes aux bonnes moeurs, qui seraient commises par voie de presse, il n'appartient au maire d'une commune de faire usage de ses pouvoirs généraux de police (art. L. 131-2 du code des communes) que dans la mesure où la diffusion d'une publication sur le territoire de la commune est susceptible de provoquer des troubles matériels sérieux préjudiciables à l'ordre public, quels que soient par ailleurs le caractère immoral de ladite publication et les circonstances locales particulières. Dans le domaine qui nous intéresse, il est clair qu'une publication ou diffusion licencieuse qui ne provoquerait aucune atteinte à la tranquillité publique, telles que rixes et disputes, aucun grand rassemblement d'hommes, aucune gêne à la commodité de passage, ne pourra faire l'objet d'une interdiction de la part du maire, et sera annulée par les juges. La gêne et la nuisance graves qui résultent de ce type de publication ne relèvent pas de celles énumérées à l'article précité. Elles occasionnent pourtant une véritable atteinte à l'autorité parentale, protégée aux articles 371-1 et 371-2 du code civil, et par la constitution. Il lui demande donc de bien vouloir préciser, sans se référer aux dispositions prévues au code pénal qui présentent elles aussi leurs limites, quelles sont les mesures que le ministère souhaite prendre pour renforcer les pouvoirs des maires dans ce domaine ?

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 27/07/1995

Réponse. - Le principe de la liberté de la presse est consacré par la Constitution. Toutefois la loi du 16 juillet 1949 modifiée, dispose, en son article 14, que des mesures restreignant la commercialisation des publications de toute nature, revues, journaux, qu'ils soient ou non destinés à être lus par des mineurs, peuvent intervenir. Si le législateur a entendu réserver l'exercice de telles prérogatives au ministre de l'intérieur, encore faut-il préciser que ces compétences s'exercent dans des limites précises. Le champ d'application du texte précité vise les publications qui font place à la pornographie, à la violence, à l'incitation à la haine et à la discrimination raciales, à l'incitation à la toxicomanie. Le ministre de l'intérieur peut donc arrêter des mesures d'interdiction de vente aux mineurs, auxquelles peuvent s'ajouter des interdictions d'exposition et de toute publicité. Ces mesures administratives qui ne peuvent être assimilées à une censure n'interviennent que postérieurement à la publication des écrits et le plus souvent après que leur commercialisation a commencé. Elles sont néanmoins redoutés des éditeurs qui observent une certaine déontologie. Le ministre de l'intérieur est conseillé dans ses décisions par une commission consultative qui siège au ministère de la justice et à laquelle participent toutes les administrations concernées par la protection de la jeunesse (intérieur, justice, jeunesse et sport, éducation nationale) ainsi que des associations familiales. En tout état de cause, les décisions prises dans le cadre législatif précité sont, bien entendu, susceptibles d'être déférées devant la juridiction administrative qui exerce dans cette matière un contrôle particulièrement approfondi. S'agissant des pouvoirs du maire, ceux-ci ne pourraient trouver à intervenir que dans une limite beaucoup plus étroite : cette autorité devrait en effet apporter la preuve non seulement de la menace d'un trouble, mais encore de son caractère sérieux et de nature à compromettre gravement l'ordre public et, qui plus est, en raison de circonstances particulières. Ainsi toute mesure d'ordre général ne peut qu'être écartée. En outre, le contrôle de la juridiction administrative s'exerce de façon approfondie : sont ainsi vérifiées non seulement l'existence, dans les circonstances de l'espèce, d'une menace de trouble de l'ordre public de nature à justifier l'intervention d'une telle mesure de police, mais encore l'adéquation de cette mesure aux faits qui l'ont motivée. Par ailleurs, ainsi que le souligne l'honorable parlementaire, les dispositions nouvelles du code pénal (article 227-24) protègent un concept très large de dignité de la personne humaine et peuvent servir de fondement légal efficace pour la répression des abus. En tout état de cause, le dispositif actuel ne pourrait se voir modifier que par le législateur.

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