Question de M. DELEVOYE Jean-Paul (Pas-de-Calais - RPR) publiée le 12/10/1995

M. Jean-Paul Delevoye appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les propositions du Centre d'information civique (CIC) à l'égard des récentes élections. Les chiffres de l'abstention enregistrés lors de l'élection présidentielle des 23 avril et 7 mai 1995 (21,62 p. 100 au premier tour et 20,34 p. 100 au second) révèlent, au-delà du désintérêt de certains électeurs pour la vie publique, une inadéquation entre leur volonté d'être présents dans le processus démocratique et les textes qui en réglementent l'exercice et l'expression. Certes, les dispositions de la loi no 93-894 du 6 juillet 1993 modifiant l'article L. 71 du code électoral ont ouvert les modalités du vote par procuration. Par ailleurs, la circulaire ministérielle du 31 mars 1995 relative à son application a su préciser certains points essentiels à l'attention des personnels habilités à délivrer les procurations. Cependant, les très nombreux cas de dysfonctionnements conduisent le CIC à demander que soient révisées les modalités d'application du vote par procuration. Il apparaît que certains électeurs ont éprouvé des difficultés à justifier leur demande lorsque celle-ci n'était pas expressément prévue dans les cas précisés par la circulaire d'application. De même, des difficultés sont apparues dans le partage des compétences entre les tribunaux d'instance, les commissariats de police et les gendarmeries. Il lui demande, à la lumière des propositions du Centre d'information civique, la nature, les perspectives et les échéances de son action ministérielle, afin que tous les citoyens qui le souhaitent puissent effectivement accomplir leur devoir électoral. Le CIC propose notamment de veiller à la formation des personnels habilités à délivrer des procurations, à confier l'établissement de ces procurations aux services des élections des mairies, car " il est inadmissible que lors de chaque consultation électorale, les électeurs comme les pouvoirs publics se trouvent confrontés presque immanquablement aux mêmes difficultés, aux mêmes impasses. Il est nécessaire que des décisions soient prises sur ces différents points avant les prochains scrutins ".

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 23/11/1995

Réponse. - Comme le Gouvernement l'a rappelé devant le Parlement lors de la discussion de la loi no 93-894 du 6 juillet 1993 étendant le droit de voter par procuration à toutes les personnes absentes de leur résidence habituelle pour prendre des vacances, cette procédure de vote doit conserver un caractère exceptionnel. Cela résulte du fait que le vote par procuration déroge, dans une certaine mesure, à deux principes d'ordre constitutionnel inscrits à l'article 3 de notre loi fondamentale, selon lesquels le suffrage est égal et secret. Le secret du vote est atteint par le vote par procuration puisque le mandataire peut recevoir des consignes de la part de son mandant. Par ailleurs, le principe d'égalité du suffrage interdit le vote plural. Or, il existe au moins une amorce de vote plural dans le système de la procuration. Le mandataire est en effet libre de son vote et le mandant n'a pas les moyens de vérifier que son suffrage a été exprimé conformément à ses voeux. Le mandataire dispose donc bien en réalité de deux voix : la sienne et celle de son mandant. En outre, dans une démocratie, le vote doit rester personnel. Si cette obligation n'est pas formellement inscrite dans la Constitution, elle découle du principe que le vote est secret et elle sous-tend toutes les dispositions du code électoral relatives au déroulement des scrutins. C'est donc très sagement que le législateur a strictement encadré les conditions d'exercice du droit de vote par procuration. Dans le respect des principes ci-dessus évoqués et dans le souci de garantir la sincérité des scrutins, il est nécessaire d'écarter toute disposition qui, sous couvert de faciliter l'expression du suffrage, pourrait aussi favoriser les manoeuvres et les fraudes. L'auteur de la question sait bien en effet que des irrégularités à propos des procurations de vote sont fréquemment invoquées à l'occasion de très nombreux contentieux électoraux. On ne saurait donc s'engager dans la voie d'un assouplissement des formalités entourant l'établissement des procurations de vote. Il est notamment tout à fait exclu que les procurations puissent être établies en mairie - les maires devenant alors en quelque sorte juges et parties - faute de quoi réapparaîtraient les fraudes qui ont conduit le législateur à abroger le vote par correspondance par la loi no 75-1329 du 31 décembre 1975. Au demeurant, l'exclusion des maires et adjoints des officiers de police judiciaire susceptibles de délivrer des procurations, édictée par l'article R. 72 du code électoral, résulte d'un engagement formel pris par le Gouvernement devant le Parlement au cours de la discussion de la loi du 31 décembre 1975 précitée. Il reste que, pour certaines catégories de citoyens admises à voter par procuration - notamment ceux absents de leur commune d'inscription pour cause de vacances - le décret no 93-1223 du 10 novembre 1993 pris pour l'application de la loi du 6 juillet 1993 - et, par voie de conséquence, la circulaire à laquelle se réfère l'honorable parlementaire - s'est borné à prévoir que les intéressés devaient justifier de leur situation en fournissant toutes pièces " de nature à emporter la conviction de l'autorité habilitée à établir la procuration ". En effet, eu égard à la très grande diversité des situations susceptibles de se présenter, le décret ne pouvait être plus précis sans s'exposer au risque de limiter la portée de la volonté exprimée par le législateur. L'autorité habilitée conserve donc nécessairement une marge d'appréciation, sous le contrôle du juge. A cet égard, il n'y a d'ailleurs pas de problème de répartition des compétences entre les tribunaux d'instance et les officiers de police judiciaire appartenant à la police ou à la gendarmerie. En effet, aux termes de l'article R. 72 du code électoral, la responsabilité générale en matière d'établissement des procurations données en France incombe aux juges des tribunaux d'instance, les officiers de police judiciaire n'agissant en la circonstance que par délégation du juge qui les a désignés. Tout électeur qui se heurte à une décision négative de la part de l'officier de police judiciaire délégué peut donc toujours en référer au juge du tribunal d'instance déléguant, lequel dispose du pouvoir de réformer la décision de l'autorité déléguée. Enfin, s'agissant de l'élection présidentielle de 1995, une nouvelle circulaire, signée des ministres chargés de l'intérieur, de la justice et des départements et territoires d'outre-mer, publiée au Journal officiel du 6 avril 1995, page 5491, a été établie pour faciliter, dans toute la mesure compatible avec la réglementation, l'établissement des procurations de vote en vue du scrutin en cause, notamment celles données par des électeurs partant en vacances. ; des compétences entre les tribunaux d'instance et les officiers de police judiciaire appartenant à la police ou à la gendarmerie. En effet, aux termes de l'article R. 72 du code électoral, la responsabilité générale en matière d'établissement des procurations données en France incombe aux juges des tribunaux d'instance, les officiers de police judiciaire n'agissant en la circonstance que par délégation du juge qui les a désignés. Tout électeur qui se heurte à une décision négative de la part de l'officier de police judiciaire délégué peut donc toujours en référer au juge du tribunal d'instance déléguant, lequel dispose du pouvoir de réformer la décision de l'autorité déléguée. Enfin, s'agissant de l'élection présidentielle de 1995, une nouvelle circulaire, signée des ministres chargés de l'intérieur, de la justice et des départements et territoires d'outre-mer, publiée au Journal officiel du 6 avril 1995, page 5491, a été établie pour faciliter, dans toute la mesure compatible avec la réglementation, l'établissement des procurations de vote en vue du scrutin en cause, notamment celles données par des électeurs partant en vacances.

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