Question de M. PLASAIT Bernard (Paris - RI) publiée le 07/12/1995

M. Bernard Plasait attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la recherche sur le nécessaire renforcement de la coopération internationale en matière de recherche scientifique. Jusqu'ici, la France, avec ses partenaires, peut légitimement s'enorgueillir des succès scientifiques obtenus par ses " grands équipements ". Le Centre européen de recherche nucléaire (CERN) est en première position aujourd'hui pour la recherche sur les particules élémentaires. Grâce au Centre national d'études spatiales (CNES), Agence spatiale française, et aux laboratoires qu'il soutient, ainsi qu'à l'existence des grands laboratoires au sol internationaux, la contribution des chercheurs français à l'explosion actuelle des connaissances de l'homme sur l'univers, le système solaire et la Terre elle-même est importante, et en croissance depuis plusieurs années. La France est dans une position unique en neutronique, grâce à l'Institut Laüe Langevin et au laboratoire Léon-Brillouin ; elle est également très bien placée pour les applications très diverses du rayonnement synchrotron grâce au Lure et à l'Installation européenne de rayonnement synchrotron (ESRF), et pour la fusion avec le JET et TORE SUPRA. Cependant, à volume budgétaire constant, dans un pays donné, la pratique d'initiatives lourdes restreint la diversité des activités dans une discipline donnée ; de plus, en raison de la souhaitable alternance entre disciplines, elle induit des délais importants entre deux initiatives successives intéressant la même discipline. C'est donc une politique qui, pour ne pas être déséquilibrée, n'a de sens que dans un contexte de vaste coopération internationale où l'accès aux grands équipements des autres pays se pratique avec la plus grande ouverture, la condition étant l'excellence plus que le juste retour d'une contribution (qui, lui, devra s'apprécier, d'une façon générale, sur un ensemble de projets et de disciplines). L'argumentation doit porter aujourd'hui plus sur la coopération que sur la compétition, chacun étant néanmoins tenu de payer son écot. Dans ces conditions, prendre des initiatives de science lourde, ce n'est plus principalement chercher à se constituer un avantage compétitif, c'est aussi chercher à exister dans un monde scientifique ouvert et prendre des responsabilités à l'échelle planétaire dans tel ou tel domaine d'investigation, en concevant l'équipement en question, en le fabriquant et en organisant son utilisation par l'ensemble de la communauté scientifique. Ce n'est pas uniquement un problème d'argent, c'est aussi une question de responsabilité et de maturité car, pour réussir dans cette entreprise, il faut imagination, excellence, rigueur d'évaluation et qualité de gestion. Dans cette conception, un grand équipement pertinent est une image du rayonnement d'un pays comme peuvent l'être le TGV, l'Airbus ou Ariane. Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les initiatives qu'il entend prendre en ce domaine.

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Transmise au ministère : Éducation


Réponse du ministère : Éducation publiée le 22/02/1996

Réponse. - Les grands équipements de la recherche scientifique sont des instruments dont l'importance pour la communauté scientifique et le coût de construction justifient un processus de décision concerté au niveau national, et une programmation pluriannuelle du financement. La dimension européenne de la science est aujourd'hui une réalité ; dans de nombreuses disciplines l'Europe est devenue un espace naturel de coopération et de travail. La politique des très grands équipements (TGE), qui est d'abord l'expression des besoins d'une politique nationale, est devenue l'un des points forts d'une politique scientifique internationale visant à regrouper les efforts des pays européens pour la réalisation d'installations trop coûteuses pour un seul d'entre eux. Depuis de nombreuses années, les grands organismes français de recherche intègrent cette dimension européenne dans leur politique. Placée au centre de ce dispositif, dont elle en a été bien souvent l'initiatrice, la communauté scientifique française en a reçu des apports très importants, qu'il s'agisse de la présence et de l'influence des meilleurs scientifiques dans l'orientation de ses programmes, de son enrichissement dû à la complémentarité des compétences au niveau international, ou de la création de laboratoires ou d'institutions performantes. Etroitement complémentaire d'une expertise scientifique, la capacité de la France à faire valoir dans les négociations avec ses partenaires étrangers les intérêts de la recherche nationale constitue donc un axe de travail majeur pour le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, en collaboration étroite avec le ministère des affaires étrangères. La France participe également aux réflexions internationales sur la gestion des grands instruments, notamment dans le cadre du forum " Megascience " de l'OCDE. De même, l'utilisation scientifique des grandes installations est naturellement plus fruc tueuse si des crédits d'accompagnement adaptés permettent aux laboratoires utilisateurs d'acquérir les moyens de dépouillement et les compléments d'équipement nécessaires à une exploitation rationnelle. Il importe donc pour le secrétaire d'Etat de veiller à préserver l'équilibre entre ces moyens, et les coûts d'exploitation (et de construction) de ces mêmes TGE. L'importance des coûts induits et la complexité des technologies mises en oeuvre pour la réalisation de ces instruments conduit à l'alliance de plusieurs organismes (ou de plusieurs Etats) afin de partager les frais et les risques, d'atteindre une masse critique des ressources nécessaires et de rassembler certains acquis technologiques indispensables à leur exécution. Les moyens exceptionnels humains, techniques et financiers mobilisés pour ces grands projets ouvrent, avec l'évolution des systèmes technologiques et économiques contemporains, des possibilités de transferts et de diffusion accélérés. Méthodes, modèles théoriques, dispositifs complexes sont alors transférés puis réappropriés par des secteurs plus " classiques " qui intègrent ainsi dans leurs activités des exigences de qualité et de fiabilité accrues. Les TGE sont donc un puissant moteur d'innovation et de transfert de connaissances des laboratoires vers l'industrie. Certains TGE sont même désormais utilisés directement par les industriels, en particulier les machines à rayonnement synchrotron (ESRF, LURE). Pour toutes ces raisons, le secrétaire d'Etat à la recherche peut assurer l'honorable parlementaire de l'attention particulière et permanente qu'il porte aux grands équipements, instruments indispensables pour la communauté scientifique nationale toute entière et pour la valorisation dans l'industrie des connaissances acquises dans les laboratoires. Un exemple peut être évoqué pour illustrer ces orientations, la construction du LHC (Large Hadron Collider) du CERN qui est le plus important des très grands équipements de la recherche. La France a assumé toutes ses responsabilités pour que la décision de construction soit prise, pour que l'Europe reste au plus haut niveau mondial dans le domaine de la physique des hautes énergies. Cette initiative a été lancée sans modification des équilibres internes du CERN et notamment de la place de la France dans ses structures, et ce malgré les implications financières de la construction du LHC (environ 12 milliards de francs sur 10 ans). La France a, avec ses partenaires européens, pleinement gardé le contrôle du dispositif. Enfin, une importante négociation est engagée avec les pays tiers (Etats-Unis, Japon, etc.) pour leur participation, en particulier financière, à la construction. Les objectifs d'ouverture internationale, d'excellence et de compétitivité pourront être ainsi remplis. ; aux grands équipements, instruments indispensables pour la communauté scientifique nationale toute entière et pour la valorisation dans l'industrie des connaissances acquises dans les laboratoires. Un exemple peut être évoqué pour illustrer ces orientations, la construction du LHC (Large Hadron Collider) du CERN qui est le plus important des très grands équipements de la recherche. La France a assumé toutes ses responsabilités pour que la décision de construction soit prise, pour que l'Europe reste au plus haut niveau mondial dans le domaine de la physique des hautes énergies. Cette initiative a été lancée sans modification des équilibres internes du CERN et notamment de la place de la France dans ses structures, et ce malgré les implications financières de la construction du LHC (environ 12 milliards de francs sur 10 ans). La France a, avec ses partenaires européens, pleinement gardé le contrôle du dispositif. Enfin, une importante négociation est engagée avec les pays tiers (Etats-Unis, Japon, etc.) pour leur participation, en particulier financière, à la construction. Les objectifs d'ouverture internationale, d'excellence et de compétitivité pourront être ainsi remplis.

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