Question de M. DELANOË Bertrand (Paris - SOC) publiée le 28/12/1995

M. Bertrand Delanoë attire l'attention de M. le ministre de la défense sur l'annonce d'un accord entre les Etats-Unis et la Russie permettant l'aménagement du traité de 1972 sur les missiles antibalistiques. Cet accord permettrait le déploiement de systèmes antimissiles à grande vitesse. Concernant la Russie, cet Etat a hérité du système installé autour de Moscou et rénové à partir de 1990, comprenant des moyens de détection radar, type " radar de Pushkino " et de missiles d'interception SH 8 et SH 11. Il lui demande si la rénovation des systèmes antimissiles a été menée jusqu'à son terme, c'est-à-dire supprimant définitivement les systèmes Galosh, et si l'armée russe a les capacités et les moyens financiers, aujourd'hui, de poursuivre des recherches en matière de systèmes antimissiles. Il souhaiterait avoir des informations complémentaires sur la nature de l'accord signé à Genève, et connaître les implications que cela pourrait avoir pour la politique française en matière d'antimissiles, plus particulièrement concernant le programme Meads.

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Réponse du ministère : Défense publiée le 15/02/1996

Réponse. - Les différents points évoqués par l'honorable parlementaire appellent les remarques suivantes : 1o La prolifération des armes de destruction massive et celle des missiles balistiques, qui peuvent en être les vecteurs, posent des problèmes de sécurité nouveaux. Le développement, par les Etats-Unis ou la Russie, de systèmes de défense efficaces contre de tels missiles ne pouvait être envisagé sans procéder à une modification du traité Anti-missiles balistiques (ABM) de 1972, conçu dans un souci de stabilisation des rapports de force, en définissant une frontière entre missiles stratégiques et missiles de théâtre (ou régionaux). Un cadre conceptuel a été défini entre le sous-secrétaire d'Etat américain et l'adjoint au ministre des affaires étrangères russe, sur les bases de la déclaration conjointe signée par les deux présidents au sommet de Moscou, le 10 mai 1995. Ce cadre définit les caractéristiques des cibles contre lesquelles pourront être testés des systèmes de théâtre (portée inférieure à 3 500 kilomètres, vitesse maximum du corps de rentrée de 5 kilomètres/seconde. Il prévoit que tout système de défense antimissiles, dont la vitesse des intercepteurs sera inférieure à 3 kilomètres/seconde, sera considéré conforme au traité. Enfin, il fait état de mesures de confiance. Les travaux en cours au sein de la commission consultative à Genève portent sur la mise sous une forme juridique de ce cadre conceptuel, et peuvent conduire à la signature d'un accord autorisant le développement de systèmes de défense antimissiles. 2o Cet accord devrait également prendre en compte l'élargissement du traité aux pays successeurs de l'Union des républiques socialistes soviétiques (la Russie, l'Ukraine, la Biélorussie et le Kazakhstan) ce qui permettrait à la Russie de préserver le réseau de radars d'alerte antimissiles. En effet, le système, qui avait été conçu pour la protection de l'URSS, comporte plusieurs stations implantées en dehors du territoire de la Russie : Skundra en Lettonie, Baranovitchi en Biélorussie, Minguétchaour en Azerbaïdjan, Sebastopol en Ukraine et Sary Shagan au Kazakhstan. Le devenir de ces deux dernières stations ne fait l'objet d'aucune information à l'heure actuelle. Pour les trois autres stations, des accords ont été passés permettant aux Russes d'en conserver le contrôle, la station de Skundra devant être démantelée à la fin du siècle. En ce qui concerne la défense de Moscou installée conformément au traité ABM, les moyens radars, limités à six par le traité, sont aujourd'hui au nombre de trois, dont celui de Pushkino qui reste le plus récent. Les missiles intercepteurs, limités à cent, sont au nombre de quatre-vingt-quatre. Les moyens d'interception sont constitués autour de deux types de missiles, tous à tête nucléaire, SH-8 et SH-11. Ces missiles sont disposés en silo sur neuf sites. Leur remplacement est prévu par des moyens mobiles de type Sa-10, Sa-12 et Sa-15, ce dernier ayant été développé pour la défense contre les missiles balistiques tactiques et de croisière. Il semble que la Russie ait fixé les priorités de ses recherches sur deux domaines : les armes à énergie dirigée, les systèmes d'armes mobiles et les radars associés. 3o La menace " Missile " appelle plusieurs types de réponse. Il s'agit tout d'abord de lutter politiquement et diplomatiquement contre la prolifération des technologies sensibles ; c'est le but des politiques de non-prolifération. Pour la France, le cadre général de cette politique a été défini dans le plan de désarmement et de maîtrise des armements publié le 3 juin 1991. Il comprend des dispositions de nature à soutenir une action internationale en faveur de la lutte contre la prolifération. La France participe ainsi au régime de contrôle des technologies balistiques (MTCR). Ce plan a été suivi par l'adoption, en septembre 1991, de la règle de contrôle intégral comme condition de fourniture des biens et équipements nucléaires, et de la mise en place de procédures particulières pour les exportations de biens, équipements ou technologies critiques. Il faut également envisager des mesures de protections passives destinées à se protéger des armes, indépendamment de la nature du vecteur. Le durcissement, le camouflage et la dispersion répondent au besoin de protection des objectifs militaires. Ces mesures ont cependant un coût non négligeable, et induisent des contraintes importantes sur la capacité opérationnelle des forces. De plus, de telles mesures ne sont pas toujours applicables aux objectifs civils, car elles imposent des contraintes aux populations, qui peuvent être jugées inacceptables. Enfin, parade ultime, il est envisageable de disposer de défenses actives capables d'intercepter des missiles assaillants avant qu'ils ne puissent atteindre leurs objectifs. Dans ce domaine, la France fait porter ses priorités en premier lieu sur l'alerte, système essentiel pour que la dissuasion puisse s'exercer. Elle souhaiterait qu'une telle réalisation se fasse en coopération européenne, sur la base de moyens satellitaires. Une deuxième priorité est accordée aux systèmes de défense localisée pour les forces déployées à l'extérieur. Le programme Famille Sol Air Futur (FSAF), développé en coopération avec l'Italie, pour remplacer les systèmes sol-air courte portée type HAWK, qui équipera le porte-avions nucléaire et la frégate antiaérienne, répond au besoin de défense contre tous types d'aéronefs et les missiles aérobie. Par ailleurs, à la suite des discussions menées depuis 1993 entre services techniques, une lettre d'intention a été signée le 20 février par la France, l'Allemagne, l'Italie et les Etats-Unis. Elle ouvre des perspectives de coopération pour le développement éventuel d'un système sol-air moyenne portée contre tous types de cibles aériennes, le MEADS. Ce système sera conforme au traité ABM. La réalisation d'un système de défense du territoire contre les missiles balistiques soulèverait, quant à elle, des difficultés majeures, conceptuelles et financières. Son articulation avec la politique de dissuasion, les conséquences à en tirer du point de vue du traité ABM, que nous voulons voir préserver, les difficultés de concevoir un système qui ne soit pas totalement intégré, enfin son coût sont tels qu'ils nécessiteraient une évolution de notre politique de défense. Dans ce domaine, seule une veille technologique est maintenue. ; comprend des dispositions de nature à soutenir une action internationale en faveur de la lutte contre la prolifération. La France participe ainsi au régime de contrôle des technologies balistiques (MTCR). Ce plan a été suivi par l'adoption, en septembre 1991, de la règle de contrôle intégral comme condition de fourniture des biens et équipements nucléaires, et de la mise en place de procédures particulières pour les exportations de biens, équipements ou technologies critiques. Il faut également envisager des mesures de protections passives destinées à se protéger des armes, indépendamment de la nature du vecteur. Le durcissement, le camouflage et la dispersion répondent au besoin de protection des objectifs militaires. Ces mesures ont cependant un coût non négligeable, et induisent des contraintes importantes sur la capacité opérationnelle des forces. De plus, de telles mesures ne sont pas toujours applicables aux objectifs civils, car elles imposent des contraintes aux populations, qui peuvent être jugées inacceptables. Enfin, parade ultime, il est envisageable de disposer de défenses actives capables d'intercepter des missiles assaillants avant qu'ils ne puissent atteindre leurs objectifs. Dans ce domaine, la France fait porter ses priorités en premier lieu sur l'alerte, système essentiel pour que la dissuasion puisse s'exercer. Elle souhaiterait qu'une telle réalisation se fasse en coopération européenne, sur la base de moyens satellitaires. Une deuxième priorité est accordée aux systèmes de défense localisée pour les forces déployées à l'extérieur. Le programme Famille Sol Air Futur (FSAF), développé en coopération avec l'Italie, pour remplacer les systèmes sol-air courte portée type HAWK, qui équipera le porte-avions nucléaire et la frégate antiaérienne, répond au besoin de défense contre tous types d'aéronefs et les missiles aérobie. Par ailleurs, à la suite des discussions menées depuis 1993 entre services techniques, une lettre d'intention a été signée le 20 février par la France, l'Allemagne, l'Italie et les Etats-Unis. Elle ouvre des perspectives de coopération pour le développement éventuel d'un système sol-air moyenne portée contre tous types de cibles aériennes, le MEADS. Ce système sera conforme au traité ABM. La réalisation d'un système de défense du territoire contre les missiles balistiques soulèverait, quant à elle, des difficultés majeures, conceptuelles et financières. Son articulation avec la politique de dissuasion, les conséquences à en tirer du point de vue du traité ABM, que nous voulons voir préserver, les difficultés de concevoir un système qui ne soit pas totalement intégré, enfin son coût sont tels qu'ils nécessiteraient une évolution de notre politique de défense. Dans ce domaine, seule une veille technologique est maintenue.

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