Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 02/05/1996

Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre sur la non-reconnaissance par le Gouvernement français de la qualité de déportés du travail aux victimes, rescapés des camps nazis du travail forcé et réfractaires. Elle lui rappelle que 600 000 Français ont été les victimes des lois de Vichy des 4 septembre 1942, 16 février 1943, 1er février 1944 et furent envoyés dans les camps nazis du travail forcé, action dénoncée durant l'Occupation sous le vocable de " Déportation du travail ". 60 000 d'entre eux furent fusillés, décapités ou pendus - pour faits de Résistance ou sabotages - et que le Parlement issu de la Résistance accorde à ceux-ci la mention " Mort pour la France ". Elle lui fait observer que cinquante et un ans après leur retour, les gouvernements successifs se sont toujours opposés à un examen sérieux de leur appellation, leurs conditions, leurs revendications. Elle lui demande quelles mesures il envisage pour mettre à l'ordre du jour des travaux du Parlement les propositions de loi no 182 et 480 déposées à l'Assemblée nationale, et no 44 et 384 déposées au Sénat, proposant qu'un titre conforme à la réalité historique soit attribué à cette catégorie de victimes de guerre.

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Réponse du ministère : Anciens combattants publiée le 27/06/1996

Réponse. - La loi du 14 mai 1951 a créé un statut donnant aux victimes du service du travail obligatoire en Allemagne la qualité de personnes contraintes au travail en pays ennemi (PCT). Il convient de rappeler que la fédération qui regroupe les Français astreints au service du travail obligatoire en Allemagne (STO) avait spontanément adopté le titre de " Fédération nationale des déportés du travail ". Le ministre des anciens combattants et victimes de guerre comprend naturellement les sentiments qui animent les victimes et les rescapés des camps nazis du travail forcé. Toutefois, les associations de déportés ont intenté des actions judiciaires contre l'appellation choisie par les anciens du STO et un arrêt de la Cour de cassation, en date du 23 mai 1979, a interdit à ladite fédération d'user des termes de déporté ou de déportation. Saisie de nouveaux recours, la Cour de cassation siégeant en assemblée plénière a confirmé le 10 février 1992 ses arrêts précédents, en déclarant que " seuls les déportés résistants et les déportés politiques, à l'exclusion des personnes contraintes au travail en pays ennemi ", pouvaient se prévaloir du titre de déporté. C'est donc cette jurisprudence qui s'applique actuellement. Elle ne met pas en doute les épreuves subies par les personnes contraintes au travail en Allemagne durant la dernière guerre, souvent dans des circonstances dramatiques. La politique de mémoire que développe activement mon département ministériel me permet de les rappeler ; c'est dans cet esprit qu'a été célébré en 1993 le cinquantième anniversaire de la promulgation de la loi instaurant le STO. En outre, à l'occasion des cérémonies marquant le cinquantième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1995, le retour des victimes du STO a été tout spécialement célébré le 11 mai 1995, à Paris, au cimetière du Père-Lachaise, face au mémorial où repose une victime inconnue du service du travail obligatoire. Pour autant, quelles que soient les souffrances endurées, il paraît impossible de comparer l'épreuve du travail obligatoire en pays ennemi à l'horreur des camps d'extermination sans que ne s'instaure une grave confusion. Le débat approfondi auquel le Parlement s'est déjà livré sur cette question, il y a plusieurs années, l'a amplement démontré. On ne peut donc que s'interroger sur l'opportunité d'un nouveau débat, cinquante ans plus tard ; en effet, il convient d'insister sur le danger qu'il y aurait, après tant d'années, à comparer les mérites des uns et des autres devant l'histoire, à bouleverser des statuts votés par des parlementaires dont beaucoup avaient vécu cette période tragique et légiféraient en parfaite connaissance de cause, et, en quelque sorte, à réécrire l'histoire. Par ailleurs, en matière de prise en compte d'une pathologie spécifique, il apparaît malaisé de concevoir la mise en place d'une commission, dans la mesure où une telle pathologie est difficile pour les STO, et où les droits des personnes contraintes au travail en Allemagne dans ce domaine sont déjà reconnus au titre de leur qualité de victimes civiles de guerre. En effet, ils peuvent, à ce titre, voir indemniser les blessures ou maladies imputables au STO. Au-delà des améliorations susceptibles d'être apportées sur des points précis, il est donc impossible, pour les raisons indiquées, de légiférer à nouveau dans cette matière.

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