Question de M. SÉRUSCLAT Franck (Rhône - SOC) publiée le 01/11/1996

M. Franck Sérusclat souhaite interroger M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale sur la commercialisation des boissons de type " premix " ; le phénomène lancé pendant l'été est manifestement poursuivi aujourd'hui. Non seulement les affichages muraux vantent les mérites de ces boissons mais on voit aussi tous les vendeurs de grandes surfaces arborer des tee-shirts publicitaires. L'avis qu'il avait sollicité du Conseil supérieur d'hygiène publique avait mis en évidence que si " la commercialisation de ces produits (était) poursuivie ", des mesures s'imposeraient. Le maintien de cette commercialisation étant maintenant parfaitement établi, il souhaite connaître les mesures qu'il compte prendre pour éviter que, par le biais de ces boissons, les plus jeunes ne soient attirés par des alcools forts.

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Réponse du ministère : Santé publiée le 15/01/1997

Réponse apportée en séance publique le 14/01/1997

M. Franck Sérusclat. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question concerne les boissons de type « prémix », sujet sur
lequel nous avons déjà eu l'occasion de nous entretenir, au moins par courrier.
Nos préoccupations sont un peu les mêmes, me semble-t-il : il s'agit de la protection des jeunes auxquels on offre, sous la
forme anodine d'un soda, la découverte des plaisirs - mais sont-ce vraiment des plaisirs ? - de l'alcool fort. En la matière,
l'habitude risquerait de conduire à une certaine mansuétude.
Si la commercialisation devait prendre des proportions trop importantes, il conviendrait d'arrêter des mesures. Or,
aujourd'hui, nous constatons que non seulement de la publicité est faite sur les murs, mais aussi que des initiatives sont
prises par certaines grandes surfaces où des jeunes sont vêtus de tee-shirts vantant les boissons « prémix. »
A cet égard, des précautions particulières doivent être prises et j'aurais souhaité connaître vos intentions dans ce domaine.
Par ailleurs, j'ai reçu ce matin un projet de charte déontologique élaboré par un organisme dénommé « Entreprise et
Prévention ». Ce projet présente-t-il un intérêt ? La simple séparation, sur les lieux de vente, entre soda et alcool serait
peut-être suffisante, puisque les « prémix » seraient alors présentés comme des boissons contenant de l'alcool.
Je souhaiterais savoir comment vous comptez répondre à l'invitation du conseil supérieur d'hygiène publique, qui souhaite
que soient prises les mesures nécessaires en ce domaine.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Comme vous, monsieur le sénateur, je suis
bien entendu très attentif à la question de la commercialisation des sodas mélangés d'alcool fort, dits « prémix ».
J'ai fait sur ce sujet un certain nombre de déclarations l'été dernier, et j'ai immédiatement, comme vous l'avez rappelé, saisi
le conseil supérieur d'hygiène publique. Celui-ci m'a rendu, au cours de l'automne, un avis et des recommandations qui
fondent les actions que nous menons.
Les mesures intervenues ou à intervenir afin de protéger les jeunes - qui sont, vous l'avez dit, la cible avouée des
fabricants d'alcool - sont de deux types.
En premier lieu, s'agissant de la taxation, la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 prévoit, en son article 29,
une taxe de 1,50 franc par décilitre sur les boissons contenant un mélange préalable d'alcool et de boissons non
alcooliques. Je me réjouis que le Parlement, et en premier lieu le Sénat, avec l'accord du Gouvernement, ait décidé cette
taxation spécifique qui a pour effet de renchérir très fortement le prix de ces boissons et de les rendre moins attractives
pour les jeunes auxquelles elles sont destinées.
En second lieu, la taxation nécessaire et indispensable ne suffit évidemment pas et nous devons prendre en compte tout ce
qui concerne l'information.
De ce point de vue, un décret est actuellement en cours de préparation et imposera des graphismes et des mentions
spécifiques afin d'attirer l'attention des jeunes et de leur famille sur la nature alcoolique de ces boissons. Les
conditionnements devront ainsi obligatoirement présenter un message sanitaire important et visible.
Pour répondre plus complètement à votre question, monsieur le sénateur, il n'a pas été porté à ma connaissance que des
vendeurs de certaines grandes surfaces auraient arboré des tee-shirts publicitaires en faveur des « prémix ». Toutefois, je
vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt et je relève que, sur le plan législatif, une telle opération publicitaire tombe sous le
coup de l'article L. 17 du code des débits de boissons, qui énonce limitativement les différents types de supports autorisés
pour la publicité en faveur des boissons alcooliques.
Je vais donc demander à mes services de relever ces infractions. Une fois qu'elles seront relevées, je saisirai bien
évidemment la justice, car la publicité en faveur de boissons qui contiennent de l'alcool fort et qui sont de véritables
produits d'accoutumance est effectivement intolérable.
Vous avez par ailleurs fait état d'une brochure dont je n'ai pas encore eu connaissance. Je ne suis donc pas en mesure de
vous livrer mes commentaires. Cela étant, vous avez notamment évoqué la mise en place des « prémix » dans des
rayonnages différents de ceux des boissons non alcoolisées. Pour tout vous dire, c'est une des idées que j'ai avancées
lorsque j'ai travaillé sur cette question l'été dernier. J'ai, en effet, proposé que ces boissons soient proposées non pas au
rayon des sodas, mais à celui des alcools. Après avoir travaillé sur cette question, il m'est cependant apparu difficile,
juridiquement, d'imposer la mise à disposition des « prémix » sur tel ou tel rayon.
Quoi qu'il en soit, je prendrai connaissance avec beaucoup d'attention de ce document, car le fait de distinguer les rayons
sodas et alcools va dans le sens que nous souhaitons.
Quant à la taxation, elle a été votée et elle entrera très rapidement en vigueur, même si quelques textes d'application
restent encore à mettre en oeuvre, en liaison avec le ministère des finances.
S'agissant du conditionnement, de la présentation et de l'information, un décret est en cours de préparation et sera pris le
plus rapidement possible.
Bien évidemment, en cas d'infraction, notamment en matière de publicité, je diligenterai immédiatement les poursuites
nécessaires.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Je prends note de vos propositions et de vos réflexions, monsieur le secrétaire d'Etat.
Personnellement, je n'accorde pas un grand crédit aux moyens de taxation. En effet, ils peuvent entraîner une dérive des
prix des boissons visées et, de ce fait, inciter ceux qui n'auraient pas les moyens de les acheter à commettre des actes de
délinquance inattendus pour se les procurer quand même.
En revanche, l'application de l'article 17 du code des débits de boissons me paraît être une solution efficace - sans doute
plus drastique - pour lutter contre la diffusion de fausses informations sur des tee-shirts ou d'autres supports.
Je prends également note de votre souci, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire en sorte que ces boissons soient séparées
des sodas dans les lieux de vente.
Enfin, une information sanitaire est sans doute nécessaire, même si l'on connaît la faible portée d'une telle information - j'y
reviendrai à l'occasion de ma question sur le tabagisme - tant il est vrai que celui qui la lit est persuadé qu'il peut échapper
au risque en consommant raisonnablement, croit-il, les produits incriminés.
Des initiatives doivent être prises ; l'efficacité des solutions retenues n'est cependant pas toujours facile à démontrer.

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