Question de Mme DUSSEAU Joëlle (Gironde - RDSE) publiée le 10/07/1997

Mme Joëlle Dusseau attire l'attention de M. le ministre délégué aux affaires européennes sur les conséquences de la directive 73/241/CEE de la Commission européenne. En effet, cette décision de lever l'interdiction générale sur l'usage de matières grasses végétales dans la fabrication du chocolat va pénaliser gravement les pays producteurs de cacao en même temps que les consommateurs français et européens. Il n'est pas besoin de rappeler au ministre que la directive précédente, adoptée en 1973, prohibait l'utilisation de graisses comme substituts du beurre de cacao et instaurait des pourcentages minimum de la masse de cacao, du beurre de cacao et, dans le cas du chocolat au lait, de la poudre de lait, et que c'est sous la pression des industries chocolatières que la Commission a harmonisé par le bas la législation désormais applicable dans les pays membres de la CEE en 1973 ou ayant adhéré depuis à la CEE ou à l'Union européenne. Il n'est pas besoin de rappeler également que la commission ACP chargée des relations avec les pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique au sein du Parlement européen a adopté sur ce sujet une motion exprimant de sérieuses inquiétudes. Cette décision a été prise en dépit de maintes protestations d'organisations de consommateurs, de producteurs et de certains fabricants artisanaux de cacao. Si les Etats membres de l'Union européenne recourent à l'usage de graisses végétales en substituts du cacao, il en résultera une perte de revenus pour les producteurs (en premier lieu africains) qui atteindra 12,4 % selon les économistes. Il s'agit d'un manquement aux engagements pris par l'Union européenne de prendre toutes mesures nécessaires pour encourager la croissance de la consommation de cacao dans leur pays. Par ce manquement, la Commission européenne endosse la responsabilité de faire payer par les producteurs de cacao africains, déjà dans une situation précaire, les économies potentielles réalisées par des entreprises multinationales dans la production de chocolat. Cette décision de la commission européenne est en même temps contraire aux intérêts des consommateurs. Aucune garantie n'a été donnée de la part des sociétés transnationales sur une éventuelle répercussion des réductions du coût de production sur le prix payé par le consommateur pour un produit de moins grande qualité. Par ailleurs, le contribuable européen risque de payer une partie de la note de cette révision à travers l'augmentation du STABEX payé aux producteurs africains en dédommagement de la perte de leurs revenus à l'exportation. Elle lui demande donc quelles pressions il entend exercer pour amender la directive 73/241/CEE. D'autre part, cette directive laissant les Etats membres décider eux-mêmes s'ils autorisent ou non dans leur pays les matières grasses végétales dans la fabrication du chocolat, elle demande au Gouvernement de maintenir en France la prohibition prévue par l'ancienne directive de 1973.

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Réponse du ministère : Affaires européennes publiée le 21/08/1997

Réponse. - Adoptée en 1973, la directive 73/241/CEE maintient l'interdiction de l'utilisation de matières grasses végétales autres que le beurre de cacao pour la fabrication du chocolat dans les six pays fondateurs de la Communauté, mais accorde une dérogation, à hauteur de 5 % du poids total du chocolat, aux nouveaux Etats membres (Royaume-Uni, Irlande, Danemark). Cette directive est toujours en vigueur et l'harmonisation qu'elle prévoyait n'a pas eu lieu. A l'heure actuelle, sept pays de l'Union européenne (les trois déjà cités ainsi que le Portugal, la Suède, la Finlande et l'Autriche) autorisent l'utilisation de matières grasses végétales de substitution (MGVS), les huit autres maintenant l'interdiction initiale. Le collège des commissaires a adopté le 17 avril 1996 un projet de directive visant à laisser aux Etats membres la faculté d'autoriser l'addition de matières grasses végétales autres que le beurre de cacao dans le chocolat dans une limite de 5 % du poids total de celui-ci, tout en assurant la libre circulation dans l'Union européenne sous l'appellation " chocolat " des produits incorporant ces matièers. Cette proposition est actuellement soumise au Conseil et au Parlement européens dans le cadre de la procédure de codécision, qui prévoit trois lectures successives des parlementaires. Pour la France, qui préconise traditionnellement une interdiction généralisée de l'usage des MGVS dans la confection du chocolat, la proposition de directive est bien entendu inacceptable pour toutes les raisons indiquées par l'honorable parlementaire. J'en ajouterai deux autres qui me paraissent importantes : il n'existe pas à l'heure actuelle de technique précise et facile à mettre en oeuvre de quantification des MGVS dans le chocolat. Dès lors, le respect d'une éventuelle limite de 5 % serait très aléatoire ; le projet de la Commission comporte d'importants risques de distorsion de concurrence et de délocalisation, du fait des avantages en termes de coût et de souplesse de la réglementation dont bénéficieraient les industriels implantés dans les pays autorisant l'utilisation des MGVS. C'est pourquoi le maintien de la prohibition de celles-ci dans notre pays en cas d'adoption de la proposition de directive comporterait des risques qu'il conviendra, le cas échéant, d'évaluer. Les autorités françaises ont fait connaître leur proposition à ce sujet aussi bien au Parlement européen qu'à leurs partenaires du Conseil. L'hostilité française au projet de la Commission est partagée par les pays du Benelux et par l'Espagne, et le Parlement européen pourrait exiger d'importants amendements, notamment sur la question de l'étiquetage. Il n'est donc pas exclu qu'un compromis acceptable par tous puisse être élaboré in fine, et le Gouvernement français, très conscient de l'importance des enjeux, entend y contribuer activement.

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