Question de M. DEBARGE Marcel (Seine-Saint-Denis - SOC) publiée le 24/10/1997

Question posée en séance publique le 23/10/1997

M. le président. La parole est à M. Debarge.
M. Marcel Debarge. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers
collègues, à l'issue de cinq mois de guerre, nous constatons que le pouvoir a changé de mains au Congo et l'interlocuteur
est à nouveau M. Denis Sassou-Nguesso.
Avant d'aller plus loin, je tiens tout de suite à exprimer ma reconnaissance, celle de mon groupe, et peut-être au-delà, à
toutes celles et à tous ceux, dans la tradition qui est la leur - ambassades, consulats, services de la coopération, militaires
français, mais aussi sécurité civile : pompiers, infirmiers, médecins - qui, dans ce pays, dans des conditions difficiles et
dangereuses, accomplissent avec courage et dévouement leur mission. (Applaudissements.)
Par ailleurs, il faut constater, pour le déplorer, que les Congolais n'ont pas réussi à régler leurs désaccords politiques sur le
terrain électoral. Il faut remarquer à cet égard un manque certain de préparation avant l'échéance électorale, qui est, en
grande partie du moins, à l'origine des affrontements sur le terrain, de plusieurs mois de guerre, de destructions, de morts
nombreux et d'un élargissement du conflit entraînant des interventions étrangères.
La situation a évolué, les combats semblent cesser. Mais l'engrenage fatal de la violence est-il arrêté ou s'agit-il d'une
accalmie sans lendemain ? Il est important de savoir ce que M. Sassou-Nguesso veut faire de cette victoire obtenue par
les armes.
On a pu noter avec intérêt qu'il a parlé d'élection, de gouvernement d'union nationale ; il n'a toutefois pas cité de
calendrier. Il s'agit maintenant de savoir quel contenu exact il va donner à ces débuts d'engagements.
La situation au Congo doit être prise en compte en fonction du contexte africain et des relations entre la France et
l'Afrique. Le Gouvernement s'est prononcé pour une politique de non-ingérence, parce qu'il considère qu'on ne doit pas
régler les conflits entre les différents clans dans les pays d'Afrique par la force, par l'intervention directe.
Tout naturellement, on doit essayer de trouver un cadre légitime, un cadre multilatéral, permettant de résoudre les conflits.
Dans le cas du Congo, cela a fait défaut. Les médiations tentées n'ont pas abouti et le conflit armé s'est développé. C'est
regrettable. Cependant, il faut remarquer que la France, à juste titre, a appliqué sa politique de non-ingérence.
Face à cette nouvelle situation, nous pouvons nous inquiéter de l'évolution des conflits pour le pouvoir au sein des nations
africaines. En effet, quel contexte prévaut en Afrique centrale ? Dans un certain nombre de pays - Rwanda,
Congo-Kinshasa, Congo-Brazzaville - des équipes arrivent au pouvoir par la force et, souvent, avec l'aide de soldats de
pays voisins.
Cela nous fait penser que si, pour la France, le temps de l'ingérence est terminé, il ne l'est pas pour d'autres pays. Si
l'exemple zaïrois ou congolais venait à se propager, si la force militaire devenait le seul mode de règlement des conflits, les
conséquences seraient lourdes pour l'avenir des Africains.
M. le président. Posez votre question !
M. Marcel Debarge. Que pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, sur la situation de nos compatriotes, du sort des
ressortissants étrangers retenus au Congo ? Nous savons que la France fait ce qu'il faut pour que les Français et les
étrangers présents au Congo soient en sécurité. Cependant, des informations contradictoires sèment l'inquiétude en
France. Pouvez-vous nous apporter des éléments susceptibles de calmer ces légitimes inquiétudes ?
Enfin, nous savons qu'une réunion a lieu actuellement à Dakar, sur l'initiative du Sénégal et de la France, réunion destinée
à étudier la délicate question du « maintien de la paix » en Afrique. Dix-huit pays africains y participent, ainsi que les
Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon, la Russie et des représentants des organisations internationales.
M. le président. Vous avez largement dépassé votre temps de parole !
M. Marcel Debarge. Il s'agit là d'une réunion très importante pour l'avenir du continent et des relations
franco-africaines. J'aimerais connaître la position que la France soutient à Dakar et quelles sont les autres initiatives que le
Gouvernement français serait à même de prendre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 24/10/1997

Réponse apportée en séance publique le 23/10/1997

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, à propos de ce conflit tout à fait navrant,
désolant et regrettable qui a déchiré le Congo pendant plusieurs semaines, notre politique a été claire.
J'en rappelle les principes. Tout d'abord, le temps de l'ingérence - vous l'avez indiqué vous-même, monsieur Debarge -
est terminé. Mais cela ne veut pas dire inaction et passivité.
Pendant toute la durée de ce conflit, nous avons mis en oeuvre tous les moyens politiques et diplomatiques dont nous
disposons, nous avons été appuyés par les efforts de médiation du président Bongo, de l'envoyé du secrétaire général de
l'ONU et de celui de l'OUA.
Ces efforts n'ont pas permis, et nous le regrettons, de régler ce conflit sur le terrain politico-diplomatique. Ce sont donc
les armes qui l'ont finalement emporté.
Il s'agit d'un exemple déplorable qui vient à la suite d'autres, dans la région. Nous devons nous préoccuper de cet effet de
contagion, sans pour autant revenir sur la ligne du Gouvernement et du Président de la République, à savoir sur notre refus
de toute ingérence directe, sauf si le Conseil de sécurité décidait de mettre en place des forces d'interposition. A ce
moment-là, en effet, nous interviendrions par le biais de soutiens financiers ou de supports logistiques.
Par conséquent, notre position repose sur le principe de non-ingérence ainsi que sur un soutien politique et diplomatique
visant à parvenir à une solution politique durable.
S'agissant des Français et, d'une manière plus large, des étrangers sur place, vous avez pu vous rendre compte à quel
point les agents diplomatiques et consulaires et, à Paris, la direction des Français de l'étranger ont été une fois de plus
dévoués, compétents et efficaces. Ils ont réussi à faire en sorte que tous ceux qui avaient besoin d'une aide soient
secourus. Aucun problème grave ne s'est posé.
Notre action humanitaire s'est naturellement poursuivie au bénéfice des Congolais, notamment de ceux de Brazzaville qui
ont été les premiers touchés par ces combats qui ont causé de nombreuses destructions et fait de nombreuses victimes.
D'une façon générale, nous nous préoccupons des situations d'instabilité et de crise. Nous sommes en train de renforcer,
dans tous nos postes diplomatiques ou consulaires concernés par des actions ou des situations de ce type, les procédures
d'information, d'alerte, de regroupement et d'évacuation afin que tous les Français qui se trouvent dans de tels pays
sachent qu'ils ont des moyens de contacter les autorités susceptibles de leur apporter les informations et l'assistance utiles
en cas de nécessité.
Pour le reste, nous mènerons une politique africaine qui reste fidèle à nos amis et partenaires traditionnels.
Nous incitons, nous encourageons ces pays à évoluer parce qu'ils doivent s'adapter, eux aussi, à la nouvelle donne
mondiale sur le plan tant du développement de l'économie que de la consolidation des démocraties. Cette évolution est
difficile et nous sommes les premiers à déplorer les retours en arrière. Mais nous devons nous efforcer d'aider à stabiliser
la situation de ces pays.
Nous ouvrons le dialogue politique à toute l'Afrique parce que ces pays, nos amis les plus proches, nous le demandent.
En ce qui concerne la situation au Congo, nous allons maintenant observer avec beaucoup d'attention sous quelle forme, à
quel rythme M. Sassou Nguesso fera ce à quoi nous l'encourageons vivement, c'est-à-dire donner un contenu concret au
début d'engagement qu'il a pris. Il a en effet parlé d'organiser, après une période de transition, des élections libres et
démocratiques.
Par ailleurs, il commence à faire preuve d'un état d'esprit de coopération par rapport aux Nations unies, ce qui est
important, ne serait-ce que dans le contexte régional. Tel n'est en effet pas le cas d'autres régimes, eux aussi issus de
bouleversements et non pas d'élections. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - Mme Paulette Brisepierre et M. Yann Gaillard applaudissent également.)

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