Question de M. de VILLEPIN Xavier (Français établis hors de France - UC) publiée le 05/03/1998

M. Xavier de Villepin attire l'attention de M. le ministre de la défense sur les armes biologiques à la suite des informations sur le conflit de l'Irak. Il souhaiterait savoir si d'autres pays que l'Irak cherchent à développer de telles armes susceptibles d'attaquer les poumons, les voies digestives, la peau et causer la mort par septicémie ou par empoisonnement du sang. Certains journaux ont indiqué que le bacille de charbon " anthrax " aurait été fourni dans les années 80 par des sociétés européennes ou américaines. Dispose-t-on d'informations précises à ce sujet et peut-on ainsi expliquer les développements réalisés par les scientifiques irakiens ?

- page 709


Réponse du ministère : Défense publiée le 14/05/1998

Réponse. - Malgré l'existence de dispositions internationales interdisant l'emploi d'armes biologiques (protocole de Genève de 1925, convention d'interdiction des armes biologiques de 1972), la menace que représentent les armes biologiques est plus que jamais d'actualité. En effet, le développement des biotechnologies à des fins pacifiques dans un nombre croissant de pays implique notamment des transferts de souches bactériennes ou virales nécessaires à la recherche biomédicale et à la mise au point des vaccins ou des sérums. L'augmentation généralisée des capacités de production d'agents biologiques de toutes sortes ne peut par conséquent qu'accroître les risques de détournement à des fins non pacifiques. Les équipements, les technologies et les matières premières sont à double usage. Ainsi, les équipements de production tels que les fermenteurs, les milieux de culture biologique et les souches bactériennes ou virales, ayant servi pour le programme d'armes biologiques irakien, ont été importés principalement d'Europe ou des Etats-Unis. En 1986, l'Irak a pu se procurer plusieurs souches (anthrax, clostridium botulinium, clostridium perfringens) dans des établissements spécialisés aux Etats-Unis et en France. A cette époque, les Irakiens ont importé des quantités massives de milieux de culture biologique nécessaires à la production d'agents pathogènes. Au total, la Commission spéciale a recensé 39 tonnes de produits importés de pays européens. Il convient de rappeler qu'en 1986, il n'existait aucune coordination au niveau international des contrôles à l'exportation de ce type de biens. Les inspections effectuées par la Commission spéciale de l'ONU pour l'élimination des armes de destruction massive en Irak ont révélé que ce pays avait conçu un arsenal d'armes biologiques offensif. C'est sur la base des recommandations faites au Conseil de la révolution en 1984 par le docteur Hindawi, biologiste diplômé de l'université du Mississippi et membre du partis Baas, que le programme biologique est devenu une priorité présidentielle et a reçu les fonds nécessaires à son développement. Dès 1985, une équipe de scientifiques dirigée par le docteur Taha est installée dans un centre de recherche dédié aux armes chimiques, à Muthanna. Un programme hautement secret de militarisation d'agents biologiques, étalé sur cinq ans, est alors mis en uvre. Il consistait principalement à mettre au point la fabrication de bacille du charbon et de la toxine botulique. Le programme d'armes biologiques de l'Irak s'est accéléré avec le renforcement des équipes scientifiques et la création à Salman Pak, Taji, Al Hakam, de centres de production. La décision de produire à grande échelle trois agents biologiques, charbon, toxine botulique et aflatoxine a été prise en 1988. En août 1990, le ministre en charge des affaires militaires donnait l'ordre de fabriquer le plus d'agents possibles, ainsi que les munitions adaptées (roquettes, bombes d'avion R 400, ogives spéciales pour missiles " Al Hussein "). Même le centre de production de vaccins contre la fièvre aphteuse d'Al Manal fut mobilisé pour produire de la toxine botulique. Après le conflit de 1991, les autorités irakiennes ont donné l'ordre de détruire l'ensemble des munitions et agents biologiques et d'effacer toutes traces du programme biologique. Les principales installations de production, notamment Al Hakam, ont été détruites par la Commission spéciale. Le contrôle à long terme des installations encore existantes et la surveillance des importations irakiennes par la Commission devraient permettre de diminuer les risques de redémarrage d'un programme à finalité militaire. Plus généralement, au-delà du cas irakien, il convient de renforcer la convention de 1972 interdisant les armes biologiques par des mesures de vérification. La France y contribue au sein d'un groupe spécial d'Etats qui se réunit plusieurs fois par an à Genève.

- page 1549

Page mise à jour le