Question de M. COURTEAU Roland (Aude - SOC) publiée le 27/11/1998

Question posée en séance publique le 26/11/1998

M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes
chers collègues, je souhaite sensibiliser le Gouvernement et le Sénat sur ce qu'il n'est pas exagéré de qualifier de
véritable explosion : je veux parler de la terrible augmentation du travail précaire, cette forme d'emploi qui concerne 1
700 000 personnes, au travers du travail intérimaire et des contrats à durée déterminée.
Aujourd'hui, 90 % des embauches se font sur un contrat précaire. Plus grave, ces mêmes salariés sont les plus
exposés et les moins protégés, faute de véritables droits.
Les entreprises concernées sont-elles capables, mes chers collègues, à l'aube du troisième millénaire, d'offrir d'autres
perspectives aux salariés que l'instabilité et la peur du lendemain ?
Au moment où la croissance revient et l'investissement redémarre, au moment où les marges d'autofinancement des
entreprises progressent fortement, ne serait-il pas envisageable de voir les entrepreneurs s'orienter vers l'emploi durable
et mettre ainsi fin à l'intolérable recours systématique au travail précaire ?
En effet, si notre société ne peut se satisfaire d'un trop grand nombre de chômeurs, elle ne peut non plus accepter,
sans réagir, toutes ces formes d'emplois précaires.
Concernant justement le chômage, force est de constater qu'en accédant aux responsabilités ce Gouvernement avait
précisé ce que devait être le fil directeur de son action : « traduire, enfin, dans les actes la priorité à l'emploi, après tant
d'années de vaines proclamations. »
En stabilisant les prélèvements sociaux et fiscaux sur les salaires, sur les retraites, sur les familles, en relançant le
SMIC, en multipliant l'allocation de rentrée scolaire, le Gouvernement a fait le choix de la reprise économique, par et
pour l'emploi.
Mieux encore ! avec la réduction du temps de travail, et les emplois jeunes, la baisse du chômage se confirme et
l'inversion de la tendance est admise par tous. (Murmures sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
Je suis surpris, mes chers collègues, que cela vous gêne ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
Bref, la reprise est là... et la confiance aussi.
Mais il reste à inciter nombre d'entreprises à ne pas précariser l'emploi. C'est pourquoi je pose la question suivante :
quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour contrôler et dissuader les recours systématiques et parfois
permanents à ces contrats précaires, pour donner de véritables droits aux salariés concernés, pour éviter, enfin, la
dérive du travail précaire ?
Comme l'a dit M. le Premier ministre, dont je salue la présence, si la reprise se traduit dans les entreprises sous forme
d'emplois précaires, il ne faut pas s'étonner ensuite que la précarité se retrouve dans la rue. (Applaudissements sur les
travées socialistes.)

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Réponse du ministère : Ville publiée le 27/11/1998

Réponse apportée en séance publique le 26/11/1998

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le sénateur, l'emploi précaire se développe dans notre pays
de manière très importante.
Comme vous l'avez souligné, 90 % des embauches se font sur un contrat précaire. A ce jour, 1,4 million de personnes
travaillent sous ce statut. Le nombre de missions d'intérim a progressé de 24 % en un an, et le nombre de salariés
sous contrat à durée déterminée de 9 %. On peut comprendre que les entreprises recourent aux contrats à durée
déterminée ou à des travailleurs intérimaires lorsque la croissance n'est pas encore sûre, ce qui n'est plus le cas
aujourd'hui, ou lorsqu'il y a un surcroît occasionnel d'activité, ou encore lorsqu'il faut remplacer un salarié absent.
En revanche, ce qui n'est pas acceptable, c'est que des entreprises utilisent le travail précaire pour pourvoir des emplois
permanents qui relèvent de leur activité normale.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Dans ces conditions, le Gouvernement est décidé à agir, comme l'a annoncé
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité le 18 novembre.
En premier lieu, il sera demandé aux inspecteurs du travail de faire du contrôle du travail précaire une priorité de leur
action pour l'année 1999.
En deuxième lieu, sur les points qui posent aujourd'hui problème, tels que le calcul du délai que l'employeur doit
respecter entre deux contrats précaires, la loi doit être modifiée. Le Gouvernement ne peut rester sans réagir devant le
recours systématique et permanent au travail précaire dans des proportions parfois très importantes dans certaines
entreprises.
Voilà quels sont les axes de notre action : assurer une meilleure application du droit existant, renforcer les droits
sociaux des travailleurs précaires, faire obstacle au recours permanent à ces contrats, inciter à l'utilisation d'autres
formules qui existent, tels que le contrat à durée indéterminée annuel, à temps partiel ou les groupements
d'employeurs, formules qui doivent être adaptées pour répondre aux besoins des entreprises sans précariser l'emploi.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

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