Question de M. HAENEL Hubert (Haut-Rhin - RPR) publiée le 11/03/1999

M. Hubert Haenel demande à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, quelles mesures elle entend prendre pour organiser la nécessaire concertation entre les parquets (leurs mandataires : agents de police judiciaire et officiers de police judiciaire des forces de police et de gendarmerie) et les maires dans le cadre de la prévention et de la lutte contre la délinquance. Par ailleurs, il souligne et s'inquiète du développement de la mise en cause pénale des maires par la voie de la plainte avec constitution de partie civile. Il s'étonne aussi que de simples plaintes émanant parfois d'associations de défense d'intérêts privés ou particuliers s'érigeant en justiciers donnent aussitôt lieu à une enquête qui conduit quasi systématiquement à une mise en examen. Le tapage médiatique qui accompagne ces décisions révoltent, à juste titre, bon nombre d'élus locaux. A l'inverse, on constate que les maires qui portent plainte pour des infractions en matière d'urbanisme par exemple n'ont pas toujours de réponse. Dès lors, on comprend aisément leur " ras-le-bol ", ils ont le sentiment que la justice s'acharne sur eux. Pourtant, ces hommes et femmes de bonne volonté, victimes de l'inflation des normes, de la judiciarisation excessive de la société et de la responsabilisation pénale galopante auraient tout à gagner d'un rapprochement avec les procureurs afin d'apprendre à se connaître et à découvrir les difficultés inhérentes aux fonctions de chacun, comme c'est le cas, à l'initiative du procureur dans le ressort du tribunal de grande instance d'Albertville ou encore dans celui de Nanterre. Cette nécessaire concertation ne pourrait-elle être encouragée par le biais des directives générales adressées aux procureurs généraux et procureurs afin qu'ils se mettent en rapport avec les associations départementales des maires, interlocuteurs permanents des pouvoirs publics. Au besoin, n'y aurait-il pas lieu de désigner un ou plusieurs parlementaires pour dresser l'état des lieux, mieux appréhender la réalité de ce phénomène et formuler des propositions.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 05/08/1999

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, tient à assurer à l'honorable parlementaire qu'elle partage ses préoccupations visant à développer la coopération des différents acteurs de la sécurité dans le cadre de la prévention et de la lutte contre la délinquance. Le Gouvernement, conscient de la priorité devant être accordée à cette action, a décidé, dès 1997, la création d'un conseil de sécurité intérieure dont la régularité des réunions assure une continuité de l'action des différents départements ministériels concernés. Au plan local, la rédaction des contrats locaux de sécurité dans le cadre des opérations définies par la circulaire du 28 octobre 1997 associe pleinement les différents partenaires de la sécurité, aussi bien lors de la phase de diagnostic préalable de l'insécurité que pour la définition d'actions concrètes et dynamiques. Les maires sont ainsi devenus les interlocuteurs privilégiés des préfets et des procureurs de la République. Par ailleurs, même si la demande de justice toujours croissante peut parfois se traduire par la mise en cause de la responsabilité pénale des décideurs publics et notamment des élus locaux, il convient de souligner que le législateur a défini strictement les conditions de ces mises en cause. En effet, à la suite de la constitution d'un groupe de travail à l'initiative de la chancellerie, relatif à l'examen des conditions de mise en jeu de la responsabilité pénale des élus, des fonctionnaires et plus largement des décideurs publics, le législateur a adopté, le 13 mai 1996, un texte destiné à clarifier la notion de faute pénale d'imprudence et à exiger que les juridictions répressives se livrent à une appréciation in concreto de cette faute, en tenant compte des circonstances de chaque cas d'espèce. L'ensemble de ces dispositions - visant à ne pouvoir retenir la responsabilité pénale d'un décideur public du chef d'imprudence, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement qu'après qu'a été vérifié que la personne poursuivie n'avait pas accompli les diligences normales compte tenu de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont elle disposait - a été intégré dans les articles 121-3 du code pénal, L. 2123-34, L. 3123-28, L. 4135-28, L. 4422-10-1 et L. 5211-8 du code général des collectivités territoriales, article 11 de la loi nº 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et article 16-1 de la loi nº 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires. L'approche concrète et pratique à laquelle se livrent les juridictions pour apprécier la responsabilité des élus dans ce type d'hypothèse se retrouve aussi bien dans des décisions de condamnation que de relaxe. Une décision de la cour d'appel de Nîmes en date du 11 mars 1999 relaxant un maire poursuivi après un accident mortel survenu lors d'une manifestation taurine peut être citée, tout comme une décision du tribunal correctionnel d'Agen ayant relaxé un chef d'équipe d'une direction départementale de l'équipement poursuivi après le décès d'un automobiliste provoqué par la chute d'un arbre. Les questions soulevées par la responsabilité pénale des agents publics, élus ou fonctionnaires, sont cependant nombreuses. Il est donc nécessaire, comme le garde des sceaux a eu l'occasion de le rappeler dernièrement devant le Sénat, d'engager sans tarder une mise à plat de l'ensemble des problèmes afin de dresser un état des lieux complet et objectif et de formuler des propositions concrètes. Ce travail sera effectué rapidement par un groupe d'études restreint, sous la présidence de M. Massot, président de section au Conseil d'Etat, installé le 21 juin à la chancellerie.

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