Question de M. BAUDOT Jacques (Meurthe-et-Moselle - UC) publiée le 17/06/1999

M. Jacques Baudot attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation critique des cours administratives d'appel. En effet, le rapport public du Conseil d'Etat pour 1999 révèle un accroissement sensible de l'activité contentieuse. Il constate ainsi en 1998 une hausse de près de 15 % du nombre de requêtes enregistrées et une croissance d'une année sur l'autre de plus de 22 % d'affaires en attente de jugement. Cette situation est jugée plus que préoccupante par l'ensemble des magistrats. Toutes les cours avaient, au 31 décembre 1998, un délai de jugement supérieur à deux ans et demi. Pour l'une d'elles, ce délai est proche de quatre ans. A Nancy, il est supérieur à quatre ans et demi. Il convient d'observer que, dans chacune de ces juridictions, le nombre des décisions s'avère très inférieur au nombre d'affaires enregistrées chaque année. Il en résulte une augmentation du stock qui atteindra, en fin d'année, des proportions incompatibles avec les moyens des cours. Par ailleurs, le Conseil d'Etat considère l'ouverture d'une septième cour à Douai en 1999 d'autant plus justifiée qu'elle devrait améliorer le fonctionnement de la cour de Nancy. Il insiste sur la nécessité de poursuivre les créations d'emplois de magistrats et agents de greffe. Or, il lui rappelle qu'aucune création d'emploi de magistrat ne peut s'effectuer au niveau de ces juridictions et que les demandes de mutations des membres des tribunaux administratifs vers les cours sont, en dehors de Paris, très limitées. Aussi, il lui demande de lui indiquer quelles sont ses intentions pour remédier à la situation alarmante des cours, comparable à celle du Conseil d'Etat avant leur création, et afin d'éviter les condamnations que la cour européenne des droits de l'homme ne manque pas de prononcer à l'encontre de la France, en raison de la durée anormale des procédures contentieuses administratives.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 02/09/1999

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, indique à l'honorable parlementaire que, depuis 1990, le nombre annuel brut d'affaires enregistrées devant les cours administratives d'appel connaît une croissance exponentielle, passant de 4 271 affaires à 17 135 en 1998, soit une augmentation de 301,2 %. Bien que les affaires jugées aient également augmenté - 4 753 en 1990, 11 651 en 1998 -, les délais de jugement se sont allongés pour atteindre en 1998 deux ans, onze mois et huit jours. Afin de faire face à cette situation préoccupante, les effectifs des magistrats administratifs de première instance et d'appel ont été augmentés de manière considérable, passant d'environ 190 en 1974 à 350 en 1987. En 1999, ce sont 753 magistrats qui exercent leurs fonctions dans les juridictions administratives, dont 157 en cour administrative d'appel. La loi de programme nº 95-9 du 6 janvier 1995 relative à la justice contribue largement à cette amélioration de la situation des effectifs de magistrats, puisque dans la période quinquennale 1995-1999, ce n'est pas moins de 180 emplois de magistrats, dont 75 à titre temporaire, et 200 emplois d'agents de greffe, qui auront été créés. L'explosion du contentieux a parallèlement nécessité la mise en uvre de nouvelles mesures, selon les trois orientations suivantes : les conditions d'accès des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ont été sensiblement assouplies par la loi nº 97-276 du 25 mars 1997 portant dispositions statutaires relatives au corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : jusque-là, seuls les magistrats ayant atteint le grade de premier conseiller et justifiant d'au moins six ans de services effectifs pouvaient exercer leurs fonctions dans les cours administratives d'appel. L'article 9 de la loi précitée réduit à quatre ans la durée d'exercice des fonctions juridictionnelles et supprime la condition de grade. Il est attendu de cette disposition une meilleure mobilité des magistrats vers les cours administratives d'appel. Deux nouvelles cours administratives d'appel ont été créées : celle de Marseille fonctionne depuis le 1er septembre 1997 et a permis le réaménagement des ressorts territoriaux des cours administratives d'appel de Lyon et de Bordeaux ; celle de Douai sera créée le 1er septembre prochain et le réaménagement territorial qui en résulte permettra le déstockage de près de 3 200 dossiers en instance, provenant des cours administratives d'appel de Nancy et de Nantes. Les cours administratives d'appel sont dotées progressivement d'assistants juridiques dont le rôle d'aide à la décision, notamment en matière documentaire et dans la préparation de solutions ne présentant pas de difficultés particulières, devrait permettre d'alléger les tâches des magistrats et de contribuer à l'amélioration de la durée de traitement des dossiers. La généralisation des moyens informatiques sera achevée dans les cours à la fin de l'année 1999 et conduira à l'accélération de la durée des procédures. Les réformes entreprises doivent être appréciées sur le long terme : l'amélioration sera lente, mais l'intérêt nouveau constaté pour une affectation dans la plupart des cours administratives d'appel autorise un espoir d'améliorer sensiblement, dans les prochaines années, leur situation.

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