Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 20/01/2000

M. Emmanuel Hamel attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le rapport de la Cour des comptes sur la politique portuaire française rendu public en octobre 1999 et dans lequel ses auteurs suggèrent, à la page 92, d'accélérer la transition de la manutention portuaire vers un régime de travail de droit commun. Il lui demande quel est son avis à l'égard de cette suggestion et souhaiterait savoir si le Gouvernement entend prendre des mesures allant en ce sens.

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Transmise au ministère : Équipement


Réponse du ministère : Équipement publiée le 23/08/2001

Le rapport de la Cour des comptes sur " la politique portuaire française " rendu public en octobre 1999 fait état de plusieurs analyses, recommandations et observations à propos du régime institutionnel des places portuaires, des investissements portuaires, de la gestion du domaine dans les ports, et de l'évolution de la manutention portuaire. Le Gouvernement porte un grand intérêt à l'adaptation du régime institutionnel des ports français au nouveau contexte économique et social. A cet égard, le rôle de l'autorité portuaire ne se limite pas à mettre à la disposition du trafic les équipements nécessaires à son accueil et à son opération. S'il s'agit là incontestablement d'un rôle essentiel, son rôle est aussi d'organiser de façon générale la place portuaire, notamment en permettant aux professionnels publics et privés d'assurer les prestations qui sont tout aussi nécessaires au passage du trafic. Pour les ports autonomes, la loi de 1965 a confié à une autorité portuaire unique l'accomplissement de ces deux rôles, tout en laissant sa place au secteur privé et en veillant à ce que cette action contribue au bon fonctionnement de la place portuaire. La structure du conseil d'administration qui reflète cette volonté du législateur a été adaptée par décret du 5 février 1999 pour permettre une plus grande participation des personnels de l'établissement portuaire. Complété par le décret n° 99-782 du 9 septembre 1999 modifiant le code des ports maritimes, ce décret a également mis en place un dispositif de prévention contre les risques de prise illégale d'intérêt pour certains membres des conseils d'administration des ports autonomes maritimes. La recommandation visant à réduire substantiellement la part des usagers doit donc être reconsidérée au regard de ces dispositions ainsi qu'au regard des évolutions constatées dans d'autres grands ports européens concurrents où l'intervention du secteur privé dans la gestion et le financement de superstructures portuaires a tendance à se renforcer. Les considérations sur le régime actuel des ports autonomes sont également posées à travers la réflexion qu'a engagée globalement le Gouvernement sur les établissements publics et le rôle de l'Etat en tant qu'actionnaire, tuteur et régulateur. Pour les ports d'intérêt national, le rapport préconise d'accélérer l'entrée en vigueur d'un nouveau cahier des charges type pour les concessions portuaires en y appliquant le droit interne et communautaire de la concurrence. Ce nouveau cahier des charges type, qui doit faire l'objet d'un décret en Conseil d'Etat, est actuellement soumis à la consultation de plusieurs organismes. Il aura pour effet de mieux préciser les relations entre le concédant et le concessionnaire et les responsabilités de chacun des acteurs concernés, ainsi que les conditions financières de sortie de concession. Les futurs contrats de concession qui s'appuieront sur ce nouveau cahier des charges type comporteront, vraisemblablement, des durées plus courtes que celles retenues dans les années passées, mais celles-ci devront, néanmoins, être suffisantes pour permettre au concessionnaire de développer une stratégie commerciale cohérente. Le décret n° 99-782 a apporté une clarification des règles applicables aux marchés publics des ports autonomes en les soumettant au code des marchés publics (CMP), en n'introduisant de distinction qu'au niveau des seuils. Cependant, le nouveau code des marchés publics institué par un décret du 7 mars 2001 a permis de soumettre au droit commun les marchés des ports autonomes. Cette disposition, introduite par le décret du 29 juin 2001 modifiant le code des ports maritimes, compte néanmoins une adaptation pour les marchés publics ne donnant pas lieu à participation financière de l'Etat qui sont soumis à une commission spécialisée au sein de chaque port autonome. La composition et les règles de fonctionnement de cette commission d'enquête doivent être fixées par arrêté conjoint du ministre de l'équipement, des transports et du logement et du ministre chargé du budget. La diffusion de recommandations pratiques visant à mettre sous contrôle l'ensemble de la procédure d'achat par un renforcement des outils de gestion et de contrôle interne, doit compléter cette clarification. De même, l'instruction budgétaire et comptable du 31 juillet 2000, spécifique aux ports, a été élaborée par les ministres chargés des ports maritimes et de l'économie et des finances, permettant d'adopter des méthodes harmonisées en matière d'immobilisations, d'amortissements et de provisions, notamment. En ce qui concerne les comptes des concessions portuaires, il est rappelé que, de façon générale, les comptes des établissements consulaires sont approuvés par le préfet. Généralement, ils sont présentés par activité avec un sous-détail correspondant aux activités des concessions assurées par les chambres de commerce et d'industrie. Parallèlement, à l'occasion de la préparation du Comité interministériel des investissements économiques et sociaux auquel sont soumis les établissements publics en matière d'investissements et d'emprunts, les comptes des concessionnaires font partie des éléments d'appréciation. L'actuelle classification des ports maritimes relevant de la compétence de l'Etat entre ports autonomes, d'une part, et ports d'intérêt national, d'autre part, n'est pas de nature à freiner leurs possibilités de développement, même si des cas marginaux peuvent cependant se poser. En effet, la gestion intégrée des équipements et du domaine des ports autonomes leur assure une surface commerciale et financière plus large, qui les renforce et leur permet de se positionner sur des trafics plus diversifiés et plus importants. A l'inverse, les ports d'intérêt national, dans lesquels très généralement seuls les outillages et superstructures sont concédés, constituent une structure plus légère et plus souple, qui s'est montrée plus adaptée au développement de certains créneaux de trafics ou niches d'activité spécifiques. Au niveau de l'Union européenne, à la suite du livre vert sur les ports et les infrastructures maritimes, un inventaire des financements dans les ports maritimes européens a été entrepris. Cet inventaire a relevé la nature juridique des divers ports européens dont la Commission ne peut que constater, à l'heure actuelle, l'extrême diversité. La question de la concurrence entre les ports européens relève plus de règles du jeu cohérentes au niveau européen que de l'organisation même des ports qui, à notre sens, relève de la subsidiarité au niveau de chacun des Etats membres de l'Union européenne. La Commission européenne a rendu publiques en février 2001 plusieurs directives constituant un " paquet portuaire " qui comprend, d'une part, une analyse de l'inventaire des financements dans les ports européens et, d'autre part, un projet de directive sur les services portuaires (pilotage, remorquage, lamanage et manutention). Sur le premier point, la Commission reconnaît l'extrême hétérogénéité des différents systèmes portuaires nationaux, mais, à l'occasion de diverses réunions, reconnaît la transparence du système français. Elle ne préconise pas à ce stade de directive spécifique considérant l'existence des textes généraux en matière, notamment, d'aides d'Etat. Sur le second point, la discussion s'est engagée avec les organisations professionnelles. Pour sa part, le Gouvernement sera attentif à ce que les objectifs de subsidiarité, de sécurité et le volet social soient effectivement pris en compte dans cette future directive. La Cour des comptes a également traité les investissements portuaires. Le ministre de l'équipement, des transports et du logement partage tout à fait ses observations sur l'importance stratégique des dessertes terrestres des ports maritimes. Les ports maritimes français sont largement pris en compte dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999, qui définit une nouvelle approche multimodale reposant sur la mise en place de schémas de service de transports pour les voyageurs et pour les marchandises. Conformément à la loi, ils ont été soumis pour avis aux régions et à plusieurs organismes. Cette dimension multimodale est importante, notamment pour le développement du cabotage maritime, et, désormais, tout projet d'investissement de capacité dans les ports français est examiné au regard des aspects de la desserte terrestre. La Cour a judicieusement insisté sur l'absolue nécessité de ne décider des investissements portuaires qu'au vu des résultats favorables d'études économiques sérieuses, prenant en compte des hypothèses réalistes de développement du trafic et en faisant des scénarios variés pour optimiser effectivement les choix. Ces études doivent, bien entendu, prendre en considération l'acheminement du trafic de bout en bout. Cette analyse, reposant sur des critères de rentabilité économique pour la collectivité et financière pour les maîtres d'ouvrage, est systématiquement demandée depuis plusieurs années par l'administration centrale et entreprise par les établissements portuaires pour toute demande de projet d'une certaine consistance. Elle permet de mettre l'accent sur une optimisation des infrastructures existantes. Mais il est cependant nécessaire que des investissements soient entrepris pour que les ports suivent les tendances lourdes d'augmentation et de spécialisation des navires et des cargaisons. Le ministre de l'équipement, des transports et du logement peut s'appuyer sur la capacité d'expertise du Conseil général des ponts et chaussées (CGPC) pour garantir une approche intégrée des dessertes. Cette démarche a, en particulier, été mise en oeuvre récemment pour le projet " Port 2000 " au Havre ainsi que pour le projet de liaison transatlantique par navire rapide pour le port de Cherbourg. Par ailleurs, il est envisagé, en liaison avec le CGPC, d'établir une circulaire relative aux méthodes d'évaluation économique des grands projets d'infrastructure adaptées aux projets portuaires. La réduction des crédits budgétaires, entre le début des années 1990 et 1998, a conduit effectivement l'Etat à adapter sa participation au financement des investissements, à ses capacités financières et, d'autre part, à la rentabilité effective de l'investissement. Cette participation est différente selon qu'il s'agit d'investissements lourds à forte durée de vie ou d'investissements pour les ouvrages d'infrastructures légères, permettant ainsi un équilibre entre ce qui ressort de l'usager et du contribuable. Il est à noter d'ailleurs qu'à l'heure actuelle la part de l'usager ressort à plus de 69 % sur la totalité des investissements réalisés dans les ports, infrastructures et superstructures. Après une longue période de régression, les crédits budgétaires de l'Etat se sont progressivement et notablement accrus depuis 1998 à la demande du ministre de l'équipement, des transports et du logement. Les ports du Havre et de Marseille ont décidé en 1999 la création d'une société commune visant à établir un nouveau système informatique pour les prochaines années. Dans une économie de marché ouverte mais régulée, la fonction d'observation statistique et d'analyse économique constitue une responsabilité publique essentielle. La mondialisation des échanges, la mise en place du marché unique, l'ouverture des marchés des transports à la concurrence ont rendu nécessaire la réalisation d'un suivi fidèle et précis des conditions économiques dans lesquelles s'exerce chacune des activités de transport. L'observatoire des coûts de passage portuaire mis en place en octobre 1998 s'inscrit dans cette logique qui vise à mieux connaître les frais supportés par les différents acteurs du passage portuaire pour permettre à nos ports d'affronter, dans les meilleures conditions, la concurrence non seulement européenne, mais aussi mondiale, à laquelle ils doivent faire face. Cet observatoire qui intervient dans un secteur particulièrement difficile, où le secret commercial est la règle, a déjà activement commencé ses travaux, comme la mise en place d'un comité d'orientation avec les professionnels du domaine portuaire, l'analyse des besoins, la réalisation d'études de faisabilité, la mise en place de dispositifs d'enquête. Son succès dépend cependant avant tout de la collaboration que voudront bien y apporter les professionnels du secteur. Placé auprès du service économique et statistique de la direction des affaires économiques et internationales, ce positionnement est une garantie de neutralité qui permet à l'observatoire de bénéficier de toute l'expérience de ce service en matière de collecte et de traitement d'informations relevant du secret commercial et du secret statistique. La Cour des comptes s'est également préoccupée de la gestion du domaine dans les ports. La loi de 1994 a prévu la possibilité d'instaurer des droits réels sur les investissements immobiliers réalisés sur le domaine public, notamment maritime. Les décrets d'application ont été pris et cette mesure est en oeuvre. Toutefois, face aux interrogations de certains professionnels, une analyse plus précise va être engagée avec eux pour cerner les points à améliorer le cas échéant, en prenant en compte également la situation dans les ports concurrents. Il n'apparaît pas souhaitable que soit systématiquement entrepris le déclassement et la vente du domaine public maritime, car l'autorité portuaire doit conserver la maîtrise de son foncier, avec des règles dynamiques pour son utilisation, pour s'adapter le plus rapidement possible aux besoins et aléas de la vie économique des entreprises. Ceci semble d'autant plus important au vu du développement des zones logistiques portuaires dans un grand nombre de ports européens. Il est nécessaire que nos ports les plus importants disposent de réserves foncières à court, moyen et long terme pour s'adapter à cette évolution de l'offre d'acheminement et de transformation des marchandises. De façon générale, les observations de la Cour des comptes sur le coût de la gestion du domaine trouveront des réponses avec le nouveau cahier des charges type pour les concessions portuaires. La diversité des situations dans les ports nécessite d'avoir une approche pragmatique afin d'améliorer, au niveau de chaque place portuaire, la connaissance du patrimoine, du coût et des revenus de la gestion du domaine. Concernant l'évolution de la manutention portuaire, la Cour des comptes a recommandé d'engager rapidement une analyse juridique pour faire aboutir les projets d'opérateurs visant à intégrer l'outillage dans les entreprises de manutention. Le décret du 9 septembre 1999 a introduit une nouvelle modalité de gestion et d'exploitation de terminal au sein du code des ports maritimes, qui pourra, pour certains types de trafic particulièrement exposés à la concurrence internationale, autoriser un opérateur à exploiter et, le cas échéant, à réaliser un terminal. Cette disposition permet de lever les obstacles juridiques aux divers projets d'opérateur intégré, notamment celui du quai à pondéreux Ouest de Dunkerque. Elle permet de créer un cadre adapté au renforcement de la compétitivité des plus grands ports français. Elle devrait, le cas échéant, favoriser le développement de partenariats public/privé, permettant la possibilité d'une association entre une autorité portuaire et une entité privée pour inciter cette dernière à s'engager et à réaliser une opération qu'il n'aurait pas entreprise seul, dans le cas où le regroupement d'entreprises privées ne serait pas obtenu ou suffisant pour atteindre le volume nécessaire. En conclusion, le rapport de la Cour des comptes a le mérite d'avoir permis l'examen détaillé d'un important volet de la politique portuaire française, même s'il n'en a pas couvert toutes les composantes. En effet, il n'est pas inutile de rappeler que d'autres professions, dont l'activité n'est pas négligeable pour la compétitivité de nos places portuaires, concourent au passage du trafic portuaire. Le ministre de l'équipement, des transports et du logement a d'ores et déjà donné suite à de nombreuses propositions de la haute juridiction, notamment dans le cadre des décisions prises par les comités interministériels de la mer des 1er avril 1998, 28 février et 27 juin 2000. Ainsi, sans être nécessairement exhaustif, plusieurs dispositions peuvent être évoquées. En ce qui concerne l'exonération de la taxe professionnelle pour un certain nombre d'équipements de manutention portuaire, la Commission a émis une position favorable au dispositif proposé qui a été, en conséquence, intégré à l'occasion de la loi de finances initiale pour 2001. Parallèlement, des dispositions concernant la préretraite progressive des ouvriers dockers ont été adoptées et entrent progressivement en vigueur, disposition complétée par l'ouverture du dispositif " amiante " aux ouvriers dockers en 2000. Au niveau de la chaîne de transport maritime - transport terrestre, la priorité du renforcement de la desserte terrestre clairement exprimée dans la loi pour l'aménagement et le développement durable du territoire de juin 1999 est intégrée dans les schémas de service pour le transport de marchandises. Sur les taxes parafiscales, un certain nombre de suppressions ou d'allégements ont été intégrés dans la loi de finances pour l'année 2000. Le décret n° 2000-312 du 11 avril 2001 relatif à la prime d'aménagement du territoire intègre la logistique aux activités pouvant en bénéficier. Les évolutions réglementaires nécessaires sont en cours pour le renforcement de la compétitivité des professions portuaires, notamment le pilotage et le remorquage. Ainsi, de premières dispositions ont été prises pour le pilotage avec le décret du n° 2000-455 du 25 mai 2000 modifiant le décret n° 69-515 du 19 mai 1969. Les décrets du 9 septembre 1999, n° 99-781 relatif au régime de la tutelle sur certains actes des ports autonomes maritimes et n° 99-782 modifiant le code des ports maritimes, ont apporté des mesures de déconcentration et de modernisation de la gestion des ports maritimes. Le décret n° 2000-682 du 19 juillet 2000 a concrétisé le cahier des charges type de la convention d'exploitation de terminal. Le décret n° 2001-566 du 29 juin 2001 modifiant le code des ports maritimes a concrétisé la décision du Gouvernement de supprimer la taxe passagers dont 25 % allaient au profit de l'Etat et, d'autre part, modernisé le système de la redevance sur les navires au niveau des modulations et abattements. De même, il a introduit des dispositifs spécifiques permettant aux établissements portuaires de favoriser le démarrage de lignes nouvelles de cabotage. Enfin, en matière de statut des ports, le Gouvernement montre son attachement, d'une part, à une volonté de coopération interportuaire plus forte entre certains ports, et, d'autre part, à participer activement à la réflexion sur un accroissement de la décentralisation en matière portuaire. Le plan d'actions douanes-ports est mis en oeuvre, les services des douanes oeuvrant comme un véritable partenaire des professionnels portuaires. Il convient de souligner l'évolution positive de l'activité et la diversification des ports français depuis ces trois dernières années. Les orientations budgétaires récentes montrent à l'évidence le fort intérêt du Gouvernement pour le développement des ports maritimes avec, notamment, l'effort particulier qui sera réalisé pour l'extension du port du Havre, ainsi que les crédits affectés dans le cadre des nouveaux contrats de plan Etat-région qui représentent un triplement des crédits par rapport aux contrats de plan précédents. C'est donc par un ensemble d'actions pragmatiques et concrètes que se définit et se met en oeuvre la politique portuaire du Gouvernement à l'égard des ports maritimes, en prenant aussi en compte l'évolution des réflexions menées au niveau européen.

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