Question de M. SIGNÉ René-Pierre (Nièvre - SOC) publiée le 10/03/2000

Question posée en séance publique le 09/03/2000

M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Ma question s'adresse à Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, et concerne
l'harmonisation des fiscalités européennes.
L'harmonisation fiscale est la condition nécessaire à la coordination des politiques économiques et des politiques de
l'emploi. Elle est aussi un garde-fou contre la concurrence exagérée que se livrent les pays de l'Union européenne afin
d'attirer à eux les entreprises. Elle devrait tout au moins remplir ces rôles contre le dumping social et fiscal, si elle était
plus effective. Il s'agit d'un chantier parmi les plus anciens, mais aussi, hélas ! de chantiers où les progrès de
l'intégration ont été les plus lents.
Quarante-trois ans après le traité de Rome, il faut en effet rappeler qu'à l'article 99 de ce texte fondateur était
mentionnée la nécessité d'harmoniser les impôts indirects en vue de supprimer les contrôles aux frontières. Etait
également prévue, à l'article 220, la possibilité pour la Commission de faire des propositions au Conseil pour le cas où
la disparité des fiscalités directes créerait des distorsions de concurrence entre les Etats membres.
Le commissaire européen Frederic Bolkestein a d'ailleurs annoncé récemment, avec son collègue Mario Monti, son
intention de mettre en oeuvre les moyens mis à sa disposition par les traités successifs afin de réduire cette disparité.
Mais si nous voulons véritablement enrichir l'Europe d'une politique fiscale, c'est d'une initiative politique que nous
aurons besoin et qui demandera le passage, en matière fiscale, à la majorité qualifiée.
M. le président. Votre question, monsieur Signé !
M. René-Pierre Signé. Et beaucoup fondent leurs espoirs sur la prochaine présidence française pour y parvenir.
M. Henri Weber. A juste titre !
M. Jean-Pierre Raffarin. Grâce à Chirac !
M. René-Pierre Signé. Quoi qu'il en soit, la Commission a déjà pris une initiative intéressante en organisant le
recensement des soixante techniques fiscales les plus dommageables à une saine concurrence entre les Etats pour
attirer chez eux des entreprises.
M. le président. Votre question !
M. René-Pierre Signé. Bruxelles a également eu le mérite de relancer la question de la coordination des taux de TVA.
En décembre prochain, à Nice, la France clôturera son semestre de présidence de l'Union par un sommet dont j'espère
qu'il permettra d'avancer de façon décisive dans l'harmonisation des fiscalités.
M. Jean-Pierre Raffarin. Avec le président de la République !
M. René-Pierre Signé. Quelle vous semble, madame la secrétaire d'Etat, la volonté de nos partenaires d'aboutir à un
accord à cette date, en particulier celle du Royaume-Uni ? Quelle est l'analyse du Gouvernement ? (Applaudissements
sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

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Réponse du ministère : Budget publiée le 10/03/2000

Réponse apportée en séance publique le 09/03/2000

M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est, comme vous,
convaincu de l'importance et de l'urgence d'une harmonisation des fiscalités en Europe.
Elle est urgente parce que, pour des raisons d'efficacité économique, l'absence d'harmonisation fiscale conduit
nécessairement à une surtaxation des facteurs de production peu mobiles, tels que l'immoblier ou le travail, au profit
des facteurs de production très mobiles, tels que les valeurs mobilières. C'est cette évolution - que nous condamnons
depuis vingt ans, mais que nous constatons en Europe - qui fait que les taxes sur le travail ont plutôt augmenté tandis
que les taxes sur le capital ont diminué, ce qui certainement explique la persistance d'un chômage élevé en Europe.
L'harmonisation fiscale européenne est urgente aussi pour des raisons d'équité sociale. Evidemment, ce sont les
contribuables qui disposent des plus gros partrimoines, les grandes entreprises qui ont la possibilité de localiser leur
fortune ou leurs activités dans des zones de basse pression fiscale, ce qui est évidemment impossible aux petits
contribuables ou aux petites entreprises.
C'est pourquoi, depuis juin 1997, la France a fermement appuyé les initiatives prises par l'Union européenne en ce
domaine. C'est grâce à la France et grâce à l'action résolue de Dominique Strauss-Kahn et de Christian Sautter que la
directive sur la TVA en faveur des services à forte intensité de main-d'oeuvre a pu aboutir en octobre dernier, ce qui a
permis au Gouvernement de proposer au Parlement une baisse de la TVA sur les travaux dans les logements, qui a été
adoptée dans le budget pour l'année 2000.
C'est aussi grâce à l'appui constant de la France au groupe de travail qui est présidé par Mme Primarolo, secrétaire
d'Etat au budget britannique, et auquel participent tous les Etats membres que, pour la première fois en Europe, a pu
être établie une liste de soixante-cinq pratiques fiscales déloyales. Les Etats membres se sont engagés sur le principe
d'un démantèlement de ces pratiques, conformément au code de conduite.
La publication du rapport qui établit cette liste a été décidée par le conseil Ecofin du 28 février dernier, et nous avons
aussitôt transmis ce document au président du Sénat, ainsi qu'aux présidents des commissions des finances et des
affaires étrangères et à celui de la délégation à l'Union européenne de la Haute Assemblée.
En revanche, comme vous l'avez souligné, le dossier de la fiscalité de l'épargne reste au point mort. Nous avons été
déçus, à Helsinki, par le blocage de la Grande-Bretagne sur cette question.
Cela étant, Helsinki n'a pas fermé tout espoir de progrès. Un groupe de travail, auquel je participe, s'est réuni une
première fois le 25 février dernier.
Il est clair, pour le Gouvernement que, en cas d'échec, la question de l'extension du vote à la majorité qualifiée en
matière fiscale ne pourra pas ne pas se poser. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

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