Question de M. OUDIN Jacques (Vendée - RPR) publiée le 10/03/2000

M. Jacques Oudin demande à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement s'il envisage la création d'un délit spécifique d'entrave à la perception du péage qui permettrait aux sociétés d'économie mixte concessionnaires de se faire rembourser les préjudices causés par les manifestations dont elles sont victimes. En effet, entre 1995 et 1998, chaque année plus de 350 manifestations de diverses catégories (agriculteurs, chasseurs, chauffeurs routiers, chômeurs...) sans lien avec l'exploitation des autoroutes ont pris pour cadre les barrières de péage pour exprimer leurs revendications. Ces manifestants s'opposant à la perception du péage, il en résulte une perte de recette annuelle moyenne de 70 millions de francs, soit environ 200 000 francs par manifestation.

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Réponse du ministère : Équipement publiée le 05/04/2000

Réponse apportée en séance publique le 04/04/2000

M. le président. La parole est à M. Oudin, auteur de la question n° 748, adressée à M. le ministre de l'équipement,
des transports et du logement.
M. Jacques Oudin. Monsieur le ministre, la prise d'otage est un phénomène qui se développe de plus en plus dans
nos sociétés modernes. Même si ces prises d'otages sont pacifiques, elles sont condamnables et doivent pouvoir être
sanctionnées.
C'est pourquoi je vous demande si vous envisagez de proposer au Gouvernement la création d'un délit spécifique
d'entrave à la perception du péage qui permettrait aux sociétés concessionnaires, qu'elles soient d'économie mixte ou
privée, de se faire rembourser les préjudices causés par les manifestations dont elles sont victimes.
En effet, entre 1995 et 1998, chaque année, plus de trois cent cinquante manifestations émanant de diverses
catégories de la population, que ce soit des agriculteurs, des chasseurs, des chauffeurs routiers, des chômeurs et j'en
passe, sans lien aucun avec l'exploitation des autoroutes, ont pris les barrières de péage comme cadre à leurs
revendications.
Ces manifestants s'opposent alors à la perception dudit péage. Il en résulte, en moyenne, une perte annuelle de
recettes de 70 millions de francs, soit environ 200 000 francs par manifestation.
Or, vous l'avez dit à l'instant, monsieur le ministre, notre réseau autoroutier a pu se développer de façon remarquable
grâce au système de concession et de péage. Si l'on coupe la racine et la source d'alimentation, il est évident qu'un
problème va se poser.
Le plus étonnant, c'est, non seulement que les forces de l'ordre présentes sur place n'interviennent quasiment jamais,
mais que, de plus, les plaintes déposées par les sociétés concessionnaires d'autoroute sont, soit classées sans suite,
soit soumises à une jurisprudence défavorable qui ne permet pas aux sociétés d'être indemnisées des préjudices
financiers subis.
Cette situation donne aux manifestants un sentiment d'impunité et contribue vraisemblablement à la croissance
régulière du nombre de manifestations. Elle engendre également un climat d'insécurité ressenti, à la fois, par les
personnels des péages et, bien entendu par les usagers.
Par ailleurs, la multiplication de ces opérations favorise la remise en cause du paiement du péage, qui est, je le répète,
l'un des moyens essentiels de financement des infrastructures de transport en général et des autoroutes en particulier.
C'est pourquoi, dans l'esprit de la circulaire du 10 août 1987 relative aux entraves à la circulation routière, mais aussi
ferroviaire, fluviale et aérienne, il semble au moins indispensable que des instructions soient données aux préfets pour
mettre un terme, quand cela s'avère nécessaire, à ces agissements.
De même, ces infractions n'étant pas actuellement retenues par les parquets, il conviendrait d'envisager la création d'un
délit spécifique d'entrave à la perception des péages, qui assurerait aux sociétés concessionnaires d'autoroutes un
remboursement des préjudices causés par de telles manifestations.
C'est pourquoi je renouvelle ma question : le Gouvernement a-t-il bien l'intention de prendre des mesures pour réduire le
nombre de manifestations de ce type en engageant la responsabilité des organisations instigatrices et des meneurs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, il est un peu
excessif de ramener ce problème à des prises d'otages. Votre propos a certainement dépassé votre pensée.
Au demeurant, je vous dis tout de suite très nettement que, pour moi, il n'est pas question de créer un délit spécifique,
comme vous le réclamez. Sans doute cette idée prévaut dans les sociétés concernées ou même dans certains
services administratifs pour les raisons que vous avez évoquées, mais telle n'est ma conception ni du dialogue social ni
de l'intérêt des sociétés autoroutières.
Je pense que vous avez fait allusion à la note adressée à d'autres départements ministériels, sur laquelle figurait la
signature du ministre. Compte tenu de l'émotion qu'elle a suscitée dans la mesure où il y était fait référence aux
manifestations des agriculteurs, des chasseurs, des chauffeurs routiers et même des chômeurs, j'ai été amené à
exprimer clairement ma position, et je vous la confirme.
Sur le dialogue social, vous connaissez ma démarche comme vous connaissez celle du Gouvernement. J'ai eu à
plusieurs occasions l'opportunité de vous dire que je préfèrais plutôt convaincre que contraindre, dialoguer qu'imposer,
associer que mépriser.
En ce qui concerne la défense des sociétés d'autoroutes, je crois qu'il leur faut effectivement des moyens réels,
nouveaux et transparents pour leur permettre d'assumer pleinement leur mission de service public, dans le souci de
leurs équilibres financiers.
Mais, monsieur Oudin, vous êtes un spécialiste de ces questions. Vous avez d'ailleurs, je crois, évoqué le problème
des sociétés concessionnaires au mois de juin de l'année dernière et j'avais alors eu l'occasion de vous répondre à ce
sujet.
La réponse que je viens d'apporter à M. Masson devrait vous satisfaire. M. Masson attendait que je lui dise que, tel jour
à telle heure, la question serait examinée par le Parlement. Nous n'en sommes pas là. Je ne peux pas vous en dire
plus sinon vous me reprocheriez d'avoir avancé une date et, après, de ne pas l'avoir respectée.
En tout cas, messieurs, nous sommes actuellement dans la toute dernière partie de la discussion avec la Commission.
Cette réforme interviendra donc propablement dans les prochains mois, pendant la session parlementaire.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Mais ne pensez pas que, sur ces travées,
nous soyons opposés au dialogue social. Nous recommandons au Gouvernement et aux ministres concernés d'engager
avec les chasseurs, les agriculteurs, les chauffeurs routiers, les chômeurs, le dialogue social le plus approfondi
possible. Mais, que diable ! pourquoi les usagers des autoroutes devraient-ils être systématiquement pris en otages
parce que le dialogue social s'établit mal entre le Gouvernement, les ministres et les catégories concernées ?
Monsieur le ministre, si vous êtes favorable au dialogue social, engagez-le ! Mais ne faites pas supporter aux usagers
des autoroutes les conséquences de problèmes qui les dépassent complètement.
Votre réponse me paraît donc peu fondée. En tout cas, elle aura un effet certain : l'ordre républicain sera de moins en
moins bien assuré sur les autoroutes, soyez-en sûr !
Tant que vous ne déciderez pas de créer un délit spécifique et que vous ne donnerez pas d'instructions aux préfets, les
troubles ne feront que s'accentuer. A l'heure actuelle, on enregistre 350 manifestations par an ; je parie que l'on
dépassera les 400 l'année prochaine !

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