Question de M. HÉRISSON Pierre (Haute-Savoie - UC) publiée le 21/09/2000

M. Pierre Hérisson appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la signature prévue le 16 octobre prochain par le Gouvernement français d'un accord intergouvernemental mettant fin à l'obligation de traduction des brevets européens en français et les risques que cette signature comporte sur le danger de généraliser un mouvement tendant à faire de la langue anglaise la langue unique de la technologie et de l'industrie. Après plusieurs décennies d'existence, le brevet européen doit veiller à la réduction de son coût, notamment des traductions dont le montant trop onéreux peut représenter 40 % du coût de la protection. Le Gouvernement et les professionnels étaient parvenus en juin 1999 avant l'ouverture de la conférence intergouvernementale sur le brevet européen initié par la France à un compromis. La solution consistait à limiter l'obligation de traduction à la seule " partie signifiante " de la description du brevet indispensable pour la compréhension de l'invention, aboutissant à réduire de 50 % le coût de traduction du brevet européen. Pourtant les négociateurs français se sont depuis ralliés à une nouvelle position selon laquelle les Etats signataires de cet accord devraient renoncer aux exigences de traduction en langue nationale actuellement en vigueur. Les déposants choisiraient librement l'une des trois langues officielles : allemand, anglais ou français. Or, du fait de l'importance des dépôts non européens, on peut s'attendre que l'anglais soit très majoritairement choisi comme langue de référence. La politique très volontariste en matière de propriété industrielle des entreprises américaines et japonaises risque d'accentuer le phénomène. Cette situation non seulement ne soignerait pas les intérêts des PME françaises mais serait aussi en contradiction avec l'article 2 de la Constitution qui stipule que la langue française est le français. Aussi il lui demande s'il envisage de restaurer la position initiale du Gouvernement tendant à conserver l'obligation de traduction du brevet à la seule partie indispensable pour la compréhension de l'invention dans le but de préserver la place de la langue française dans l'environnement économique, technologique et industriel.

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Réponse du ministère : Économie publiée le 04/01/2001

Réponse. - Le brevet est un titre qui permet à l'auteur d'une invention d'empêcher quiconque de l'exploiter sans son autorisation. C'est un élément très important de promotion de l'innovation. Un brevet est aussi un pari sur l'avenir, car on ne sait généralement pas à l'avance si l'invention à laquelle il est associé sera rentable. Le brevet européen, qui unifie la délivrance des brevets pour 19 pays, et permet de se protéger dans toute l'Europe, demeure cependant très cher, plus particulièrement pour les PME, alors qu'aux Etats-Unis ou au Japon, la délivrance des brevets est rapide et peu coûteuse. La nécessité de breveter largement ses inventions implique, en conséquence, que le coût d'entrée dans le brevet européen ne soit pas dissuasif. Depuis 1999, la France a cherché, dans un cadre intergouvernemental, à obtenir la réduction de ce coût. Parallèlement, au niveau du brevet national, une diminution de moitié de la taxe de recherche a été décidée en France le 1er janvier 2000. Un projet d'accord sur le régime linguistique des brevets européens a été préparé au cours des derniers mois et présenté lors de la conférence intergouvernementale de Londres des 16 et 17 octobre 2000. Cet accord engagerait les Etats signataires à renoncer à exiger du titulaire la traduction intégrale du brevet dans leur langue nationale. Pour les déposants français, ce projet d'accord limiterait considérablement le coût et la complexité d'un outil indispensable. Il réaffirmerait la prééminence des trois langues de l'Office européen des brevets (OEB), dont le français fait partie, avec l'anglais et l'allemand. Il a cependant suscité de nombreuses interrogations, voire des inquiétudes, de la part notamment des académies et des milieux professionnels de la propriété industrielle. Le Gouvernement, conscient des préoccupations ainsi soulevées, entend donc ne signer l'accord que si l'intérêt général en est parfaitement établi et s'il suscite une large adhésion, permettant d'envisager sereinement sa ratification. Le Gouvernement français a donc annoncé à Londres que la France ne pouvait à ce jour envisager la signature de l'accord proposé. Il importe, en effet, que la langue française conserve toute sa place comme langue technique et que l'information demeure disponible en français pour tous les utilisateurs du système des brevets, en particulier nos PME. Pour que la France puisse être partie à cet accord, il a été jugé nécessaire que la traduction des revendications mais aussi celle des descriptions puissent toujours être disponibles en français. Il est donc prévu un dispositif de traduction des descriptions des brevets, sous maîtrise d'ouvrage de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). Lors de la conférence intergouvernementale de Londres, huit Etats ont signé l'accord et deux autres Etats ont annoncé leur intention de se joindre aux premiers signataires. Pour sa part, le Gouvernement a décidé de poursuivre les consultations, en sollicitant toutes les parties intéressées : parlementaires et élus, entreprises et chercheurs, avocats, conseils en propriété industrielle, académies... Le Gouvernement s'appuiera sur cette concertation pour arrêter sa position à l'égard de l'accord, au plus tard le 30 juin 2001.

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