Question de M. GIRAUD Francis (Bouches-du-Rhône - RPR) publiée le 19/10/2000

M. Francis Giraud appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur la baisse préoccupante du nombre de pédiatres en France. Le nombre des pédiatres français a entamé une décrue qui va aller en s'accélérant : les 110 pédiatres formés annuellement n'assurent plus la relève des départs en retraite (120 en 2000, 200 prévus à l'horizon de 2009). La féminisation de la profession accentue le déséquilibre en raison, d'une part, d'un exercice libéral majoritairement à temps partiel et, d'autre part, d'évolutions très contraignantes du métier en secteur hospitalier qui risquent de remettre en cause bien des vocations. L'amorce d'une augmentation de postes de diplôme d'études supérieures (DES) (37 postes supplémentaires en 1999) était de bonne augure. Mais la promesse d'une vingtaine de postes supplémentaires pour 2000, contenue dans la circulaire DGS/PS 2/DES nº 99-552 du 29 septembre 1999, n'a pas été tenue. La situation devient donc désastreuse et met en péril la santé des enfants. Aussi, il lui demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour y remédier.

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Réponse du ministère : Santé publiée le 20/12/2000

Réponse apportée en séance publique le 19/12/2000

M. Francis Giraud. Hospitalo-universitaire en pédiatrie et génétique médicale, ancien
président des pédiatres de langue française, je voudrais, madame la secrétaire d'Etat, par
votre intermédiaire, appeler l'attention du Gouvernement sur la baisse très préoccupante du
nombre de pédiatres dans notre pays.
En France, les 5 652 pédiatres représentent 3 % de l'ensemble des médecins et 6 % des
spécialistes, alors que les enfants de moins de quinze ans constituent, eux, 20 % de la
population.
En outre, le nombre des pédiatres français a entamé une décrue qui va aller en s'accélérant.
Les 110 pédiatres formés annuellement n'assurent plus la relève des départs en retraite : 120
en 2000, 200 prévus pour 2009.
Par ailleurs, la féminisation de la profession accentue le déséquilibre.
Les femmes représentent 56 % des pédiatres en activité et occupent 80 % des postes
d'interne titulaire du DES. Or, en libéral, les femmes exercent à un peu moins de 70 % de
leur temps ; en exercice hospitalier, les évolutions du métier, avec l'introduction d'un plan de
périnatalité et d'un plan d'urgence très contraignants - mais nécessaires - risquent de
remettre en cause bien des vocations.
Dans ce contexte défavorable, on ne peut même pas compter sur une rémunération attractive
pour susciter de nouvelles vocations. En effet, les pédiatres sont les plus mal lotis : ils se
situent au bas de l'échelle des médecins libéraux, avec un revenu annuel moyen de 310 000
francs en 1998.
L'amorce d'une augmentation de postes de DES - 37 postes supplémentaires en 1999 - était
de bon augure, mais la promesse d'une vingtaine de postes supplémentaires pour 2000,
contenue dans la circulaire du 29 septembre 1999, n'a pas été tenue.
L'absence de mesures ad hoc pour une spécialité considérée comme « sinistrée » conduit à
une situation désastreuse.
Ainsi, les urgences pédiatriques représentent aujourd'hui 30 % des urgences et les urgences
hospitalières seront de plus en plus saturées.
D'ores et déjà, dans les institutions communautaires, l'effectif est de moins en moins
conforme à la réglementation.
Lassées de n'être pas écoutées, les différentes organisations représentatives de la pédiatrie,
telles que la société française de pédiatrie, l'association française de pédiatrie, le collège des
pédiatres des hôpitaux généraux, le collège des professeurs de pédiatrie, le syndicat national
des pédiatres français, viennent de lancer un appel pour attirer l'attention des pouvoirs publics
sur l'insuffisance du nombre de pédiatres en formation, qui met en péril l'avenir de la spécialité
et, surtout, constitue une menace pour la santé des enfants.
Aussi souhaiterais-je, madame le secrétaire d'Etat, que vous me fassiez part des dispositions
que le Gouvernement entend prendre pour répondre à cet appel et remédier à cette très
inquiétante situation.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le
sénateur, je comprends que vous soyez mobilisé sur cette question compte tenu de votre
éminente expérience en la matière. Permettez-moi cependant de démentir un certain nombre
de vos affirmations.
En premier lieu, il n'y a pas diminution de l'effectif des pédiatres en exercice actuellement ; le
nombre des pédiatres est passé de 5 100 en 1991 à 5 700 en 1998. Il existe, en revanche,
des inégalités régionales très importantes, la densité de pédiatres pour 100 000 habitants
allant de 5,5 en Poitou-Charentes à 18,8 en Ile-de-France, soit un ratio supérieur à trois entre
les régions les plus et les moins médicalisées, sans pour autant que nous relevions une
différence de prise en charge dans la santé des enfants sur l'ensemble du territoire ; en effet,
la communauté médicale et les liaisons de prise en charge garantissent une bonne qualité
dans le suivi de la santé des enfants.
Je vous donne acte du fait que la modification des conditions de pratique professionnelle, la
féminisation, l'aspiration à un temps plus équilibré entre vie professionnelle, vie familiale et
loisirs nous conduit à revoir la démographie médicale pour les années qui viennent.
J'ai déjà eu l'occasion, dans cet hémicycle, d'évoquer le projet sur lequel travaille le
Gouvernement. Sur mon initiative, avec le directeur général de la santé, nous avons entrepris
une étude prospective du temps médical qui sera nécessaire aussi bien en termes de
disciplines qu'en termes de répartition géographique. Vous aurez connaissance de ses
résultats comme la communauté médicale, en vue de la large concertation qui est prévue
pour le printemps prochain.
En second lieu, la pédiatrie a fait partie, en 1997, des spécialités particulièrement étudiées
dans le cadre de la mission conduite par le professeur Nicolas.
Cette étude a mis en évidence que, pour maintenir un effectif de pédiatres satisfaisant, il était
nécessaire de soutenir le nombre de postes mis au recrutement par la voie de l'internat. Il a
ainsi été prévu de porter à 200 le nombre de postes d'interne actuellement fixé à 110 par an ;
chiffre qui ne se révélerait pas suffisant pour permettre le renouvellement des générations qui
vont cesser leur activité. A terme, cet effectif de postes d'interne est nécessaire pour assurer
une cohorte stable d'environ 6 000 pédiatres en activité.
Peut-être ce chiffre sera-t-il revu à la hausse à la lumière des conclusions des études que
nous conduisons mais, pour l'instant, c'est celui qui est avancé par les spécialistes qui nous
conseillent sur cette question.
Cette année, 148 postes ont été offerts et pourvus à la rentrée universitaire au concours
d'internat en pédiatrie ; ce nombre sera de nouveau augmenté en 2001. En effet,
l'augmentation du nombre d'internes en pédiatrie doit également se faire en tenant compte
des capacités de formation des équipes, mais ce n'est pas à vous, monsieur le sénateur, que
je l'expliquerai.
Au-delà du nombre de pédiatres, c'est aussi l'organisation de la prise en charge médicale des
enfants qui doit être envisagée, optimisée et toujours perfectionnée.
L'essentiel du suivi des enfants est aujourd'hui le fait soit des médecins généralistes en
médecine ambulatoire, soit des pédiatres dans le cadre des centres de médecine
communautaire, pour la protection maternelle et infantile, la PMI.
La PMI a un rôle important à jouer en lien avec les pédiatres libéraux pour le suivi du
développement psychomoteur de l'enfant, en particulier aux dates clés de son
développement.
Les médecins généralistes, pour leur part, ont un rôle capital de médecin de premier recours
pour l'ensemble de la pathologie courante de l'enfant.
A cet égard, j'ai été heureuse de constater que les différents articles scientifiques ou
médicaux parus pour conseiller, à l'entrée dans la mauvaise saison, les parents dont l'enfant
présente des risques de bronchiolite, préconisent le recours au médecin généraliste, au
médecin de famille - c'est, en effet, la réaction la plus pragmatique et la plus intelligente -
plutôt que les urgences, qui peuvent présenter, pour l'enfant, d'autres risques indirects.
Les médecins généralistes doivent donc bénéficier d'une meilleure formation, d'une meilleure
sensibilisation à l'approche de la pathologie courante de l'enfant.
Dans le cadre de la réforme du troisième cycle des études médicales, il est ainsi
expressément prévu que les médecins généralistes reçoivent une formation systématique à la
pédiatrie dans le cadre de leurs études, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Cela va donc
améliorer la prise en charge de la santé des enfants.
Ainsi pourra se créer une véritable filière de prise en charge des enfants dans laquelle chacun
des acteurs verra sa place reconnue.
Dans le domaine de la pédiatrie comme dans d'autres, une dynamique de réseau entre les
professionnels doit ainsi être renforcée, les spécialistes en pédiatrie étant appelés à exercer
dans les urgences pédiatriques, dans les services de spécialité et dans les maternités aux
termes du décret périnatal visant à sécuriser cette discipline. Mais je sais bien que vous ne
contestez pas l'intérêt de cette organisation, monsieur le sénateur.
Nous serons collectivement attentifs au maintien de cette spécialité, à la bonne formation des
praticiens et, surtout, à leur bonne répartition sur l'ensemble du territoire.
M. Francis Giraud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Francis Giraud.
M. Francis Giraud. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de vos réponses mais,
vous l'avez bien compris, il ne s'agit pas uniquement d'un problème de chiffres.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. En effet !
M. Francis Giraud. Il s'agit, en fait, d'une prise de consience à laquelle vous invitent toutes
les organisations de pédiatres que j'ai cités. Les pédiatres vous ont sollicitée en poussant un
véritable cri d'alarme, et ils ont raison, parce que cette discipline, en particulier pour la
périnatalité et pour certaines pathologies du nourrisson, exige une spécialisation très
poussée.
Vous le savez très bien, en matière de santé publique, de bons médecins spécialisés, c'est
évidemment d'abord une meilleure santé publique, mais aussi, à terme, une économie de
soins ultérieurs.
Persuadé de la pertinence de l'action des pédiatres, je tenais à m'associer au cri d'alarme
que cette spécialité a lancée dans l'intérêt des enfants de notre pays.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Sachez, monsieur le sénateur, que j'ai entendu ce
cri d'alarme des plus grands spécialistes en pédiatrie. Pour autant, je souhaite éviter tout
amalgame : s'il est nécessaire de renforcer et de maintenir le niveau d'excellence de la
spécialité pédiatrique, il est non moins nécessaire de disposer, pour un recours de première
urgence, à des médecins bien formés et sensibilisés à la santé des enfants.
Ces deux niveaux ne doivent pas être confondus et il ne faut pas utiliser les besoins des uns
pour conforter les revendications catégorielles des autres.

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