Question de M. RICHERT Philippe (Bas-Rhin - UC) publiée le 28/11/2000

M. Philippe Richert attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur la mise en place du projet de soins infirmiers (PSI) paru au Journal officiel du 20 avril 2000. Les dispositions prévues dans ce texte inquiètent vivement les infirmiers et infirmières libérales quant à leur avenir. En effet, des restrictions pourraient être apportées à leur activité, le PSI autorisant des " auxiliaires de vie " à remplacer en lieu et place les infirmiers dans les soins aux personnes âgées et/ou handicapées dont l'état est dit " stabilisé ". Ce principe est lourd de conséquences quant à la qualité des soins apportés, puisque les " auxiliaires de vie " ont peu de qualification. Il apparaît également inadmissible que les soins qui seront alors prodigués par ces personnels ne soient pas pris en charge par l'assurance maladie. Il s'agit d'un désengagement dont le coût sera supporté par les familles. De plus, la mise en place de ce système engendrera des inégalités d'accès au système de santé et cela inquiète les patients concernés. Ce texte arrive alors que la profession infirmière souffre déjà considérablement de la politique de maîtrise des dépenses de santé : aucune revalorisation tarifaire des actes infirmiers de soins (AIS) n'a vu le jour depuis 1988. Et il en va de même pour les indemnités kilométriques des dimanches, jours fériés et nuits, depuis 1984. Il souhaiterait donc savoir ce qu'elle envisage de faire pour pallier l'ensemble des inquiétudes ainsi exprimées.

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Réponse du ministère : Petites et moyennes entreprises publiée le 20/12/2000

Réponse apportée en séance publique le 19/12/2000

M. Philippe Richert. Je souhaitais interroger Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés à propos du projet de soins infirmiers, le PSI.
Face à l'ampleur de la mobilisation tant des infirmières libérales concernées que des
personnes soignées, l'application des mesures prévues a été différée, et je m'en félicite.
Néanmoins, différer n'est pas remettre en cause, et ce projet me paraît porter en germe tant
d'effets pervers qu'il devrait être soit complètement abandonné, soit très largement amendé.
C'est le genre de fausses bonnes idées qui font effet sur le papier, en théorie, mais qui ne
résistent pas un instant à la réalité du terrain.
Ceux qui l'ont concocté n'ont pas l'expérience de l'accompagnement d'une personne âgée,
handicapée par la vieillesse ou par les séquelles d'un accident, pour imaginer qu'un auxiliaire
de vie pourrait remplacer des infirmières. Le travail de ces dernières, qui est complémentaire
de l'engagement familial, est admirable ; elles sont bien plus que des administratrices de
piqûres. Elles sont dévouées, compétentes, et constituent des soutiens indispensables pour
les familles qui acceptent d'être ces auxiliaires de vie que le projet souhaite généraliser.
Il peut être tentant de décréter que l'état d'une personne est stabilisé et qu'il justifie la
suspension de l'intervention des infirmières, qui sont alors remplacées par des « auxiliaires de
vie ». Ces termes, s'ils sont généreux, cachent mal l'objectif fixé, qui est de réduire les
dépenses. L'interdiction du remboursement des actes des infirmières au-delà de certaines
périodes de soins va encore pénaliser ces infirmières qui, pourtant, sont essentielles pour le
maintien à domicile et pour les services aux personnes, en milieu rural notamment. Ce
dispositif engendrera aussi des inégalités d'accès au système de santé au moment même où
le Gouvernement fait de cette question son cheval de bataille.
J'aimerais savoir si, sur ce dossier, le Gouvernement entend agir pour détourner ce projet de
la voie qui est actuellement retenue et qui est préjudiciable aux personnes fragiles, aux
infirmières et à la cohésion sociale.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation. Monsieur le sénateur, assurément, les infirmières sont le
pivot de la prise en charge des personnes dépendantes ou handicapées. Je rejoins tout à fait
votre analyse sur le rôle primordial, humain et économique qu'elles jouent, que ce soit dans le
tissu urbain ou rural.
Un effort approfondi a été fait ces dernières années pour mieux définir, et donc valoriser, la
nature et la diversité des soins infirmiers.
C'est ainsi qu'a été proposé, conjointement par la CNAMTS et par la Fédération nationale des
infirmiers, le projet de soins infirmiers, le PSI, qui instaure une démarche de soins
coordonnés et confie aux infirmières un rôle central, à savoir l'établissement d'un bilan des
besoins et d'une liste des actions de soins à entreprendre. Aussi, loin de remettre en
question le rôle des infirmières auprès des personnes dépendantes, le PSI permet de mettre
en valeur les compétences propres de ces infirmières et devrait déboucher sur une meilleure
coordination des soins.
Le Gouvernement a reconnu la pertinence de cette démarche issue du dialogue entre
l'assurance maladie et les représentants des infirmiers libéraux. Toutefois, face aux
inquiétudes et aux incompréhensions exprimées par une partie de la profession, il a décidé
de prolonger la concertation et d'approfondir le débat sur la mise en place du PSI. Il s'agit
d'une réforme de grande ampleur qui demande l'adhésion de la plus grande partie des
infirmiers et qui doit être également comprise par les patients.
Le maintien à domicile est une solution qui, humainement, socialement et économiquement,
est bonne pour la collectivité ; vous le constatez chaque jour lorsque vous gérez des
établissements et que vous rencontrez les membres des associations d'aide à domicile et les
infirmiers.
La politique du Gouvernement vise à permettre à toutes les personnes dépendantes qui le
souhaitent et qui le peuvent de rester à leur domicile. Ces personnes doivent pouvoir
bénéficier d'une prise en charge de l'ensemble de leurs besoins, et recevoir, en particulier, les
soins infirmiers qui leur sont nécessaires et que seules les infirmières sont à même de
dispenser. Ces soins complémentaires des interventions des professionnels sont destinés à
les aider dans la vie courante.
S'agissant de la prise en charge financière de la dépendance à domicile, il est vrai que la
prestation dépendance ne donne pas satisfaction. A la suite du rapport de M. Sueur, Mme
Gillot défendra au printemps un texte de loi relatif à l'aide à l'autonomie.
Enfin, la question relative aux tarifs des séances des soins infirmiers et de l'indemnité
kilométrique ne peut être évoquée indépendamment des autres déterminants et de la
rémunération des infirmiers. Cette profession a bénéficié en 1999 d'avancées importantes.
Ainsi, la valeur de la lettre clé AMI, qui rémunère les actes techniques, a été portée de 16,50
francs à 17,50 francs, soit une augmentation de 6 %. Le Gouvernement a pris, s'agissant de
la nomenclature, plusieurs mesures favorables aux infirmiers en mars puis en décembre
1999.
Comme vous le constatez, monsieur le sénateur, la profession des infirmières et des
infirmiers fait l'objet d'une attention particulière du Gouvernement. Il paraît essentiel, compte
tenu des réticences provoquées par le PSI, que la concertation soit poursuivie afin que nous
puissions obtenir l'adhésion du plus grand nombre.
M. Philippe Richert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Je veux remercier M. le secrétaire d'Etat de sa réponse et saluer
l'arrivée de Mme Gillot.
Je reste perplexe, car j'ai l'impression que l'on continue de décliner sur le papier un certain
nombre d'éléments qui ne correspondent pas tout à fait à la réalité.
J'ai eu l'occasion de suivre en fin de vie des personnes gravement atteintes. A deux, nous
nous sommes relayés en permanence auprès d'un proche qui, pendant des semaines, des
mois, a lutté.
Nous avons été ces auxiliaires de vie, formés par les médecins, par les infirmières, pour être
présents aux côtés de cette personne qui a lutté. Mais nous n'aurions pas pu continuer à
faire ce travail si quotidiennement, matin et soir, les infirmières n'étaient pas passées pour
dispenser les soins, y compris les soins corporels, travail que personne ne peut faire à leur
place.
Soyons un petit peu moins administratif et regardons les choses en face !
Si vous enlevez à ces infirmières cette partie essentielle de leur tâche, qui est faite de
contacts, de conseils, mais aussi d'interventions médicales et paramédicales, vous allez
complètement déstabiliser cette profession, en particulier en milieu rural, là où la population
n'a pas accès aux soins hospitaliers de proximité.
M. Pierre Laffitte. C'est vrai !
M. Philippe Richert. Faisons attention ! Certes, vous avez procédé à une revalorisation de 6
%, voilà un ou deux ans, mais savez-vous comment les intéressés doivent organiser leur vie
quotidienne pour pouvoir vivre décemment ?
Je le répète : faisons attention et revoyons ce projet qui, pour l'instant, est trop loin de la
réalité !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Je demande la
parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, M.
François Patriat vous a fait part de la philosophie qui anime le Gouvernement en ce qui
concerne l'organisation des soins infirmiers. Je le remercie de m'avoir suppléer en attendant
mon arrivée - il est rare que le Sénat gagne du temps sur son horaire lors des questions
orales.
Je souhaiterais apporter à monsieur Richert quelques précisions supplémentaires compte
tenu des observations qu'il vient de faire.
Il n'est pas du tout question de faire peser sur la famille ou sur des personnes bénévoles non
formées la prise en charge des malades, notamment de ceux qui sont dans la situation que
vous venez d'évoquer, c'est-à-dire la prise en charge des soins palliatifs.
Vous le savez, la prise en charge des soins palliatifs fait l'objet d'une procédure de réseau,
obéissant à une réglementation particulière qui confère un rôle essentiel aux médecins, aux
soignants, aux infirmiers et infirmières et aux bénévoles, qui bénéficient d'une formation pour
aider, soutenir la famille dans sa démarche d'accompagnement.
Le projet de soins infirmiers vise précisément à redonner à l'infirmier et à l'infirmière leur rôle
de coordonnateurs de l'ensemble des soins qui sont nécessaires à une personne maintenue
à domicile.
C'est l'infirmier qui fera le bilan des besoins et qui indiquera les actes nécessaires pour
répondre à ces besoins.
Ces actes vont du soin infirmier pris en charge par l'assurance maladie aux aides à domicile
qui rendent possible le maintien de cette personne dans son milieu de vie ordinaire.
Il n'est absolument pas question d'interrompre la prise en charge sanitaire des personnes qui
en ont besoin.
En fait, le projet de soins infirmiers a suscité bien des commentaires qui ont véhiculé un
certain nombre d'incompréhensions, voire de désinformations, et ont suscité l'inquiétude tant
des professionnels que des usagers, inquiétude fortement relayée par les parlementaires. Le
Gouvernement a donc décidé de surseoir à l'application effective du plan de soins infirmiers de
façon à mettre en place la concertation nécessaire pour que ce projet soit véritablement
porté, comme le disait François Patriat, par l'ensemble des acteurs : soignants et
bénéficiaires.

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