Question de M. RICHERT Philippe (Bas-Rhin - UC) publiée le 14/12/2000

M. Philippe Richert attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la juridictionnalisation des certaines décisions des juges d'application des peines. Alors qu'avant toutes les décisions étaient prises en commission d'application des peines, à l'avenir, certaines d'entre elles - par exemple, celles concernant la semi-liberté - seront prises lors d'audiences avec débat contradictoire au cours duquel le condamné peut être assisté d'un avocat. Il semble également que les audiencements auront lieu, la plupart du temps, dans les maisons d'arrêt, faute de moyens pour transférer les détenus dans les palais de justice. Les maisons d'arrêt sont des enceintes fermées, or, tout au moins, le prononcé de la décision doit être dit lors d'une audience publique. Il la remercie de bien vouloir lui indiquer quels moyens elle envisage de mettre en place pour faire face à ces changements législatifs et permettre le respect des principes du droit.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 08/11/2001

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire toute l'attention qu'elle porte sur la mise en oeuvre de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, notamment dans son volet relatif à l'application des peines. En effet, cette loi a procédé à une réforme en profondeur de la libération conditionnelle et à une juridictionnalisation de l'application des peines. Cette juridictionnalisation est dorénavant consacrée par l'alinéa 6 de l'article 722 du code de procédure pénale qui prévoit que les mesures de placement à l'extérieur, de semi-liberté, de fractionnement et de suspension de peine, de placement sous surveillance électronique et de libération conditionnelle sont désormais accordées, ajournées, refusées, retirées ou révoquées, après avis du représentant de l'administration pénitentiaire, par décision motivée du juge de l'application des peines, prise après un débat contradictoire au cours duquel le détenu peut, s'il le souhaite, être assisté d'un conseil. Les décisions prises en application de ces nouvelles dispositions sont susceptibles d'appel, par le condamné ou le parquet, devant la chambre des appels correctionnels. La juridictionnalisation de l'application des peines se traduit donc par l'instauration d'un débat contradictoire. Ce débat ne constitue pas exactement une " audience ", similaire à celle tenue devant les juridictions, mais s'apparente au débat contradictoire tenu devant le juge d'instruction ou devant le juge des libertés et de la détention statuant en matière de détention provisoire. L'exigence d'un débat contradictoire impose un certain nombre de règles au juge de l'application des peines comme un délai de trois mois pour examiner les demandes qui lui sont adressées par les personnes condamnées ou encore l'obligation d'informer le condamné et son avocat de la date du débat contradictoire quinze jours avant sa tenue. L'alinéa 1er de l'article D. 116-8 du code de procédure pénale pose le principe de la localisation du débat contradictoire : il se tient dans l'établissement pénitentiaire où le condamné est incarcéré et si le condamné est libre, il a lieu au tribunal de grande instance. Cette règle est justifiée à la fois par les objectifs de la réforme, qui tend à développer la présence du droit, du juge et de la défense au sein des établissements pénitentiaires, et par la volonté d'éviter une multiplication des extractions. Il convient de relever que dans tous les cas où doit se tenir un débat contradictoire, les dispositions législatives et réglementaires prévoient qu'il est tenu en chambre du conseil et que le juge de l'application des peines statue par un jugement rendu de même en chambre du conseil et non publiquement. La juridictionnalisation de l'application des peines consacre aussi le respect des droits de la défense à travers la présence de l'avocat au cours de la procédure et la possibilité pour le condamné d'interjeter appel des décisions rendues par le juge de l'application des peines. En effet, le condamné peut être assisté ou représenté par l'avocat de son choix ou désigné d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats. L'avocat communique librement avec le condamné et peut consulter son dossier individuel dans les conditions fixées par les dispositions du Code de procédure pénale. La présence de l'avocat concourt ainsi à l'amélioration des droits des détenus. La situation des condamnés les plus démunis a également été pris en considération par la prise en charge de la rétribution de l'avocat au titre de l'aide juridictionnelle en matière d'application des peines (décret n° 2001-512 du 14 juin 2001). Le condamné peut dorénavant faire appel de la décision du magistrat qui doit être motivée. L'appel est porté devant la Chambre des appels correctionnels où un débat contradictoire est tenu, hors la présence du condamné qui peut cependant être entendu par un magistrat de la Cour d'appel, à l'établissement pénitentiaire s'il est incarcéré, et en présence de son avocat. Enfin, la juridictionnalisation de l'application des peines concerne aussi la procédure prévue devant la juridiction régionale de la libération conditionnelle, instituée par la loi du 15 juin 2000. En effet, cette loi a procédé à une réforme de la libération conditionnelle, caractérisée par l'élargissement des conditions d'octroi ainsi que par l'assouplissement de la procédure qui se traduit par une extension de la compétence du juge de l'application compétent pour les peines prononcées égales ou inférieures à dix ans et pour les autres cas, par la suppression de la compétence du garde des sceaux qui est désormais dévolue à une juridiction régionale de la libération conditionnelle. Cette juridiction régionale, établie auprès de chaque cour d'appel, est composée d'un président de chambre ou d'un conseiller de la cour d'appel, président, et de deux juges de l'application des peines du ressort de la cour d'appel. Elle statue, par décision motivée, à l'issue d'un débat contradictoire tenu en chambre du conseil, à l'établissement pénitentiaire si le condamné est incarcéré, au cours duquel elle entend les réquisitions du ministère public, les observations du condamné et le cas échéant, celles de son avocat. La possibilité d'appel est de même donnée au condamné. L'appel est porté devant la juridiction nationale de la libération conditionnelle qui est composée du premier président de la Cour de cassation ou d'un conseiller de la cour le représentant, qui la préside, de deux magistrats du siège de la cour, d'un responsable des associations nationales de réinsertion et d'un responsable des associations nationales de réinsertion et d'un responsable des associations nationales d'aide aux victimes. Cette juridiction statue par décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours. Les débats ont lieu et la décision est rendue en chambre du conseil, après que l'avocat du condamné a été entendu en ses observations.

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Erratum : JO du 29/11/2001 p.0

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