Question de M. GRUILLOT Georges (Doubs - RPR) publiée le 12/04/2001

M. Georges Gruillot appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants sur les conséquences du décret nº 2000-657 du 13 juillet 2000. En effet, ce décret institue une mesure de réparation réservée aux seuls orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. Par conséquent, ce texte apparaît discriminatoire aux yeux des enfants des autres déportés qui ont subi les mêmes souffrances. Par conséquent, de manière à remédier à cette différence de traitement, il lui demande de bien vouloir lui préciser s'il entend donner suite à la proposition de loi déposée au Sénat le 11 décembre 2000 qui vise à étendre cette disposition d'indemnisation à toutes les familles de déportés.

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Réponse du ministère : Anciens combattants publiée le 02/08/2001

L'honorable parlementaire souhaite voir étendre aux orphelins de tous les déportés décédés en déportation les dispositions du décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. Le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants tient tout d'abord à rappeler que la France a mis en place, par les lois de 1948, une indemnisation en faveur de toutes les victimes de la déportation, dans le cadre du droit à réparation des anciens combattants et des victimes de guerre. Les déportés eux-mêmes, qu'ils soient politiques de nationalité française ou résistants sans condition de nationalité, ont été indemnisés en fonction de leur invalidité et des pensions ont été attribuées aux ascendants, aux veuves et aux orphelins de ceux qui sont morts dans les camps ou des suites des mauvais traitements subis. Le secrétaire d'Etat veut cependant souligner que la mesure sur laquelle l'honorable parlementaire appelle son attention est d'une tout autre nature. Elle s'inscrit dans le prolongement de la reconnaissance d'une part, par le Président de la République le 16 juillet 1995, de la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs partis de son territoire, d'autre part, de la mission Mattéoli, chargée en janvier 1997 par le Premier ministre d'alors " d'étudier les conditions dans lesquelles les biens immobiliers et mobiliers, appartenant aux Juifs de France, ont été confisqués ou d'une manière générale, requis par fraude, violence ou dol, tant par l'occupant que par les autorités de Vichy entre 1940 et 1944 ". Cette mission a été confirmée le 6 octobre 1997 par l'actuel Premier ministre. Après avoir évoqué la situation des orphelins de déportés juifs partis de France, qui pour des raisons de nationalité, que ce soit la leur ou celle de leur(s) parent(s) ont été tenus à l'écart de l'indemnisation prévue, dans ce cas, par la législation française, la mission a alors proposé que, faisant abstraction de toute question de nationalité et de résidence, ces orphelins soient tous indemnisés de la même façon, par une mesure qui pourrait être le versement " d'une indemnité viagère pour ceux d'entre eux qui ne bénéficieraient pas déjà d'une indemnisation répondant au même objet ". Au vu des conclusions de cette mission, il est apparu au Gouvernement que la situation spécifique de la déportation d'hommes et de femmes à des fins d'extermination appelait une réponse particulière et il a donc tenu à ce que les orphelins des déportés juifs soient indemnisés pour réparer ce qui pouvait encore l'être, en estimant que la persécution particulière dont ils furent l'objet devait être prise en compte. C'est ainsi qu'a été promulgué le décret du 13 juillet 2000. Certains ont estimé que, dans ces conditions, l'indemnisation instituée en juillet dernier constituait une rupture d'égalité de traitement entre les différentes catégories d'orphelins de déportés. Le conseil d'Etat, saisi par plusieurs particuliers de recours sur ce point, contre le décret du 13 juillet 2000, a considéré, dans un arrêt rendu le 6 avril 2001, que ce texte ne constituait pas une rupture d'égalité de traitement, mais une réponse exceptionnelle à une situation exceptionnelle qui était celle d'une " politique d'extermination systématique qui s'étendait même aux enfants ". Le propos du secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants est aujourd'hui de montrer aux enfants de tous les volontaires qui se sont engagés dans les combats douloureux et glorieux de la Résistance et dont les actions et le courage ont sauvé l'honneur de la France ainsi qu'à ceux de toutes les autres victimes du drame de la déportation, comment la spécificité de la Shoah, de cette politique d'extermination d'une population considérée par les nazis comme le mal absolu, et comme devant être menée jusqu'à la " solution finale ", a conduit le Gouvernement à instaurer une compensation spécifique à l'irréparable. Par ailleurs, une étude réalisée à la demande du secrétaire d'Etat, dont les conclusions seront transmises prochainement au Parlement, fait ressortir que, s'agissant des victimes de déportation depuis le territoire français, seuls les orphelins de déportés politiques de nationalité étrangère qui n'auraient pas acquis la nationalité française et dont la situation n'aurait pas été couverte par des conventions internationales de réciprocité, n'ont pas bénéficié du droit à réparation institué par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Dans ces conditions, le Gouvernement n'entend pas élargir le champ d'application du décret du 13 juillet 2000, mais s'engage à étendre le droit à réparation prévu par le code susvisé à l'ensemble des victimes de déportation depuis le territoire français et qui n'auraient pas été prises en compte par les dispositifs existants. En outre, n'est pas exclu le réexamen, à titre exceptionnel, des situations d'orphelins de déportés qui, bien qu'ayant théoriquement pu prétendre à l'application des dispositions légales rappelées, n'ont cependant pu, pour des circonstances de fait particulières, faire valoir leur droit.

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