Question de Mme DEMESSINE Michelle (Nord - CRC) publiée le 18/01/2002

Question posée en séance publique le 17/01/2002

Mme Michelle Demessine. Par ma question, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la dégradation de la situation de l'emploi.
Je parlerai d'abord, en particulier, de la métropole lilloise, où plane actuellement une menace sur plus d'un millier d'emplois.
Je pense à la Selnor-Lesquin, du groupe Brandt, qui compte 650 salariés. Le plan de reprise globale annoncé hier ne prend pas véritablement en compte le site de Lesquin, ce qui est vécu comme une grande injustice.
Je pense également à l'entreprise d'imprimerie SCIA, qui compte 203 salariés et pour laquelle je me mobilise particulièrement afin de rechercher une solution autre que celle de la liquidation, proposée par le tribunal de commerce.
Et je n'oublie pas les salariés du groupe textile Mosseley, qui attendent toujours leur prime de licenciement.
Dans la région du Nord-Pas-de-Calais, où le taux de chômage, même s'il a baissé, reste largement au-dessus de la moyenne nationale, la situation est très inquiétante.
L'inquiétude est d'autant plus justifiée que, à l'échelon national, les statistiques mensuelles publiées par l'ANPE montrent un redémarrage des licenciements pour motif économique.
MM. Dominique Braye et Patrick Lassourd. Voilà quinze jours, vous étiez encore au Gouvernement !
Mme Michelle Demessine. En un an, ils ont progressé de 43 %, leur nombre passant de 15 500 à 22 200. Ce matin encore, Airbus a annoncé la suppression de 6 500 emplois.
M. Dominique Braye. Et Danone ? Et Moulinex ?
Mme Nelly Olin. C'est dur, l'amnésie !
M. le président. Mes chers collègues, laissez s'exprimer Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Un peu de respect pour ceux qui vivent ces situations, s'il vous plaît !
Dans la période actuelle, cette inversion de tendance n'est pas sans signification et appelle, me semble-t-il, un signal fort du Gouvernement pour que les progrès réalisés ces dernières années dans la bataille contre le chômage ne soient pas menacés.
M. Eric Doligé. C'est le double langage !
Mme Michelle Demessine. La décision du Conseil constitutionnel annulant une disposition essentielle du dispositif de prévention des licenciements est, elle, un très mauvais signe.
M. Dominique Braye. C'est indécent de dire cela !
Mme Michelle Demessine. Cette décision est ressentie par ceux qui vivent ces situations comme un encouragement à licencier, ni plus ni moins !
Quant aux propos qu'a tenus le président du MEDEF, M. Seillière, à la suite de cette décision, ils sont odieux et inhumains.
M. le président. Veuillez poser votre question, madame Demessine.
Mme Michelle Demessine. Ils ont été ressentis comme une agression supplémentaire.
Quel sens a l'expression « liberté d'entreprendre » si ceux qui font l'entreprise - les salariés - comptent si peu ? Aucune entreprise n'existe sans les salariés. Ils sont une condition de cette liberté, et leur liberté d'exister au sein de l'entreprise doit aussi être prise en compte.
M. Dominique Braye. Qu'avez-vous fait au Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine. Notre groupe demande solennellement au Gouvernement de faire en sorte que, avant la fin de la session parlementaire, nous puissions adopter en urgence une disposition comblant le vide laissé par la décision du Conseil constitutionnel.
M. le président. Votre question !
Mme Michelle Demessine. Si la volonté politique de lutter contre les licenciements n'est pas suffisamment affirmée, le doute qui planera ne pourra qu'être défavorable aux salariés.

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Réponse du ministère : Droits des femmes publiée le 18/01/2002

Réponse apportée en séance publique le 17/01/2002

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Madame Demessine, je voudrais d'abord vous dire que c'est avec énormément de plaisir que je retrouve une amie du gouvernement de Lionel Jospin (Rires et exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR) dans sa fonction de sénatrice. Je suis donc particulièrement heureuse de vous répondre au nom du Premier ministre, que vous aviez souhaité interroger.
Concernant la situation de l'emploi, nous partageons vos analyses et vos conclusions. Je dois cependant rappeler - mais vous le savez, puisque vous avez vous-même fait partie de ce gouvernement (Ah ! sur les mêmes travées) - que nous avons énormément travaillé afin de maîtriser la situation de l'emploi.
C'est ainsi qu'un million de femmes et d'hommes ont retrouvé une dignité au travers de l'insertion professionnelle.
Mais je n'oublie pas pour autant - qui le pourrait ici ? - les deux millions d'hommes et de femmes qui restent encore sur le bord du chemin.
M. Dominique Braye. Mille de plus chaque jour !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Il reste que nous avons élaboré ensemble une loi forte pour essayer de mieux encadrer les licenciements, cherchant à la fois à préserver la dignité de chacun et à garantir la nécessaire compétitivité économique de nos entreprises.
M. Dominique Braye. C'est une découverte !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Nous ne pouvons que prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel, laquelle ne concerne, au demeurant, qu'un article sur les 224 que comptait la loi qui a été votée par le Parlement.
Parmi tous ces articles, il en est beaucoup qui sont favorables à l'emploi et qui concernent plus particulièrement mon domaine de compétence. Je mentionnerai la validation des acquis de l'expérience, la rénovation de l'apprentissage, les sanctions contre le harcèlement moral, et nous savons que beaucoup de femmes le subissent.
M. Dominique Braye. Des hommes aussi !
M. Alain Gournac. Et le harcèlement des syndicats ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Ce sont autant de mesures susceptibles de conforter la dignité des travailleurs dans les entreprises.
Il reste que d'autres mesures doivent encore être prises à cet égard.
Vous avez évoqué la liberté d'entreprendre. Le Premier ministre a récemment affirmé à plusieurs reprises que la liberté d'entreprendre n'était pas celle de licencier.
M. René-Pierre Signé. Très bien !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Permettez-moi de penser que, dans les semaines à venir, ce sujet fera l'objet de débats approfondis, dans l'intérêt des salariés, mais aussi dans l'intérêt de la compétitivité de nos entreprises.

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