Question de Mme LUYPAERT Brigitte (Orne - UMP) publiée le 15/01/2003

Mme Brigitte Luypaert demande à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées de bien vouloir préciser la suite que le Gouvernement envisage de réserver aux recommandations formulées par le Haut Conseil de la population et de la famille concernant le vieillissement des personnes handicapées et visant, notamment, à faciliter leur prise en charge au-delà de l'âge de soixante ans.

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Réponse du Secrétariat d'Etat aux personnes handicapées publiée le 07/05/2003

Réponse apportée en séance publique le 06/05/2003

Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une proportion croissante de la population handicapée atteint aujourd'hui l'âge de soixante ans. Ainsi, parmi la population accueillie en établissement, un tiers a moins de trente ans, un tiers a entre trente et quarante ans et environ un tiers a plus de quarante ans. Ce vieillissement des personnes handicapées se caractérise par sa précocité et par des pathologies surajoutées qui demandent une prise en charge spéciale.

Or les concepteurs de la loi de 1975 n'avaient pas envisagé que ces personnes, comme le reste de la population, bénéficieraient, dans une telle proportion, de l'allongement de l'espérance de vie. Par conséquent, cet aspect n'a pas été pris en compte et peu d'établissements offrent des services adaptés à ce problème particulier.

Dans un avis rendu au mois de novembre 2002 par le Haut Conseil de la population et de la famille, ce dernier a mis en évidence que le vieillissement des personnes souffrant d'un handicap physique ou mental pose effectivement de très nombreux problèmes.

Cet avis met tout d'abord en lumière le fait que le système public d'information ne permet pas d'avoir une juste appréciation des problèmes médicaux et paramédicaux que pose le vieillissement des personnes handicapées.

Il ajoute qu'il convient notamment de s'attaquer aux effets négatifs du changement des dispositifs d'aide à l'âge de soixante ans.

En effet, cet âge entraîne pour les personnes handicapées un profond bouleversement dû à un changement total de leur cadre de vie, au niveau tant du travail que de l'hébergement ; parfois, elles retournent dans leurs familles, lesquelles ne sont pas préparées à les accueillir.

Le développement de sections spécialisées au sein des établissements existants garantirait pourtant une prise en charge adaptée au handicap et la stabilité à la fois matérielle et affective des personnes accueillies.

Toutefois, les moyens consacrés jusqu'ici au traitement de ce problème - 6,9 millions d'euros dans le cadre du plan triennal 2001-2003 - sont insuffisants.

En tant qu'élue, je me dois de rappeler que les places en établissements sont rares et que, lorsqu'elles existent, les structures ne sont pas toujours adaptées aux différents handicaps.

Un problème de ressources financières se pose également aux adultes handicapés puisque, à soixante ans, les personnes handicapées ne perçoivent plus l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, elles ne perçoivent plus, le cas échéant, qu'une pension de vieillesse, éventuellement complétée par l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, dont les critères d'attribution sont très différents de ceux de l'AAH.

Pour toutes ces raisons, le Haut Conseil de la famille et de la population a formulé les recommandations suivantes.

Afin de favoriser la continuité de vie d'un handicapé, il conviendrait : de développer l'aide et les soins à domicile ; d'avoir le souci de ne pas provoquer de rupture brutale dans le mode d'hébergement ; de s'interroger sur la pertinence de la retraite automatique à soixante ans ; de veiller à l'égalité des modes de prise en charge et au maintien du soutien financier ; enfin d'éviter toute rupture ou réduction des ressources d'un handicapé en supprimant les effets pervers liés à la variabilité des critères d'attribution de l'APA et de l'AAH.

Le Président de la République a précisé, le 14 juillet dernier, que le dossier des personnes handicapées constituerait l'une des priorités de son quinquennat : cette déclaration de principe est très importante et mérite d'être saluée.

Je fais confiance au Gouvernement - particulièrement à vous-même, madame la secrétaire d'Etat - pour traiter les différents problèmes liés au vieillissement des personnes handicapées avec la plus grande humanité et, dans l'attente de la révision de la loi d'orientation du 30 juin 1975, je souhaiterais connaître les mesures que vous envisagez de prendre pour répondre aux attentes des personnes handicapées âgées.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Madame le sénateur, dans son avis de novembre 2002, le Haut Conseil de la population et de la famille a en effet formulé un certain nombre de recommandations pour répondre au vieillissement des personnes handicapées, phénomène relativement récent lié à l'accroissement très sensible de l'espérance de vie.

La première observation que l'on peut faire porte sur l'insuffisance des données statistiques qui font défaut pour déterminer les axes d'une véritable politique.

Depuis le mois d'octobre 2002 sont connus les premiers résultats de l'enquête « Handicaps, incapacités, dépendance » de l'INSEE, qui évalue à 635 000 le nombre de personnes handicapées vieillissantes. Il est indispensable d'affiner cette information de manière à connaître les besoins spécifiques de cette population et à mieux accompagner les politiques qui, pour une part, relèvent de la compétence des départements.

Le Gouvernement, qui a bien conscience de ce phénomène, souhaite que l'accueil en établissement puisse être diversifié et personnalisé après soixante ans.

Plusieurs solutions sont envisageables : l'ouverture d'établissements spécialisés pour personnes handicapées vieillissantes ; l'aménagement d'une partie des établissements existants ; enfin, le développement de l'accueil de jour et de la pratique des soins à domicile.

Ces solutions doivent s'inscrire dans le souci de limiter, voire d'éviter les ruptures et de permettre aux personnes handicapées de ne pas quitter la structure qui leur est familière quand elles le souhaitent et quand le niveau de leur handicap l'autorise. Les différents plans de création de places et le développement des dispositifs de soutien à domicile doivent conduire, en liaison avec les collectivités territoriales, à développer des solutions adaptées à chaque personne. La création, d'ici à la fin de l'année 2003, de 5 000 postes d'auxiliaires de vie, qui concerne aussi les personnes handicapées vieillissantes, constitue un élément de réponse parmi d'autres.

Enfin, dans la perspective de la révision de la loi d'orientation du 30 juin 1975, le Gouvernement étudiera les modifications susceptibles d'éviter les effets négatifs induits par les différences de prise en charge liées à l'âge de soixante ans sans que soient retenues d'autres considérations.

Rappelons que, dès maintenant, en matière d'allocation aux adultes handicapés, les bénéficiaires dont le taux d'incapacité est au moins égal à 80 % peuvent, après liquidation des avantages vieillesse, continuer à percevoir une allocation aux adultes handicapés différentielle pour compenser une éventuelle diminution de leurs prestations.

De même, s'agissant de l'allocation compensatrice pour tierce personne, les intéressés ont le choix, après soixante ans, soit de continuer à en bénéficier, soit de solliciter l'allocation personnalisée d'autonomie, APA, en percevant, le cas échéant, une allocation différentielle leur garantissant un montant de prestation équivalent.

Si l'ensemble de ces mesures concourt à l'amélioration de la situation des personnes handicapées vieillissantes, le Gouvernement a conscience de la nécessité de clarifier totalement un dispositif trop complexe ; il a pour objectif d'assurer à la personne handicapée une continuité dans ses ressources, dans l'hégergement et dans les soins, autant de dispositions qui vous seront proposées lors de la réforme de la loi de 1975.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert.

Mme Brigitte Luypaert. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de la réponse très détaillée et très complète que vous venez d'apporter à ma question.

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