Question de M. RENAR Ivan (Nord - CRC) publiée le 28/02/2003

Question posée en séance publique le 27/02/2003

M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, mardi dernier, dans toute la France, les intermittents du spectacle, dans une mobilisation impressionnante, étaient en grève pour défendre leurs droits, pour préserver leur régime d'assurance chômage une nouvelle fois menacé par le MEDEF.

Si j'en crois certaines déclarations, les artistes, les techniciens du spectacle seraient les nouveaux privilégiés des temps modernes, coupables de tirer profit du régime d'intermittence et responsables tout trouvés de son déficit.

Or les intermittents ne font pas métier de leur intermittence. Ils sont acteurs, techniciens, musiciens.

Monsieur le ministre, il n'y a pas trop d'artistes en France, trop de culture ; il n'y en a pas assez. On nous dit souvent que tout cela coûte cher. Certains technocrates, certains comptables, supérieurs, arrogants et glacés parlent toujours du coût de la culture, mais ils se gardent bien de se poser la question du coût de l'absence de culture.

Le temps me manque, mais permettez-moi de rappeler simplement que le régime des intermittents est l'indispensable complément de revenus qui permet aux artistes, aux techniciens de subsister ou de vivre de leur métier.

Ainsi, si la région Nord - Pas-de-Calais compte 3 000 artistes et techniciens répertoriés, seuls 1 330 - soit moins de la moitié - sont indemnisés et, pour un quart d'entre eux, en dessous du SMIC. Les proportions sont identiques à l'échelle du pays. Où sont donc les privilégiés ?

Faire disparaître ce régime spécifique et transférer les intermittents sous le statut de l'intérim comme le demande le MEDEF, avec un seuil minimum de 606 heures travaillées contre 507 actuellement, exclurait des milliers d'artistes et de techniciens des ASSEDIC. La proportion des salariés indemnisés tomberait à 30 %, ce qui porterait un coup très important à la culture et à la création françaises.

N'oublions pas en effet que le régime de l'intermittence est constitutif de la vie culturelle française. C'est lui qui permet à un nombre très important de compagnies et de théâtres de fonctionner, à de multiples spectacles et de festivals d'exister. Les professionnels du spectacle ont des métiers dont les spécificités - ponctualité des projets et de l'activité, répétitions, travail créatif personnel, formation continue - justifient un statut particulier qui n'a rien de commun avec celui des travailleurs intérimaires.

Au-delà de l'aspect comptable, c'est donc bien la place et la vitalité de la culture et de la création françaises qui sont en cause. C'est de leur financement qu'il s'agit.

Cela étant, il est nécessaire de réformer le régime de l'intermittence, mais je rappelle quand même qu'un accord, que le MEDEF refuse d'appliquer, avait été trouvé en 2001 entre les employeurs et les organisations syndicales les plus représentatives.

Si réforme il doit y avoir, ce doit être en tenant compte des spécificités du métier, mais aussi dans le cadre plus général d'une réflexion sur le statut de l'artiste dans notre société.

M. le président. Votre question, monsieur Renar !

M. Ivan Renar. J'y arrive, monsieur le président.

Monsieur le ministre, la situation est aujourd'hui trop grave pour que les pouvoirs publics s'abstiennent d'intervenir. Ma question est simple : qu'allez-vous faire ?

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 28/02/2003

Réponse apportée en séance publique le 27/02/2003

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Renar, la question que vous posez est grave.

Elle est grave parce qu'elle concerne la situation de dizaines de milliers de professionnels du spectacle et de l'audiovisuel dans notre pays.

Elle est grave parce qu'elle concerne l'avenir de la vie culturelle de notre pays dans les domaines du théâtre, de la musique, du cinéma, de l'audiovisuel.

Elle est grave parce qu'elle concerne également l'avenir de ce qu'on appelle les industries culturelles : la production audiovisuelle, la production cinématographique, la production discographique, c'est-à-dire le secteur de la production économique, secteur dont on n'a pas, je crois, suffisamment mesuré l'importance dans l'équilibre économique général de notre pays.

M. Ivan Renar. Oui !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Votre question concerne également l'animation culturelle sur l'ensemble du territoire de notre pays, la vie de ses festivals, celle de ses compagnies artistiques, celle de ses lieux de diffusion du théâtre, de la danse et de la musique.

Elle concerne enfin, il ne faut pas l'oublier, l'avenir de l'assurance chômage et de l'UNEDIC, dont vous connaissez la situation tendue. Ce que l'on appelle l'intermittence du spectacle n'est, en effet, pas à proprement parler un statut professionnel, comme on l'imagine parfois, c'est bien une branche particulière de l'assurance chômage, branche définie par les annexes 8 et 10.

Or, cette branche est déficitaire, inévitablement déficitaire, peut-on se dire, mais le problème est que, de toute évidence - c'est d'ailleurs l'avis de tout le monde -, le déficit est aujourd'hui excessif.

Dans ces conditions, que faire ?

Tout d'abord, il faut rappeler que l'avenir des annexes 8 et 10 dépend avant tout de la concertation des partenaires sociaux réunis au sein de l'UNEDIC.

Il me faut ensuite évoquer le cadre dans lequel le Gouvernement, parce qu'il est le garant de l'intérêt général et de l'équité, entend que le dialogue se développe. A cet égard, M. François Fillon et moi-même avons toujours indiqué d'une même voix les limites.

Premièrement, le principe de la solidarité interprofessionnelle ne doit pas être remis en cause.

Deuxièmement, l'existence d'un régime spécifique d'assurance chômage pour les professionnels du secteur concerné ne doit pas être remise en cause.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Troisièmement, et c'est un avis unanimement partagé - y compris par les partenaires sociaux, et par les organisations syndicales -, nous devons nous mobiliser pour éradiquer les abus qui lèsent lourdement le système. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Didier Boulaud. Et aussi notre patrimoine national !

M. Raymond Courrière. Lisez Le Canard enchaîné, monsieur le ministre !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. C'est sur cette ligne, monsieur le sénateur, que nous nous situons, et je crois que c'est la bonne !

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