Question de M. RICHERT Philippe (Bas-Rhin - UMP) publiée le 13/03/2003

M. Philippe Richert attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire sur les rumeurs de recentrage de l'Ecole nationale d'administration sur Paris. Il semblerait que les cours de formation initiale, assurés jusqu'à présent à Strasbourg, seraient donnés à nouveau à Paris. Alors que la notion même de décentralisation est au coeur de nombreux débats politiques, et alors que la ville de Strasbourg a besoin d'être soutenue dans son image de " capitale européenne ", cette décision paraît surprenante. Afin de compenser ce recentrage, il est question de mettre en oeuvre le projet de pôle européen d'administration publique. A ce jour, il souhaiterait savoir où en sont ces différents projets et avoir des assurances sur la pérennité de Strasbourg, en tant que ville universitaire de premier ordre.

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Réponse du Secrétariat d'Etat à la réforme de l'État publiée le 09/04/2003

Réponse apportée en séance publique le 08/04/2003

M. Philippe Richert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question porte sur les rumeurs de recentrage de l'Ecole nationale d'administration, l'ENA, sur Paris.

Il semblerait que les cours de formation initiale assurés jusqu'à présent à Strasbourg soient à nouveau dispensés à Paris. Alors même que la notion de décentralisation est au coeur de nombreux débats politiques et que la ville de Strasbourg a besoin d'être soutenue dans son rôle de capitale européenne, une telle décision à forte connotation « recentralisatrice » paraît surprenante. Elle reviendrait à affaiblir la place de Strasbourg en tant que pôle d'enseignement supérieur mais, surtout, elle irait à l'encontre du projet de décentralisation du Gouvernement.

Afin de compenser ce recentrage, il est question de mettre en oeuvre le projet de pôle européen d'administration publique à Strasbourg. Je regrette que, pour remédier aux difficultés de positionnement de l'ENA, qui sont réelles, on en vienne à opter pour l'idée « lumineuse » de ramener la formation initiale de l'ENA à Paris !

Au contraire, pour donner au projet de pôle européen d'administration publique toutes les chances d'aboutir, ne faudrait-il pas commencer par conforter l'ENA à Strasbourg et faire en sorte qu'elle devienne l'un des maillons essentiels de ce pôle européen, qui sera sans doute nécessaire dans le cadre de la construction européenne à laquelle nous sommes attachés ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le sénateur, je voudrais vous rappeler l'esprit dans lequel le Gouvernement, en particulier Jean-Paul Delevoye, engage la réflexion sur l'avenir de l'ENA.

Cette réflexion a été souhaitée par les parlementaires, qui ont considéré à juste titre que, au moment où l'on s'interrogeait sur la réforme de l'Etat et de la fonction publique, il était indispensable de repenser la formation des futurs hauts fonctionnaires. Il s'agit donc d'un dossier prioritaire pour le Gouvernement, qui concerne d'ailleurs, au-delà de l'ENA, toutes les écoles de recrutement.

Le Gouvernement partage votre volonté, monsieur le sénateur, de placer l'ambition européenne et l'ancrage de la fonction publique dans les territoires au coeur de cette réforme. Il s'agit évidemment, en premier lieu, de favoriser la mobilité de la fonction publique nationale vers la fonction publique européenne, car vous savez que la France y est, trop souvent, insuffisamment représentée. Il s'agit, en second lieu, de favoriser la mobilité entre la fonction publique territoriale et la fonction publique nationale. C'est un enjeu décisif si l'on veut réussir la réforme de la Constitution et les transferts de compétences aux collectivés locales.

La commission sur la réforme de l'ENA, présidée par Yves-Thibault de Silguy, doit, à ce titre, faire part de ses conclusions le 22 avril prochain.

Sans préjuger celles-ci, au nom de Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que le Gouvernement n'entend pas remettre en cause le rôle de Strasbourg comme siège de l'ENA et que la vocation strasbourgeoise de pôle de formation des hauts fonctionnaires sera maintenue.

Vous avez également évoqué le rôle de Strasbourg en tant que capitale européenne et l'importance du symbole que représente la présence de l'ENA.

La métropole alsacienne bénéficie depuis 1980 d'une procédure originale de contrat triennal. Visant à conforter le rayonnement européen de Strasbourg, ce contrat associant l'Etat aux grandes collectivités - région, département, ville et communauté urbaine - est depuis lors reconduit tous les trois ans.

Le comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire du 13 décembre 2002 a décidé la reconduction du contrat. La nouvelle édition, qui couvrira les années 2003 à 2005, mobilisera 47,53 millions d'euros de crédits d'Etat.

Le nouveau programme vise à inscrire résolument Strasbourg dans la dynamique européenne, particulièrement dans celle de l'amitié franco-allemande, célébrée avec éclat par le Président de la République et le Chancelier de la République fédérale d'Allemagne le 22 janvier, à l'occasion du quarantième anniversaire du traité de l'Elysée.

Le programme soutient de ce fait des projets importants, notamment dans le domaine universitaire, et comporte quatre priorités.

La première priorité est l'accessibilité générale de la ville par route et par fer, avec le projet de tramway desservant l'aéroport et le Parlement européen. Il s'agit en effet d'une des préoccupations exprimées régulièrement par les parlementaires de Strasbourg.

La deuxième priorité est l'enseignement supérieur et la recherche, avec la réhabilitation de la bibliothèque nationale universitaire, le collège doctoral européen, le pôle européen d'administration publique auquel vous avez fait référence et le centre d'études internationales de la propriété industrielle.

La troisième priorité est le rayonnement culturel.

Enfin, la quatrième priorité est la place de Strasbourg en Europe, avec la valorisation de l'offre métropolitaine et la recherche de nouvelles instances européennes, en particulier la possibilité d'une école de formation européenne.

Ce projet a été adopté par l'Etat en réunion interministérielle le 13 mars. Sa signature officielle par les parties devrait intervenir prochainement. Un comité de pilotage sera par ailleurs installé jeudi 10 avril à Strasbourg, sous la présidence de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.

M. Philippe Richert. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre enthousiasme sur ce sujet qui est important pour Strasbourg et, au-delà, pour notre pays.

Lorsque Mme Edith Cresson, alors Premier ministre, avait pris la décision d'installer l'ENA à Strasbourg, cela avait suscité une véritable fronde, parce que, en France, il était difficilement imaginable de former les hauts fonctionnaires de l'Etat ailleurs qu'à Paris. Et, au moment d'engager une nouvelle phase de la décentralisation, on proposerait de « recentrer » à Paris les cours de formation initiale qui avaient lieu à Strasbourg, capitale européenne : j'avoue que j'ai du mal à comprendre ! Dispenser de nouveau ces cours de formation initiale à Paris serait, selon moi, un très mauvais coup porté à la décentralisation et à l'Europe.

Vous l'avez dit, il est important que la fonction publique d'Etat et la fonction publique territoriale puissent, demain, être au coeur d'un projet plus ambitieux dans le cadre de l'Europe que nous construisons.

En outre, pour ce qui concerne le nouveau contrat triennal, je voudrais remercier le Gouvernement d'avoir augmenté sa participation, ce qui constitue un geste important.

Vous avez rappelé, monsieur le secrétaire d'Etat, que plusieurs projets sont financés par ce biais : c'est le cas de la bibliothèque nationale universitaire de Strabourg. Or, quand la Bibliothèque nationale a été construite à Paris, ni la région ni la ville n'ont eu à payer ; l'Etat a entièrement financé le projet. Toutefois, pour que les travaux soient réalisés à Strasbourg, il faut qu'une contribution locale non négligeable soit apportée.

Il est important que l'Etat - et c'est ce que vous faites - assure Strasbourg de sa solidarité et que l'ENA puisse conserver toute sa place dans cette ville.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'action que vous mènerez en ce sens avec l'ensemble du Gouvernement.

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