Question de M. HYEST Jean-Jacques (Seine-et-Marne - UMP) publiée le 16/05/2003

Question posée en séance publique le 15/05/2003

M. Jean-Jacques Hyest. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.

Quand les médias ont annoncé - ils le font d'ailleurs de manière toujours assez schématique - que le Gouvernement avait l'intention d'étendre à l'ensemble des départements français le régime de la « faillite civile » en vigueur en Alsace-Moselle, je dois avouer que, auteur avec Paul Loridant d'un rapport d'information déposé le 29 octobre 1997, dont les conclusions ont été adoptées par le Sénat, qui démontrait les inconvénients réels de cette prodécure, j'ai été surpris.

Certes, le surendettement des ménages a connu depuis cette date une croissance inquiétante. Mais les données statistiques ne permettent pas d'imputer à telle ou telle cause la situation actuelle.

Il est vrai, en revanche, que des cas insolubles dans le cadre actuel existent. Souvent, d'ailleurs, ils ne comportent pas de crédit : ce sont des dettes de loyer, des dettes d'eau, des dettes fiscales qui correspondent généralement à une modification brutale de la situation des personnes concernées - veuvage, divorce, perte d'emploi, maladie.

Nous avions fait à ce sujet des propositions - les rapports parlementaires peuvent servir à quelque chose ! - qui avaient pour avantage à la fois de ne pas surcharger les juridictions, de ne pas déresponsabiliser les emprunteurs et d'éviter le risque de fraude. Est-il opportun, en effet, d'accréditer l'idée qu'il est possible, sinon légitime, de se dérober à ses engagements ?

Une autre interrogation concerne le coût des procédures, qui resterait la plupart du temps à la charge de l'Etat.

Le caractère inadapté d'une procédure collective ayant essentiellement vocation à régler le sort des entreprises apparaît donc clairement, d'autant plus que, de surcroît, la notion de bonne foi est absente de la procédure de faillite civile en Alsace-Moselle. La commission d'harmonisation du droit privé alsacien-mosellan avait d'ailleurs proposé des modifications particulièrement importantes à ce sujet.

Monsieur le ministre, vous préconisez une procédure de « rétablissement personnel ». Quelles en sont les caractéristiques qui seraient de nature à éviter les inconvénients de la faillite civile, qui la limiteraient strictement aux cas où la responsabilité individuelle ne serait pas en cause, enfin, qui ne conduiraient pas à un renchérissement du crédit - veillons-y ! - et à l'exclusion encore plus forte d'une partie de la population française ?

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Réponse du Ministère délégué à la ville et à la rénovation urbaine publiée le 16/05/2003

Réponse apportée en séance publique le 15/05/2003

M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le sénateur, vous évoquez un dossier complexe et en quelque sorte « piégé ».

Les surendettés, ce ne sont pas les jeunes qui roulent en BMW décapotable dans les quartiers : les parlementaires et les maires savent bien que ce sont généralement des « bosseurs » qui, à un moment de leur vie, sont frappés par un accident de ressources. On les appelle les « surendettés », mais on devrait plutôt dire qu'ils sont en rupture de ressources, que ce soit à cause d'un divorce, de cautions qu'ils ont données, de la perte de leur emploi, d'un accident physique. Selon l'ancienne Association française des banques, l'AFB, 82 % des surendettés relèvent de situations de ce type.

La commission de surendettement fonctionne bien dans environ les trois quarts des cas. Mais, pour le quart restant, la situation est dramatique. Aujourd'hui encore, dans notre pays, les allocations accordées aux handicapés sont saisissables et les retraites peuvent être définitivement préemptées, si bien que, pour une dette qui s'élevait à l'origine à quelques dizaines de milliers de francs, on entre vite dans une spirale infernale. Car la guerre entre les créanciers ne modifie pas la capacité de remboursement du débiteur : elle est ruineuse par elle-même.

Nous nous sommes largement inspirés du rapport que vous avez rédigé, monsieur Hyest.

Nous avons également étudié ce qui se passait à l'étranger, mais aussi en Alsace-Moselle.

En Alsace-Moselle, le système fonctionne bien, puisque l'on compte seulement 1,16 % de rechutes. Mais il s'accompagne des bonnes pratiques locales et s'applique sur un territoire limité où la situation est particulière et où prévaut une logique locale.

Quels risques courons-nous si nous étendons ce dispositif ? Après un large débat mené à la fois avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, avec les organismes de crédit, les associations de consommateurs, les grands syndicats et les maires, nous proposons quelques modifications.

Premièrement, comme vous le souhaitiez, nous renforçons les compétences de la commission de surendettement. Deuxièmement - encore une fois, comme vous le souhaitiez -, nous mettons en place le filtre obligatoire de l'instruction pour les quelques cas désespérés qui subsisteront néanmoins. Troisièmement, la bonne foi sera indispensable : les fraudeurs ne pourront pas bénéficier de l'aide de la justice. Quatrièmement, en ce qui concerne le coût, c'est non plus le tribunal de grande instance qui sera saisi, mais le tribunal d'instance.

Il s'agit donc en même temps d'un dispositif qui donnera réellement une seconde chance à ces familles et d'un appel à la responsabilité. N'oubliez pas, je me répète, que le système judiciaire permet de payer les créances de manière mieux organisée et plus globale.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Ils n'ont plus rien, après !

M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué. Il permet aussi, malheureusement, de constater les dégâts ; mais il arrive forcément un moment où il faut le faire !

Pour diminuer les coûts, ce sont des agents de la Banque de France qui, dans ces cas-là, pourvoiront à la procédure, à la place des administrateurs judiciaires.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre délégué !

M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué. Par ce texte équilibré, que le Gouvernement a soumis pour avis au Conseil économique et social, nous avons répondu à vos questions, monsieur le sénateur.

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