Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 09/10/2003

Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la gravité des conséquences du projet de modifications du décret du 28 avril 2000 concernant le transport de fonds et de valeurs. Elle lui fait remarquer que, contre toute attente, les modes de transports envisagés seraient remis en cause : fourgon blindé avec trois hommes armés, équipement des nouvelles technologies, sur cinq ans, fourgon semi-blindé avec un minimum de deux convoyeurs armés équipés de nouvelles technologies, véhicule banalisé avec deux convoyeurs en civil pour le transport de 1 à 30 000 euros. Elle lui demande de lui confirmer qu'à ce dispositif actuellement en négociation avec ses services, serait envisagé un transfert de fonds par véhicule léger, sans limitation des sommes transportées, avec toute la monnaie possible, sans la présence de convoyeurs qualifiés et armés. Elle lui fait remarquer que ce dispositif privilégierait définitivement le véhicule léger, ferait disparaître définitivement l'utilisation de fourgons blindés, des armes et convoyeurs spécialisés. Elle lui demande de lui faire savoir si cette décision ne se traduira pas par un regain d'insécurité, de vulnérabilité nouvelle et grave des fonds, des valeurs, des convoyeurs assurant leur transport et la recrudescence d'attaques les plus diverses de la part de bandes organisées s'adaptant rapidement aux véhicules légers désormais sans aucune défense. Elle lui demande de lui faire connaître les mesures qu'il envisage pour annuler ces dispositions nouvelles et reprendre la discussion sur l'utilisation de véhicules blindés et de convoyeurs armés.

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Réponse du Secrétariat d'Etat au tourisme publiée le 29/10/2003

Réponse apportée en séance publique le 28/10/2003

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, je suis bien obligée de constater que, une fois de plus, le ministre concerné par la question n'a pas daigné venir me répondre. De façon plus générale, il me semble que les séances de questions orales perdent de leur intérêt dans de telles conditions. Je vous demande donc, monsieur le président, d'intervenir une nouvelle fois auprès du Gouvernement pour que le mardi matin soit considéré, dans l'emploi du temps des ministres, comme un moment important et privilégié de rencontre avec le Sénat. Cela étant, je ne doute pas, monsieur le secrétaire d'Etat au tourisme, que vous exprimerez clairement la position du Gouvernement, qui sera rendue publique à la suite de la présente interpellation. Cela est vraiment nécessaire s'agissant du problème que je vais soulever.

L'activité des bandes armées attaquant les convoyeurs de fonds, loin de s'estomper, s'accentue, et les atermoiements du Gouvernement et du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales encouragent l'agressivité, la détermination, le cynisme et la cruauté de ceux qui n'hésitent pas à tuer et à plonger des familles dans la douleur pour satisfaire leur cupidité.

Je dis bien « atermoiements », et je ne prendrai que deux exemples à cet égard.

En premier lieu, le Parlement avait fixé au 31 décembre 2002 la date limite de mise en conformité des lieux de sortie ou d'accueil des fonds, monnaies et valeurs. C'était une très bonne mesure, mais cette date limite a été repoussée au 31 décembre 2003 et, bien entendu, banques et grandes surfaces multiplient les demandes de dérogation. Nombre de municipalités se montrent en outre inattentives à une situation laxiste qui perdure, avec toutes les conséquences que cela entraîne en termes d'insécurité généralisée.

Je me demande pourquoi M. le ministre de l'intérieur s'obstine à refuser que la mise en conformité fasse l'objet d'autorisation pour tout permis de construire. Pour les locaux à construire, le dépôt d'un permis de construire doit être exigé ; pour les locaux existants non conformes, le dépôt d'un permis de construire modificatif doit également l'être. Tant que la notion d'obligation ne sera pas substituée à celle d'incitation ou de recommandation, nous ne progresserons plus. Pourtant, chacun le sait, les donneurs d'ordre ont de l'argent. Ils peuvent financer les travaux nécessaires. Je crois donc qu'il faut les contraindre, au lieu de continuer à naviguer entre date limite à revoir, octroi de dérogations et retards dans l'application de la loi !

En second lieu, on retrouve la même valse-hésitation concernant le transport de fonds. Un décret du 28 avril 2000 pouvait marquer un progrès, même si nous étions encore loin de l'obligation de convoyage par trois convoyeurs armés dans des fourgons revus, avec des blindages renforcés, solution reconnue par tous comme garantissant une sécurité réelle. Le décret du 28 avril 2000 a-t-il vécu ? M. le ministre de l'intérieur a décidé de le réécrire. Aussitôt, des sociétés de transport, telles que Valiance, Group 4, Falk, Prosegur, Securitas ou Valtis, ont affirmé leur volonté de voir se généraliser l'utilisation du véhicule banalisé, avec celle du système de maculation des billets, pompeusement appelé « nouvelle technologie ».

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous estimons que le transport de fonds par véhicule banalisé est dangereux. En France, pour les huit premiers mois de l'année, on dénombre près de quarante agressions de tels véhicules. Est-ce le modèle européen que le Gouvernement chercherait à nous imposer ? Un bilan est alors nécessaire : l'on relève 800 agressions en moyenne par année en Grande-Bretagne, et l'anarchie la plus complète règne en Allemagne, avec cent vingt sociétés de transport de fonds.

Le 1er octobre dernier, le directeur de cabinet de M. Sarkozy a précisé, à l'occasion de la réception d'une délégation syndicale, que le ministre de l'intérieur, devant la protestation de la profession, abandonnait le projet de remise en cause du décret du 28 avril 2000 dans la forme présentée. Un nouveau décret devrait être publié, avec application immédiate. Pouvez-vous nous en donner confirmation, monsieur le secrétaire d'Etat ?

Je propose, dans ce cadre, de retenir la solution reconnue par tous comme étant la plus efficace, à l'exclusion de toute autre : le transfert par fourgon blindé, avec au moins trois convoyeurs armés. Il faut interdire tout transport par véhicule banalisé. Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de réaffirmer ici l'engagement pris par M. le ministre. Les mesures nécessaires devront être mises en place sans délai ni report ni nouveaux atermoiements. Pour desservir les 70 000 points de distribution de fonds, nous devons tendre vers le risque zéro, ce que seule la solution évoquée permettra.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse est attendue par une profession inquiète et très en colère.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme. Madame la sénatrice, la question est sérieuse : il s'agit de la sécurité de 8 000 convoyeurs de fonds, qui accomplissent un travail difficile avec courage et qui méritent notre respect, notre attention et notre soutien. La mort ne fait pas partie des « risques du métier ».

Aussi, le ministre de l'intérieur a prêté une grande attention aux inquiétudes manifestées par les organisations syndicales des transporteurs de fonds quand il s'est agi de déterminer la place à faire, dans la réglementation de la sécurité des transports de fonds, aux dispositifs dits « intelligents ».

Sur le fond, le ministre s'était fixé deux objectifs. Il s'agit, en premier lieu, de donner leur juste place dans la réglementation aux dispositifs alternatifs. Jusqu'à présent, selon le texte actuellement en vigueur, ils ne pouvaient être utilisés qu'« à titre exceptionnel ». Il s'agit, en second lieu, de respecter l'impératif de sécurité. C'est la vocation première du ministère de l'intérieur ; c'est aussi la revendication des transporteurs de fonds.

Concrètement, madame la sénatrice, le ministre de l'intérieur a réuni le 10 octobre dernier l'ensemble des acteurs de la filière pour leur présenter les projets de nouveaux décrets. Un accord est intervenu sur des règles claires.

Premièrement, en matière d'aménagement des locaux, les donneurs d'ordre - les banques et les commerces - ne bénéficieront d'aucun délai supplémentaire pour effectuer les travaux de sécurité aux lieux de livraison des billets. Deuxièmement, sera maintenue l'obligation de recours aux véhicules blindés pour le transport de la monnaie divisionnaire. Troisièmement, un équipage à deux hommes pour les véhicules banalisés sera obligatoire.

L'accueil favorable fait à ces propositions montre, à l'évidence, qu'il s'agit d'un ensemble équilibré, qui satisfait tous les acteurs concernés. Alors que, voilà quelques semaines encore, planaient des menaces de grève, il n'y aura pas de conflit social avec les convoyeurs de fonds. Nous pouvons d'ailleurs saluer les efforts des uns et des autres pour parvenir à cet accord.

Les textes correspondants seront publiés avant la fin du mois de novembre et le dialogue se poursuivra pour assurer le suivi de leur mise en oeuvre avec, pour préoccupation prioritaire de la part du ministère de l'intérieur, le souci de la sécurité, qu'il s'agisse des transporteurs de fonds, des donneurs d'ordre ou du public.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse est décevante.

D'abord, vous confirmez la possibilité d'utilisation de voitures banalisées. M. le ministre de l'intérieur a justifié leur emploi par le fait qu'elles seraient moins meurtrières en cas d'agression. Il est évident que lorsqu'on laisse attaquer un conducteur non armé, donc sans défense, les morts sont moins nombreux. Or, le problème, c'est de ne pas laisser faire, car les attaques s'amplifient, et je vous ai donné les chiffres. Au point où on en est aujourd'hui, il me paraît nécessaire de résister avec des armes.

Par ailleurs, vous confirmez l'utilisation des colorants violets dans les conteneurs Axytrans, ce que l'on appelle les nouvelles technologies ou le modèle « intelligent ». Je confirme l'aspect dérisoire d'un tel procédé, mais j'affirme son côté dangereux. En effet, comme le disent certains chercheurs et médecins, l'exposition aux produits utilisant le colorant AX 123-348910T violet peut avoir des effets néfastes pour la santé des personnels, notamment sur le système respiratoire, le foie, les reins et le système nerveux central.

En revanche, vous ne réaffirmez pas avec force l'utilisation de véhicules blindés avec des convoyeurs armés, et c'est ce qui me semble le plus grave.

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