Question de M. PEYRAT Jacques (Alpes-Maritimes - UMP) publiée le 29/10/2003

M. Jacques Peyrat souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur le lourd bilan des incendies de forêt qui ont touché tout particulièrement le sud de la France et la Corse durant l'été 2003. Au-delà de la catastrophe écologique, mais également économique que représentent ces événements dramatiques, c'est aussi une tragédie humaine avec la disparition d'innocents et de sapeurs-pompiers, victimes de leur dévouement et de leur devoir. Si les conditions climatiques exceptionnelles ont été l'une des causes déterminantes dans cette période intensive des feux de forêt, il apparaît néanmoins nécessaire de revoir la politique de prévention et les moyens de lutte de la sécurité civile. En effet, des mesures doivent être tout d'abord prises en matière d'information et de prévention afin de sensibiliser les citoyens aux comportements qu'ils doivent adopter et aux règles qu'ils doivent respecter notamment en matière de débroussaillement. Concernant l'obligation de débroussaillement qui est imposée par le code forestier, on constate qu'elle est très peu respectée, car elle est mal comprise ou mal connue, et que les sanctions ne sont pas adaptées et peu appliquées. Pourtant, le respect de cette mesure revêt une importance capitale puisqu'elle permet de limiter le risque de propagation des feux et facilite le travail des sapeurs-pompiers. Une réforme des dispositions réglementant cette obligation apparaît dès lors nécessaire. Par ailleurs, certaines dispositions, comme le fait pour tout propriétaire de maison de disposer d'un kit motopompe portable ou le fait d'inciter les particuliers lors de la construction de leur piscine à la rendre accessible aux services d'incendie, pourraient être envisagées. En outre, les incendies de cet été ont généré l'intervention de moyens humains et matériels particulièrement importants en intensité et en durée. Or la réussite dans la lutte contre un incendie dépend fortement de la rapidité de l'intervention et des moyens mis à disposition. Le feu qui a touché la commune de Cagnes-sur-Mer dans les Alpes-Maritimes a bénéficié du seul appui des hélicoptères bombardiers d'eau dans la phase initiale de la lutte, les moyens nationaux n'ayant pu, pour des raisons techniques et opérationnelles, opérer qu'en fin de journée. Or, des hélicoptères lourds auraient pu stopper le feu dans sa phase initiale. Du 1er janvier 2003 au 5 octobre 2003, le département des Alpes-Maritimes a compté 361 départs de feu, le département des Bouches-du-Rhône, 294, et celui du Var, 354. Aussi, alors que le Gouvernement souhaite moderniser la sécurité civile, il apparaît opportun de faire un état des moyens matériels dans ces départements qui apparaissent les plus fragiles, et de réfléchir à l'achat de deux hélicoptères Puma gros porteur d'eau. En conséquence, il souhaiterait connaître sa position sur ces propositions et les mesures qu'il envisage de prendre pour lutter plus efficacement contre les incendies de forêt.

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Réponse du Ministère délégué aux libertés locales publiée le 17/12/2003

Réponse apportée en séance publique le 16/12/2003

M. Jacques Peyrat. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur le lourd bilan des incendies de forêts qui ont touché le sud de la France et la Corse ces derniers mois.

Les départements des Alpes-Maritimes, du Var, des Bouches-du-Rhône, ainsi que la Corse, ont en effet payé un tribut élevé durant l'été et offrent aujourd'hui un spectacle de désolation.

Cette vague intensive d'incendies, au-delà de la catastrophe non seulement écologique, mais également économique qu'elle représente pour notre environnement et notre écosystème, a engendré une véritable tragédie humaine, avec la disparition de dix personnes tuées par le feu, dont quatre sapeurs-pompiers professionnels.

Les conditions météorologiques, la canicule et la sécheresse, qualifiées d'exceptionnelles - je souhaite qu'il en soit bien ainsi - par les experts, ont largement fragilisé nos forêts et ont amplifié les risques. De nombreux actes malveillants et inqualifiables sont encore venus aggraver la situation.

La France, avec ses quinze millions d'hectares de forêts, se place au troisième rang des pays les plus boisés d'Europe. Le maquis et la garrigue de la région méditerranéenne et de la Corse, ainsi que les forêts de pins, dans les Landes, sont tout particulièrement sensibles aux risques d'incendie.

Aujourd'hui, un constat s'impose : nos forêts sont fragiles, compte tenu de l'extension des friches, des landes et des maquis et d'une urbanisation diffuse qui engendre une proximité de plus en plus étroite des résidences et des zones sensibles.

Des mesures doivent être prises, tout d'abord en matière d'information et de prévention, afin de davantage sensibiliser les citoyens aux comportements qu'ils doivent adopter. Je pense plus particulièrement aux mesures relatives au débroussaillement, qui constitue, en vertu du code forestier, une obligation imposée aux propriétaires.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de l'écologie et du développement durable, a annoncé vouloir relancer les plans de prévention des risques d'incendie de forêts. Quelles sont les mesures envisagées pour y parvenir ?

Malheureusement, peu de propriétaires respectent aujourd'hui l'obligation de débroussaillement. Les sanctions prévues en cas de manquement ne semblent être ni appliquées ni véritablement dissuasives. Peut-être serait-il dès lors nécessaire de revoir la réglementation en vigueur, par exemple l'article L. 322-9-2 du code forestier ?

Le délai, fixé jusqu'à présent par le maire dans la mise en demeure, pourrait être définitivement et uniformément arrêté, et l'amende maximale, actuellement de trente euros par mètre carré, pourrait être augmentée.

Il serait également intéressant de raccourcir le délai prévu à l'article R. 322-6-3 dudit code et de le ramener à huit ou à quinze jours, afin de permettre une intervention plus rapide en cas de carence du propriétaire.

Par ailleurs, les incendies de cet été ont imposé l'intervention de moyens humains et matériels particulièrement importants, de façon intense et durable. Or la réussite dans la lutte contre un incendie dépend fortement de la rapidité de l'intervention et des moyens engagés.

A cet égard, force est de constater qu'il nous faut aujourd'hui renforcer nos capacités opérationnelles, dans le cadre d'une politique adaptée aux besoins de la sécurité civile en France.

Le feu qui a touché la commune de Cagnes-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes, a montré la spécificité des incendies en zone périurbaine. Celui qui s'est déclaré dans les Bouches-du-Rhône, près de Marseille, s'est lui aussi révélé très difficile à combattre par les moyens terrestres, d'autant que le relief est tourmenté. Seuls les hélicoptères bombardiers d'eau sont intervenus dans la phase initiale de la lutte, les moyens nationaux n'ayant pu, pour des raisons techniques, opérationnelles, météorologiques même, opérer qu'en fin de journée. Des hélicoptères lourds auraient pourtant pu arrêter le feu dans sa phase initiale.

Aussi, alors que le Gouvernement souhaite moderniser la sécurité civile, apparaît-il important de faire un état des lieux des moyens matériels disponibles dans les départements du sud de la France, qui sont les plus vulnérables, et de les équiper d'hélicoptères bombardiers d'eau lourds, de type Super Puma gros porteur, qui pourraient soulager les Canadair, Focker et hélicoptères bombardiers d'eau de la région, tels que les Bell 205 et les Bell 206.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître votre position sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le sénateur, les incendies de cet été ont effectivement été dramatiques, causant dix morts, comme vous l'avez rappelé, et la perte de 60 000 hectares de forêt.

Vous avez attiré l'attention du Gouvernement, monsieur Peyrat, sur les difficultés d'application des obligations légales de débroussaillement fixées par le code forestier, sur la nécessité, pour les propriétaires de maisons situées en zone à risques, de prévoir l'acquisition de matériels d'autoprotection, et, enfin, sur l'absence d'hélicoptères lourds bombardiers d'eau.

Le Gouvernement s'est penché sur les trois problèmes que vous avez soulevés.

S'agissant tout d'abord de l'amélioration des mesures de débroussaillement auprès des bâtiments, des dispositions figureront dans le futur projet de loi relatif à la modernisation de la sécurité civile, que le ministre de l'intérieur présentera au Parlement au début de l'année prochaine. M. Nicolas Sarkozy est particulièrement vigilant sur cette question.

Ces mesures permettront l'application par l'assureur de franchises supplémentaires en cas de dommage à un bien assuré s'il s'avère que le propriétaire ne s'est pas conformé aux obligations découlant du code forestier. Cela devrait constituer une incitation.

Ensuite, le Gouvernement entend limiter les risques résultant de l'urbanisation des massifs forestiers. Une dynamique nouvelle sera donnée à l'élaboration de plans de prévention des risques d'incendies de forêts qui permettent de délimiter les zones concernées et de fixer, pour celles-ci, des règles d'urbanisme - le PPR étant annexé au plan local d'urbanisme -, des règles de gestion, des règles de construction et de renforcement de l'autodéfense des habitations, prévoyant, notamment, la réalisation de bassins, l'acquisition de motopompes à moteur thermique.

Vous avez souligné à juste titre, monsieur Peyrat,que la réussite dans la lutte contre les feux dépendait fortement de la rapidité de l'intervention et des moyens affectés à cette lutte, en particulier des moyens aériens - avions nationaux et hélicoptères bombardiers d'eau.

Pour ce qui concerne plus particulièrement l'incendie de Cagnes-sur-Mer, que vous avez évoqué, je tiens à préciser que le feu a pris au milieu d'habitations et que, dans le souci d'éviter des accidents entraînant des pertes en vies humaines, les équipages des hélicoptères bombardiers d'eau ont refusé de « larguer » en début d'incendie. En effet, la masse considérable d'eau déversée par ces appareils représente un risque important pour les personnes.

C'est pour cette raison que des Canadair CL 415 sont intervenus en fin d'après-midi seulement. Il n'était pas possible de faire appel à des bombardiers d'eau, à cause des risques qu'ils auraient fait courir aux populations.

En outre, il convient de noter que, dans le même temps, deux incendies faisaient rage, l'un à Santa-Maria-di-Lota, en Haute-Corse, qui a fait un mort, et l'autre à La Garde-Freinet, dans le Var, qui a fait trois morts. Cela n'a pas contribué, bien sûr, à simplifier les opérations.

S'agissant des hélicoptères légers bombardiers d'eau, ceux-ci sont régulièrement loués par les services départementaux, pour un emploi à l'échelon départemental dans la mesure où leur capacité d'emport d'eau est relativement limitée. Néanmoins, leur souplesse d'utilisation compense en partie ce faible emport et leur autorise une assez bonne réussite dans le traitement des départs de feux.

La campagne, exceptionnelle, de l'été 2003 a donc conduit les services spécialisés à faire appel, à la demande du ministère, à des moyens supplémentaires : les hélicoptères bombardiers d'eau lourds. Ainsi, dans un premier temps, trois Puma allemands ont été mobilisés.

Le second hélicoptère lourd à avoir été engagé contre les incendies fut le Skycrane. Cet appareil, d'une capacité d'emport de 9 000 litres, apte à écoper, a été utilisé dans le Var et en Corse, avec des résultats que l'on peut considérer très satisfaisants.

Toutefois, sa relative lenteur limite son utilisation à un cadre zonal et à des déplacements courts, jusqu'en Corse.

Enfin, la coopération franco-russe a permis l'arrivée à Marignane de deux hélicoptères russes de type MI 26, d'une capacité d'emport de 15 000 litres d'eau chacun. Ces derniers ont été utilisés essentiellement en plaine, à proximité de leur base de départ, eu égard à leur faible capacité de déplacement. Les résultats ont été globalement satisfaisants.

Le retour d'expérience de la campagne 2003 a conduit M. Nicolas Sarkozy, lors de sa réunion avec les acteurs de la lutte contre les feux de forêts à Marignane le 1er septembre dernier, à ne pas exclure une diversification, dans les moyens, qui réponde à certaines nécessités opérationnelles. En ce qui concerne les hélicoptères bombardiers d'eau lourds, les HBE, monsieur le sénateur, il a été demandé aux services spécialisés du ministère de l'intérieur de conduire, dès à présent, une étude afin de pouvoir envisager, dans l'avenir, une éventuelle acquisition de ces matériels, sous une forme ou sous une autre, car ils nous paraissent avoir leur utilité dans la panoplie de défense.

M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.

M. Jacques Peyrat. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui me satisfait beaucoup.

J'ai formulé deux préconisations qui ne coûtent pas d'argent : il s'agit simplement de revoir le code forestier et vous l'avez compris, c'est bien. J'en ajouterai une troisième, la plus importante.

J'ai été, à titre personnel, confronté de très près au feu à Cagnes-sur-Mer, bien sûr, mais aussi dans des villages de la communauté d'agglomération que je préside. J'ai vu intervenir l'hélicoptère russe : c'est spectaculaire, et cela constitue une aide considérable. Cependant, il n'a pas très bien fonctionné, en vérité, car les pilotes qui se sont succédé n'étaient pas habitués à notre territoire ni à notre aérologie et n'avaient sans doute pas l'habitude de combattre le feu comme les pilotes de Canadair le font chez nous, avec une vélocité et un courage fantastiques, et une adresse considérable.

J'insiste tout particulièrement. Vous l'avez compris, M. le ministre de l'intérieur aussi, et j'en suis heureux. Je voudrais vous dévoiler ce qui aurait pu passer pour une indiscrétion, mais j'ai demandé l'accord de l'intéressé. L'officier supérieur qui dirige le SDIS, le service départemental d'incendie et de secours, a fait une fiche. Je me la suis procurée en tant que vice-président du SDIS ; je ne l'ai pas volée dans le coffre-fort du colonel qui commande ces forces. (Sourires.) Sur cette fiche, on peut lire ceci : « Inciter avec force et persuasion - l'aurais-je eue, monsieur le ministre ? - l'Etat à s'équiper d'hélicoptères bombardiers d'eau lourds de type Super Puma. Le chaînon fait actuellement cruellement défaut. Le financement de ce type d'appareils à l'échelle départementale est hors de portée et ce détachement viendrait ainsi en complément des hélicoptères bombardiers d'eau loués par les SDIS, notamment celui des Alpes-Maritimes. »

Sur la sollicitation présente et très pressante de M. le président de séance, par ailleurs mon ancien président de région et maire de la petite ville de Marseille à côté de la grande ville de Nice, j'ai souhaité...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Un village ! (Sourires.)

M. Jacques Peyrat. Je n'ai pas dit cela !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. De par la convivialité, c'est un peu un village !

M. Jacques Peyrat. Effectivement !

J'ai souhaité, disais-je, insister encore un peu sur la nécessité de nous préserver par cette acquisition.

M. le président. Monsieur le ministre, nous nous réjouissons que, dans le collectif actuellement en cours d'examen, aient été rétablis des crédits pour la forêt provençale, qui, comme Jacques Peyrat l'a dit, a particulièrement souffert cet été. Nous vous en remercions.

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