Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 30/04/2004

Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation de la société VVF-Vacances, filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) intégrée au sein du holding C3D. Elle lui rappelle que VVF-Vacances, deuxième acteur national des résidences de tourisme, constitue historiquement l'un des fers de lance du tourisme social dans notre pays. La direction de C3D vient d'annoncer son intention de privatiser VVF-Vacances au moins partiellement avant la fin de l'année 2004 et a lancé une procédure d'appel d'offres à cet effet en direction d'opérateurs privés et de groupes financiers. Cette opération porterait un coup fatal à la vocation sociale de VVF-Vacances tout en menaçant des centaines d'emplois. Aussi elle lui demande quelles dispositions il compte prendre pour couper court au processus de privatisation de VVF-Vacances, instrument historique essentiel et atout majeur du droit aux vacances pour tous dans notre pays et pour lui rendre pleinement cette fonction au sein de la CDC, conformément aux missions d'intérêt général et de service public que la loi lui assigne ainsi qu'à toutes ses filiales.

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Réponse du Secrétariat d'Etat au budget et à la réforme budgétaire publiée le 19/05/2004

Réponse apportée en séance publique le 18/05/2004

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, un chiffre ne peut pas vous être inconnu. Permettezmoi de vous le rappeler, en tant que présidente de la section « vacances pour tous » du Conseil national du tourisme au sein duquel je siège au nom de notre assemblée : chaque année, 40 % des ménages ne partent pas en vacances, la plupart faute de moyens.

Avec la privatisation programmée de VVFVacances, on s'apprête à faire reculer le droit aux vacances pour tous, notamment les salariés et les familles les plus modestes.

Les Villages vacances familles, ou VVF, représentent depuis leur création en 1958 un véritable symbole du tourisme familial et social, au point que le sigle VVF est pratiquement devenu un nom commun.

Aujourd'hui, VVF-Vacances, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, représente l'équivalent du deuxième groupe français du secteur des résidences de tourisme, avec un chiffre d'affaires en 2003 de 171 millions d'euros et près de 700 000 vacanciers accueillis.

Le président de la holding C3D, qui regroupe les filiales de service et d'ingénierie de la CDC, a annoncé en mars la privatisation de VVFVacances d'ici à la fin de l'année 2004. Une procédure d'appel d'offres est déjà engagée.

Monsieur le secrétaire d'Etat, cette privatisation sanctionnerait le détournement définitif de la raison d'être sociale des VVF, déjà amorcé depuis la transformation en société anonyme en 1997, vers la course à la rentabilité financière maximale, incompatible, convenez-en, avec toute notion de tourisme social.

Déjà, les tarifs des prestations de VVFVacances ont été considérablement tirés vers le haut, la recherche de la clientèle la plus solvable est devenue la priorité et les dirigeants sont même fiers d'annoncer la transformation du VVF du GrauduRoi en résidence de standing.

Demain, ce sont les VVF de la presqu'île de Giens, de Grasse ou de Menton qui, excitant toutes les convoitises, seront convertis en résidences de luxe. Ces sites seraient-ils trop beaux pour les familles aux revenus modestes ?

La privatisation frapperait également de plein fouet les salariés des VVF. A juste titre, les organisations syndicales rappellent que l'absorption de Maeva par Pierre et Vacances a supprimé 80 % des emplois du siège. Les rémunérations, un peu plus décentes d'ailleurs à VVF que dans le secteur privé, ainsi que l'accord d'entreprise sont directement menacés. La privatisation marquerait également la fin de l'application de la convention collective du tourisme social qui confère entre autres à de nombreux salariés de VVF le statut de saisonniers titulaires bénéficiant de contrats à durée déterminée reconductibles d'une année sur l'autre.

Alors que nous sommes toujours, comme vous le savez, à la recherche d'un véritable statut des travailleurs saisonniers, ce sont quelque trois mille d'entre eux qui, avec la privatisation de VVF, s'apprêtent à replonger dans la précarité.

Enfin, les partenaires historiques de VVF que sont les caisses de retraite, les comités d'entreprises et les collectivités locales seront directement touchés. Ils ont participé au financement des VVF, ils sont parfois propriétaires des terrains et des villages et ils les utilisent comme équipements sociaux. L'intégration dans les communes a toujours fait partie de la philosophie de VVF. Une vingtaine de villages sont encore loués à des collectivités par le biais de baux emphytéotiques dont les échéances s'étendent jusqu'en 2067. Comment les villes concernées peuvent-elles accepter que ces conditions très avantageuses bénéficient à un opérateur privé ?

Monsieur le secrétaire d'Etat, tout le patrimoine de VVF, son savoir-faire, sa notoriété ont été constitués et entretenus, depuis cinquante ans, par des fonds publics provenant de la Caisse des dépôts et consignations et des collectivités locales, sur la foi d'un objectif social.

Cet investissement est ni estimable ni évaluable, et la vente de VVFVacances ne pourra être qu'une braderie.

Ajoutons encore que, dans la dernière période, VVF a reçu de très importantes aides publiques, notamment au titre d'un accord « de Robien » de réduction du temps de travail signé en 1997, qui n'a pas empêché la suppression de 139 emplois en 1998 et qui arrive à expiration précisément cette année.

Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question sera toute simple : comment comptez-vous empêcher la privatisation de VVFVacances et veiller à ce que la Caisse des dépôts et consignations respecte les objectifs de service public et d'intérêt général que la loi assigne à toutes ses activités ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Madame le sénateur, le sujet que vous évoquez m'intéresse, étant élu d'un département très touristique dans lequel les VVF jouent un rôle important. J'avais d'ailleurs abordé ce sujet avec votre nouveau préfet, M. Leyrit, puisqu'il arrive des terres charentaises.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Tout à fait !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Villages vacances familles est un groupe très connu qui joue un rôle important en faveur du tourisme social. Comme vous le soulignez, la Caisse des dépôts et consignations en est depuis de nombreuses années le partenaire privilégié. Elle a accompagné ses différentes évolutions et restructurations.

Vous vous inquiétez d'un projet de privatisation partielle de VVFVacances, en estimant que cela porterait un coup fatal à sa vocation sociale et à ses emplois. Aux yeux de Nicolas Sarkozy qui m'a demandé de vous répondre, cette position ne recouvre pas la réalité et mérite quelques explications.

En effet, l'association VVF a souhaité depuis quelque temps, depuis 1997 pour être précis, faire évoluer son parc en distinguant clairement les activités à caractère social et les activités purement concurrentielles. Les premières regroupent essentiellement des gîtes et des centres de vacances en milieu rural, tandis que les secondes concernent une soixantaine de villages vacances tout à fait comparables avec ce que certains opérateurs privés peuvent offrir sur le marché. Cette évolution a été soutenue, je crois utile de le préciser, par les gouvernements successifs ; l'ancienne secrétaire d'Etat au tourisme du gouvernement précédent siège d'ailleurs dans votre groupe.

Le projet de la Caisse des dépôts et consignations et de VVF, auquel vous faites référence, ne concerne donc que les activités concurrentielles, regroupées dans deux entités, c'est-à-dire VVFVacances et VVFPatrimoine. Ce projet bénéficiera toutefois à l'ensemble des activités, y compris sociales.

En effet, VVF se trouve confronté, dans son périmètre tant social que concurrentiel, à un double défi : d'une part, atteindre la taille critique, raison pour laquelle VVF envisage un rapprochement avec une autre structure de vacances sociales, le groupe VAL ; d'autre part, moderniser les infrastructures pour éviter une dégradation du parc qui ne permettra bientôt plus d'offrir aux clients un service de qualité.

Dans cette perspective, la Caisse des dépôts et consignations et l'association VVF ont décidé de réfléchir à une ouverture du capital des activités purement concurrentielles de VVF. La partie sociale est donc totalement exclue du périmètre d'ouverture, mais elle bénéficiera du transfert de quelques sites à vocation sociale qui sont actuellement propriété de VVFPatrimoine.

Madame le sénateur, cette ouverture du capital permettra de dégager les ressources nécessaires au réinvestissement dans les gîtes et au développement de la partie sociale de VVF, et elle favorisera le rapprochement avec VAL pour constituer un véritable groupe de tourisme associatif social en France disposant des moyens de ses ambitions.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement soutient le projet de la Caisse des dépôts et consignations et de l'association VVF. Nous souhaitons donc que ce projet soit mené à son terme. Au demeurant, j'ai bien noté vos réserves, et il faudra naturellement tenir compte de la dimension sociale et de la dimension économique de VVF.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, mais elle ne peut me convenir.

Je constate que vous confirmez et appuyez le processus de privatisation de VVF-Vacances. Vous prétendez que la vocation sociale de VVF est maintenue dans l'association VVF-Villages. A mes yeux, ce n'est pas recevable.

Je vous rappelle que VVF-Villages ne représente qu'un quart des activités de l'ensemble de « l'unité économique et sociale VVF » et que tout le groupe VVF s'est constitué dans le cadre du tourisme social.

Sur l'origine de VVF, monsieur le secrétaire d'Etat, vous savez bien que VVF-Villages est le résultat « croupion » d'un véritable tour de passepasse juridique. En 1997, l'ensemble de VVF est passé d'un statut associatif au statut de société anonyme. Puis, en 2001, est recréée l'association VVF-Villages qui a servi et sert encore, avec tout de même le plus parfait cynisme, à recevoir les activités les moins rentables pendant que les plus profitables restent dans la société anonyme à privatiser.

Vous comprendrez bien qu'accepter ce résultat comme un fait accompli et se satisfaire de la vocation sociale de VVFVillages est impossible.

D'ailleurs, cet exemple met directement en cause l'action du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, M. Francis Mayer, qui a assigné à C3D un rôle d'« incubateur » pour le soutien au secteur marchand. Autrement dit, le métier attribué à C3D est de constituer des pôles de profit, à partir des actifs de la Caisse des dépôts et consignations, et aux frais de la collectivité au bénéfice du privé, ou encore d'« habiller les mariées publiques avec des deniers publics » en vue de leur privatisation. C'est ce qui a déjà été opéré avec le groupe de maisons de retraite MédicaFrance ou avec la Compagnie des Alpes. Monsieur le secrétaire d'Etat, convenez-en, ce détournement d'outils publics pour liquider des pans du secteur public est tout de même quelque peu scandaleux.

Votre réponse ne peut que renforcer la détermination des salariés des VVF avec leurs organisations syndicales, pour défendre leurs entreprise et leur emploi, et les inciter à sensibiliser dès cette saison d'été les centaines de milliers de vacanciers qui s'apprêtent à séjourner dans les VVF. A cet égard, la direction de VVF invite les salariés à la discrétion afin de ne pas « perturber le processus de privatisation », pour reprendre les termes que je viens de lire dans le bulletin de l'association.

Pour ma part, vous l'avez compris, votre réponse m'incite à alerter dès les prochains jours le Conseil national du tourisme et tous les acteurs, institutionnels, associatifs, syndicaux du tourisme social, pour que, ensemble nous agissions dans le but de mettre en échec la privatisation de VVF.

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