Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 20/05/2004

M. Jean-Louis Masson attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le fait que de très nombreuses sociétés tentent d'établir leur siège social au Luxembourg pour se livrer en France à des activités immobilières en bénéficiant de l'exonération de la taxation des plus-values, dans les conditions envisagées en l'instruction du 4 août 2000 (BOI 8 M-3-00). Il est demandé si le bénéfice de ce régime profite aux plus-values taxables dans le cadre des dispositions de l'article 244 bis du CGI si elles sont réalisées par une société anonyme domiciliée au Luxembourg. Le bénéfice de ce régime profite-t-il aux plus-values immobilières réalisées en France à titre occasionnel ou professionnel par des sociétés civiles possédant leur siège social au Luxembourg ? Quelles conséquences le fisc français tire-t-il du fait que son homologue luxembourgeois ne taxe pas les plus-values immobilières réalisées en France par des sociétés luxembourgeoises à la suite de l'arrêt CA La Costa rendu par la cour administrative du Luxembourg du 23 avril 2002 ? Vu l'identité de rédaction entre l'article 4 de la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 avec l'article 4 de la convention franco-danoise du 8 février 1957, est-il possible d'étendre l'application des solutions retenues dans l'instruction précitée du 4 août 2000 ? Peut-il en aller de même dans le cadre de la convention conclue le 19 juillet 1989 entre la France et les Emirats arabes unis et celle du 7 février 1982 avec le Koweït ?

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 25/11/2004

Le code général des impôts (CGI) prévoit dans ses articles 244 bis et 244 bis A un dispositif d'imposition particulier des profits immobiliers réalisés à titre habituel ou occasionnel par des non-résidents. Sous réserve des conventions fiscales, les profits immobiliers habituels réalisés par des personnes physiques ou morales établies hors de France sont soumis à un prélèvement de 50 %, recouvré lors de l'enregistrement de la cession (art. 244 bis du CGI). Aux termes de l'article 244 bis A du CGI, les plus-values immobilières réalisées en France par des sociétés non résidentes sont imposées par voie de prélèvement à la source, sauf lorsqu'une convention fiscale retire à la France son droit d'imposer les plus-values immobilières réalisées par des sociétés de l'autre Etat. La très grande majorité des conventions fiscales signées par la France prévoient que les profits immobiliers réalisés par les entreprises sont assimilés à des revenus immobiliers, imposables dans l'Etat de situation du bien. Ces conventions permettent de faire application des dispositions prévues aux articles 244 bis et 244 bis A du CGI. C'est le cas des conventions signées avec le Koweït et les Emirats arabes unis telles que modifiées par avenants des 27 décembre 1989 et 6 décembre 1993. En revanche, quelques conventions, de rédaction ancienne, ne précisent pas la nature des profits immobiliers réalisés par des sociétés situées dans l'autre Etat. C'est le cas des conventions signées avec le Luxembourg et le Danemark, dès lors qu'elles ne contiennent aucun article permettant d'assimiler les profits immobiliers réalisés par des entreprises à des revenus immobiliers au sens des conventions. Or, dans le silence du texte conventionnel, il convient de se référer aux dispositions du droit interne pour qualifier le revenu. L'article 244 bis du CGI faisant référence à l'article 35 du même code, les profits soumis au prélèvement de 50 % doivent être considérés comme des revenus d'entreprise pour l'application des conventions signées avec le Luxembourg et le Danemark. Les revenus d'entreprises commerciales situées au Luxembourg ou au Danemark n'étant imposable en France que s'ils sont réalisés par l'intermédiaire d'un établissement stable, le prélèvement de l'article 244 bis du CGI, qui ne concerne que les seules entreprises non résidentes qui n'ont pas d'établissement en France, n'est en définitive jamais applicable aux profits de marchands de biens et de lotissements réalisés en France par les entreprises luxembourgeoises ou danoises. Par ailleurs, ainsi que l'administration l'a précisé dans une instruction du 4 août 2000 (BOI 8-M-3-00), les sociétés fiscalement domiciliées au Luxembourg ne sont pas redevables du prélèvement du tiers prévu à l'article 244 bis A du CGI. Par contre, si l'activité immobilière de la société en France est constitutive d'un établissement stable, les plus-values seront imposables dans cet Etat, à l'impôt sur les sociétés, conformément aux dispositions de l'article 209-I du CGI. Il est exact de considérer que la convention franco-danoise du 8 février 1957 contient les mêmes lacunes s'agissant de l'imposition des plus-values immobilières réalisées en France et ne permet pas à la France d'appliquer le prélèvement prévu à l'article 244 bis A du CGI. L'exonération des prélèvements prévus par les articles 244 bis et 244 bis A du CGI vaut quel que soit le type de société domiciliée au Danemark ou au Luxembourg, à l'exception notable toutefois des sociétés holdings au sens de la législation particulière luxembourgeoise dès lors que ces sociétés sont exclues du bénéfice de la convention fiscale du 1er avril 1958 modifiée, par un échange de lettres en date du 8 septembre 1970. Ainsi que le souligne à juste titre l'auteur de la question, les divergences d'interprétation entre les juridictions françaises et luxembourgeoises aboutissent à une double exonération des plus values de cession visées par l'article 244 bis A du CGI qui sont réalisées par des sociétés situées au Luxembourg. Seule une modification des conventions fiscales franco-luxembourgeoise et danoise permettrait à la France de récupérer son droit d'imposer. C'est pourquoi il est envisagé d'engager prochainement des négociations en ce sens avec les autorités luxembourgeoises et danoises.

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