Question de M. BRET Robert (Bouches-du-Rhône - CRC) publiée le 13/05/2005

Question posée en séance publique le 12/05/2005

M. Robert Bret. J'aurais souhaité que M. Barnier, ministre des affaires étrangères, signataire de la directive Bolkestein en tant que commissaire européen, réponde à ma question, mais j'aurai grand intérêt à écouter votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.

Il faut dire la vérité aux Françaises et aux Français : des directives libérales d'une grande portée sont en préparation, en débat ou en voie d'application. Elles ne sont pas remises en cause par le traité constitutionnel qui, bien au contraire, grave dans le marbre les principes qui leur servent de base.

Prenons la proposition de directive qui tend à accroître le temps de travail hebdomadaire et à généraliser la flexibilité. Cette proposition vise à permettre de porter jusqu'à 65 heures la durée hebdomadaire de travail : c'est le principe dit de « l'opt out », qui permet des dérogations à la règle des 48 heures maximales hebdomadaires - ce qui est déjà beaucoup, vous en conviendrez. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Le Parlement européen vient, de manière fort opportune, de tenter d'atténuer la portée libérale de la directive. Mais, en échange, il généralise l'annualisation en portant la base de calcul de la moyenne hebdomadaire de quatre mois à une année.

Il faut dire, là aussi, la vérité. Ce n'est pas le Parlement européen qui emportera, seul, la décision ; c'est la Commission qui propose les actes législatifs européens, et nul ne peut nier l'influence déterminante du Conseil des ministres européens, représentant les gouvernements des Etats membres.

Votre gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat, est-il disposé à demander le retrait de la proposition de directive sur l'aménagement du temps de travail, lors de la réunion décisive qui se déroulera, bien entendu, après le référendum ?

On nous dit : « La directive Bolkestein, c'est fini ». Mais c'est faux ! La Commission n'a pas retiré cette directive. Le processus législatif se poursuit. La directive sera adoptée dans les mois à venir, amendée ou pas, toujours après le référendum.

La libéralisation des services, principe qui sous-tend le texte de Bolkestein, est inscrite noir sur blanc dans les articles III-144 et suivants du traité. N'est-ce pas, monsieur le secrétaire d'Etat ?

Je pourrais vous interroger sur d'autres textes (Non ! sur plusieurs travées de l'UMP), sur la proposition de directive relative à la libéralisation des activités portuaires, ou encore sur le troisième « paquet ferroviaire », qui entend ouvrir à la concurrence les trafics internationaux et nationaux de voyageurs.

Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, est-il vrai ou faux que le traité constitutionnel ne remettra pas en cause l'éclatement de La Poste du fait de la concurrence imposée par Bruxelles, aux termes du projet de loi qui devrait être adopté définitivement par la droite sénatoriale cet après-midi ? (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Josselin de Rohan. Le disque est rayé !

M. Robert Bret. Pour notre part, nous estimons que le traité constitutionnel valide cette fuite en avant libérale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

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Réponse du Secrétariat d'Etat aux Affaires étrangères publiée le 13/05/2005

Réponse apportée en séance publique le 12/05/2005

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous parlez de vérité, mais vous affichez des contrevérités. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

M. Robert Bret. Il faut en convaincre les Français !

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Vos arguments procèdent de présentations incorrectes. Vous vous trompez mais, je l'espère, de bonne foi.

M. Robert Bret. Mais encore ?

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Vous invoquez tout d'abord l'argument selon lequel les décisions prises à Bruxelles viendraient de nulle part et nous seraient toujours imposées. C'est tout simplement ignorer le fonctionnement de l'Union, le rôle des Etats au sein du Conseil et celui, croissant, du Parlement européen.

Vous dites également que l'Europe serait, par nature ou par construction, par philosophie même, nécessairement indifférente aux préoccupations du citoyen. C'est délibérément ignorer que, depuis l'origine, la construction européenne repose avant tout sur une harmonisation.

M. Robert Bret. Par le bas !

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Vous avez décidé d'ignorer que cette harmonisation a permis d'accroître la protection de nos concitoyens dans de nombreux domaines tels que la défense des consommateurs, la préservation de l'environnement et le droit du travail. Sans cet effort d'harmonisation, les exigences de nos concitoyens en termes de protection et de santé publique seraient imparfaitement satisfaites.

Vous redoutez encore que l'Europe ne se mêle de tout. Vous évoquez à cet égard le traité constitutionnel sur lequel nos concitoyens sont appelés à se déterminer. Ce traité, vous le savez, met en avant le principe de subsidiarité et donne de nouveaux moyens pour en garantir le respect, notamment des pouvoirs à notre Parlement afin que dernier veille à ce que l'Union ne sorte pas de ses compétences.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne répondez pas du tout à la question !

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. En ce qui concerne la proposition de directive sur le temps de travail, qui est en cours de négociation (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.), notre objectif est simple : nous souhaitons bloquer les risques de dumping social au niveau européen, ...

M. Yves Coquelle. On verra cela en juin !

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. ...en obtenant l'encadrement et la suppression du droit à dérogation individuelle, dit opt out, qui ne correspond pas à notre conception de modèle social.

Le vote du Parlement européen du 11 mai est important, car il rejoint la volonté du Gouvernement d'harmoniser par le haut les conditions de travail en Europe et la protection de la santé et de la sécurité au travail.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour le travail, si l'on se réfère au nombre d'heures, l'harmonisation se fait par le bas !

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Le Parlement propose de supprimer la possibilité de dépassement du plafond de 48 heures hebdomadaires dans tous les Etats membres. Cette proposition est conforme à la position clairement affichée par M. Larcher, mon collègue ministre délégué aux relations du travail, au sein du Conseil des ministres européens.

M. David Assouline. Votre temps de parole est épuisé, monsieur le secrétaire d'Etat !

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons une conception ambitieuse de l'Europe, d'une Europe qui protège les droits des travailleurs et améliore les conditions de travail ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.- Protestations sur les travées du groupe CRC.)

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