Question de M. BIWER Claude (Meuse - UC-UDF) publiée le 15/09/2005

M. Claude Biwer attire l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat sur l'inquiétude suscitée par l'annonce d'un éventuel plafonnement « effectif » du montant de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée des entreprises. Il semblerait, en effet, qu'à partir de 2005, les hausses de taux conduisant à imposer une entreprise au-delà de ce plafond seraient « neutralisées » et « ne rapporteraient plus rien aux collectivités territoriales concernées » ! Il le prie de bien vouloir expliciter ces propos qui vont à l'encontre du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales et rappelle que la taxe professionnelle constitue pour celles-ci et plus encore pour les communautés de communes, les communautés d'agglomération et les communautés urbaines à la taxe professionnelle unique une recette importante, voire exclusive, dont il ne saurait être question de « plafonner » les effets.

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Réponse du Ministère délégué à l'industrie publiée le 10/11/2005

Réponse apportée en séance publique le 09/11/2005

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, avec ma question, nous restons dans les problèmes liés à l'emploi, puisqu'elle a trait à la taxe professionnelle.

L'annonce d'un plafonnement « effectif » du montant de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée des entreprises a suscité de vives réactions d'hostilité de la part de très nombreux élus locaux, même si cela permettra de limiter certains abus.

La manière dont cette mesure a été annoncée les a également choqués, puisque le Gouvernement a précisé qu'au-delà de ce plafond les hausses de taux seraient désormais neutralisées et « ne rapporteraient plus rien aux collectivités territoriales concernées ».

En premier lieu, cette disposition va à l'encontre du principe de constitutionnalité de la libre administration des collectivités territoriales, qui doivent pouvoir fixer elles-mêmes librement leurs taux d'imposition.

Dans la mesure où elle aura un caractère rétroactif, elle coûtera, dès son entrée en application, 469 millions d'euros aux collectivités territoriales et à leurs groupements.

Comme l'a souligné à juste titre le Comité des finances locales, elle pénalisera les EPCI - établissements publics de coopération intercommunale - à taxe professionnelle unique, qui verront leur marge de manoeuvre fiscale diminuer puisque, si la réforme touche en moyenne 50 % des bases de taxe professionnelle, dans certains cas particuliers, ce sont jusqu'à 90 % des bases qui seront ainsi plafonnées.

Elle entraînera de facto un transfert des charges des entreprises vers les ménages et encouragera la mise en place de la fiscalité mixte dans les EPCI, qui, elle, évoluera dans le temps.

Le Gouvernement a justifié cette réforme en arguant du fait qu'elle était imposée par la nécessité de conserver sur le territoire français son attractivité et celle d'alléger les charges pesant sur les entreprises et gênant l'emploi, ce qui est louable en soi.

Qu'il convienne d'alléger les charges des entreprises, nul n'en doute. Qu'il faille conserver sur notre territoire un maximum d'activités, chacun en convient. Mais toutes les études relatives aux délocalisations qui sont en notre possession démontrent que la fiscalité locale sera touchée, et la réforme annoncée ne supprimera pas les anomalies.

En réalité, cette disposition, qui a aussi pour but de réaliser des économies dans le budget de l'Etat sans toutefois créer de nouveaux prélèvements, s'appliquera au détriment, une fois de plus, des collectivités territoriales et de leurs groupements et, in fine, du contribuable local, puisque les collectivités en question devront compenser.

Il s'agit là d'une politique à courte vue. En effet, à quoi cela sert-il de réduire les prélèvements de l'Etat si, de façon concomitante, ceux des collectivités territoriales augmentent ? D'une part, le total des prélèvements obligatoires ne baisse pas et, d'autre part, que le contribuable soit local ou national, il s'agit toujours d'une seule et même personne, même si la répartition est quelque peu différente.

J'ose espérer que le Sénat, qui représente les collectivités territoriales, saura, le moment venu, faire entendre raison au Gouvernement sur ce point et qu'à défaut le Conseil constitutionnel, dans sa lucidité, constatera qu'au fil des ans le principe de libre administration des collectivités locales est de plus en plus battu en brèche.

J'aimerais, monsieur le ministre, être rassuré sur ce dossier qui n'apportera en l'état aucune avancée réelle dans le domaine de la fiscalité, mais créera des charges locales nouvelles, tout au moins si l'on apprécie l'intérêt des contribuables de façon globale.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, tous les efforts du Gouvernement sont tournés vers l'emploi, ce qui nécessite de maintenir la compétitivité des entreprises et l'attractivité de notre territoire. Or, comme l'a souligné le rapport de la commission Fouquet, le poids de la taxe professionnelle entraîne aujourd'hui des situations de surimposition inacceptables qui, on ne peut le nier, pénalisent fortement nos entreprises.

En effet, le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, qui a précisément pour but de corriger ces situations, est calculé non par rapport à la cotisation réellement acquittée par l'entreprise mais par rapport à une cotisation établie à partir des taux en vigueur en 1995. Les entreprises ne bénéficient donc pas de ce plafonnement au titre de la part de la taxe professionnelle qui provient des hausses de taux depuis 1995.

La réforme que le Gouvernement soumet au Parlement lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2006 permettra, en modifiant profondément le mécanisme de plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, de corriger ces situations dangereuses pour la compétitivité de nos entreprises en limitant exactement la cotisation de taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée, exception faite de quelques très grandes entreprises soumises à des règles de plafonnement particulières.

Financièrement, l'Etat contribuera, pour la plus grande part, à cette réforme, puisqu'il prendra à sa charge le coût du plafonnement généré par les hausses de taux entre 1995 et 2004, ce qui, conjugué à l'unification du taux de plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée, représente un coût de 1,4 milliard d'euros.

Le Gouvernement souhaite effectivement associer les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, à cette réforme en leur demandant de financer la part de dégrèvement qui résulte des hausses des taux d'imposition intervenues après 2004.

Cette mesure ne va pas à l'encontre du principe de libre administration des collectivités territoriales qui, je vous le rappelle, sont déjà tenues à des règles contraignantes en matière d'encadrement des taux des impôts locaux. Par ailleurs, le dispositif est suffisamment circonscrit et encadré pour garantir ce principe.

Premièrement, les collectivités continueront à bénéficier du dynamisme des bases de l'ensemble des entreprises situées sur leur commune.

Deuxièmement, le mécanisme ne jouera que pour autant que les taux votés soient supérieurs aux taux de 2004.

Troisièmement, les collectivités percevront, bien entendu, la totalité du produit des hausses de taux décidées après 2004 et appliquées aux bases des entreprises non plafonnées.

Quatrièmement, le texte prévoit un mécanisme de garantie : avant le vote de ces taux, la collectivité sera informée du pourcentage de ces bases d'imposition rattachées à des entreprises plafonnées au cours de la dernière année connue. La part du dégrèvement qu'elle aura à sa charge ne pourra donc en aucun cas excéder ce pourcentage.

Enfin, cinquièmement, en ce qui concerne l'intercommunalité, le dispositif continue à encourager la création d'établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique. En effet, les augmentations de taux constatées dans une commune et justifiées uniquement par un mécanisme de convergence vers un taux unique ne seront pas prises en compte pour la refacturation du plafonnement à un EPCI.

A cet égard, j'ajoute que la création d'un EPCI à taxe professionnelle unique peut constituer une réponse à la situation de certaines communes qui connaîtraient une forte concentration d'entreprises plafonnées, en élargissant le nombre de redevables.

Cette réforme est donc non pas une réforme « contre », mais une réforme « avec » les collectivités territoriales, afin qu'ensemble nous améliorions la compétitivité et la viabilité de nos entreprises.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Si je suis rassuré quant à la bonne volonté du Gouvernement en la matière, je ne le suis pas quant au résultat final. En effet, la liberté de décision des collectivités territoriales en matière de fixation des taux risque d'être affectée par ces nouvelles normes. Elles seront donc obligées de trouver des solutions de dernier recours, par exemple, malheureusement, en augmentant les taux des impôts locaux.

Vous nous avez assurés, monsieur le ministre, que vous nous tiendriez informés de l'évolution de ce dossier. J'espère que nous le serons suffisamment tôt pour prévenir les anomalies qui pourraient se glisser dans nos budgets. Mais nous y reviendrons en détail à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2006.

Monsieur le ministre, il vaut mieux une grande confiance qu'une petite méfiance : je vous accorde la première, tout en restant attentif pour la suite !

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