Question de Mme ASSASSI Éliane (Seine-Saint-Denis - CRC) publiée le 26/01/2006

Mme Éliane Assassi attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les conséquences, pour la justice sociale en Seine-Saint-Denis, de la fermeture durant deux mois et demi du conseil des prud'hommes (CPH) de Bobigny suite au jet d'un engin incendiaire dans ses locaux lors des émeutes de novembre dernier. Cette fermeture a bloqué le traitement de 1 600 dossiers auxquels il convient d'ajouter 1 000 dossiers de départage. Face à cette situation, de nombreuses personnalités syndicales, associatives et politiques de Seine-Saint-Denis se sont mobilisées et ont obtenu qu'une délégation soit reçue au ministère de la justice. Au cours de cette rencontre qui a eu lieu le 18 janvier dernier, elles ont obtenu des réponses à leur demande de mesures d'urgence pour ce CPH qui est le deuxième de France en nombre d'affaires. Le Garde des Sceaux a, en effet, annoncé le renforcement de deux greffiers supplémentaires en sortie d'école en mars et juillet prochains, l'ouverture d'une réflexion sur les délais trop longs de départage en comparaison avec les autres conseils de prud'hommes et la confirmation du relogement du conseil des prud'hommes de Bobigny à côté du tribunal de grande instance dans l'attente de la construction du nouveau CPH dans le quartier Berlioz en 2009. Si elle se félicite de ces mesures, elle estime néanmoins que le compte n'y est pas. En effet, soulignant que la Seine-Saint-Denis est un département en plein développement qui voit s'implanter d'importants bassins d'emplois autour de la plateforme de Roissy, sur le territoire de la Plaine Saint-Denis, mais également à Noisy-le-Grand et à Montreuil, elle estime que le CPH de Bobigny a besoin à court terme d'un juge départiteur supplémentaire à plein temps, de greffiers et de personnels, de moyens informatiques, de salles d'audiences et de salles de motivations supplémentaires. Par ailleurs, ce développement économique est un atout pour la Seine Saint-Denis ; il suppose toutefois d'avoir les moyens de faire respecter les droits de tous les salariés tout en réduisant considérablement les délais de procédure et rendre ainsi la justice prud'homale accessible, rapide et efficace pour tous les justiciables. C'est pourquoi elle propose que la construction d'un deuxième CPH soit rapidement mise la mise à l'étude. Elle lui demande, par conséquent, s'il entend effectivement dégager des moyens humains, financiers et matériels permettant de mettre en œuvre de telles propositions.












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Réponse du Ministère de la coopération, du développement et de la francophonie publiée le 22/02/2006

Réponse apportée en séance publique le 21/02/2006

Mme Éliane Assassi. Madame la ministre déléguée, je regrette l'absence de M. le garde des sceaux, mais je pense que vous pourrez répondre à ma question.

Il s'agit des conséquences, pour la justice sociale en Seine-Saint-Denis, de la fermeture durant deux mois et demi du conseil des prud'hommes de Bobigny, fermeture décidée à la suite de l'incendie qui s'est déclaré dans ses locaux lors des violences de novembre dernier.

Cette fermeture a aggravé considérablement le dysfonctionnement du conseil. Il faut aujourd'hui de onze à quinze mois pour obtenir un jugement. Dix mille affaires sont en cours de procédure. Mille six cents dossiers se sont accumulés, auxquels il convient d'ajouter mille dossiers de départage.

Ce sont donc les salariés qui ont subi des discriminations qui se retrouvent une nouvelle fois discriminés, du fait de la lenteur de la justice à les réintégrer dans leurs droits.

Face à cette situation, de nombreuses personnalités syndicales, associatives et politiques de Seine-Saint-Denis se sont mobilisées et ont obtenu qu'une délégation soit reçue par les services de la Chancellerie.

Au cours de cette rencontre, qui a eu lieu le 18 janvier dernier, les mesures suivantes ont été annoncées concernant ce conseil des prud'hommes de Bobigny, le deuxième de France en nombre d'affaires : le renfort de deux greffiers supplémentaires en sortie d'école en mars et juillet prochains, l'ouverture d'une réflexion sur les délais trop longs de départage en comparaison avec les autres conseils de prud'hommes et, enfin, la confirmation du relogement du conseil des prud'hommes de Bobigny à côté du tribunal de grande instance, dans l'attente de la construction du nouveau conseil des prud'hommes dans le quartier Berlioz de Bobigny, en 2009.

Si je me félicite de ces mesures, j'estime cependant qu'il est nécessaire d'aller plus loin et de prendre des dispositions exceptionnelles, sans attendre 2009.

En effet, la Seine-Saint-Denis est un département en plein développement économique, qui voit s'implanter d'importants bassins d'emplois autour de la plate-forme de Roissy, sur le territoire de la plaine Saint-Denis, mais également à Noisy-le-Grand et à Montreuil.

S'il constitue un atout pour la Seine-Saint-Denis, ce développement économique suppose néanmoins d'avoir les moyens de faire respecter les droits de tous les salariés, tout en réduisant considérablement les délais de procédure, et de rendre ainsi la justice prud'homale accessible, rapide et efficace pour tous les justiciables.

Il importe donc de renforcer de manière très significative les moyens en personnels et en matériels du conseil des prud'hommes de Bobigny.

Ce conseil a en effet besoin, à court terme, d'un juge départiteur supplémentaire à plein temps, de salles d'audience complémentaires, de sept salles de travail pour les quatre-vingts présidents d'audience, d'un autre greffier, d'une bibliothèque, de moyens informatiques avec accès à Internet. En outre, il convient de mettre rapidement à l'étude la construction d'un deuxième conseil de prud'hommes.

M. le garde des sceaux envisage-t-il de dégager les moyens humains, financiers et matériels permettant de mettre en oeuvre les propositions que je viens d'avancer et d'assurer ainsi la continuité du service public de la justice dans tous ses volets ?

Par ailleurs, peut-on nous assurer que les engagements qui ont été pris concernant le déménagement et le relogement rapide du conseil de prud'hommes dans l'immeuble « L'Européen », à Bobigny, sur une surface effective de trois étages, seront bien respectés ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Madame la sénatrice, le garde des sceaux, ministre de la justice, actuellement retenu à l'Assemblée nationale par la discussion d'une proposition de loi portant sur les violences conjugales, vous prie de l'excuser de ne pouvoir vous répondre lui-même.

Vous avez appelé son attention sur la situation du conseil des prud'hommes de Bobigny.

Le relogement rapide de cette juridiction dans des bureaux adaptés constitue une priorité. À la suite des malheureux événements de l'automne dernier, la Chancellerie a immédiatement demandé aux chefs de la cour d'appel de Paris de rechercher des locaux susceptibles d'accueillir la juridiction prud'homale dans l'attente de son relogement définitif dans un bâtiment judiciaire qui reste à construire.

Après une recherche particulièrement diligente, des locaux proches du palais de justice ont été identifiés en vue d'accueillir la juridiction dans l'immeuble « L'Européen », situé au coeur de la ZAC Jean-Rostand. Ce projet, qui implique la mobilisation de moyens financiers exceptionnels de la part du ministère de la justice, est actuellement à l'étude, et une décision doit être arrêtée très prochainement.

Dans l'immédiat, afin de permettre la continuité du service public de la justice, le bâtiment qui abrite actuellement le conseil de prud'hommes a fait l'objet de mesures urgentes de sécurité. Les personnels ont depuis lors repris leur activité, et des audiences supplémentaires seront organisées afin de rattraper le retard pris pendant la fermeture du bâtiment.

La location prévue dans le nouvel immeuble permettra d'attendre la réalisation par l'agence de maîtrise d'ouvrage du ministère de la justice d'un nouveau bâtiment judiciaire qui, à l'échéance prévisible de 2009, accueillera le conseil des prud'hommes de Bobigny ainsi que le tribunal de commerce, à proximité du palais de justice actuel, sur un terrain disponible de la rue Hector-Berlioz.

En ce qui concerne les ressources humaines, le garde des sceaux tient à vous confirmer que le greffe sera renforcé très prochainement puisque est prévue l'arrivée de deux greffiers, respectivement en mars et en juillet de cette année.

Pour traiter les dossiers qui ont été mis en attente lors de la récente fermeture du conseil des prud'hommes de Bobigny, le président du tribunal de grande instance pourra, s'il l'estime nécessaire, déléguer temporairement un magistrat, et les chefs de la cour d'appel de Paris pourront, si le besoin est avéré, affecter l'un des douze magistrats placés du siège.

Voilà, madame la sénatrice, qui témoigne je crois des efforts en moyens humains et financiers consentis par les services du ministère de la justice pour répondre aux besoins du conseil des prud'hommes de Bobigny.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. La justice sociale est une question très importante. C'est d'autant plus vrai, je l'ai rappelé tout à l'heure, dans un département comme celui de la Seine-Saint-Denis, où nombreux sont les salariés, particulièrement des jeunes, qui subissent des conditions de travail difficiles. Les quartiers populaires sont quant à eux devenu des zones de non-droits en ce sens que la population y est privée de ses droits les plus fondamentaux, tels le droit au logement, le droit à la formation, le droit au travail. D'une façon générale, par la paralysie de la justice, par l'insuffisance criante des effectifs d'inspecteurs du travail, mais aussi de contrôleurs de l'URSSAF, la Seine-Saint-Denis est devenue un département de non-droit social. J'estime pourtant que les habitants et les salariés de ce département ont, comme les autres, droit à la justice, notamment sociale.

C'est pourquoi j'ai voulu interpeller M. le garde des sceaux sur cet aspect, et je vous remercie, madame la ministre déléguée, d'avoir indiqué que le relogement du conseil de prud'hommes était une priorité et d'avoir confirmé les mesures d'ores et déjà annoncées.

Vous me permettrez cependant d'insister sur une autre question, qui fera peut-être l'objet d'une discussion ultérieure : la nécessité pour la Seine-Saint-Denis et pour ses salariés de disposer d'un deuxième conseil de prud'hommes. J'ai évoqué tout à l'heure les atouts de ce département, notamment en termes de développement économique ; il n'en reste pas moins l'un des départements de la région parisienne qui ne comptent qu'un seuil conseil de prud'hommes. Nous pensons que cela n'est pas juste et que, au regard de son développement, la Seine-Saint-Denis mériterait comme d'autres la création d'un deuxième conseil de prud'hommes.

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