Question de Mme LE TEXIER Raymonde (Val-d'Oise - SOC) publiée le 06/08/2009

Mme Raymonde Le Texier attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la récente publication d'un rapport concernant les contrôles policiers établis au faciès.

Le 30 juin 2009, plusieurs grands quotidiens ont publié les résultats d'une étude réalisée par deux chercheurs du CNRS portant sur l'observation du travail policier. Cette étude locale, menée sur 8 mois dans deux quartiers de Paris, révèle que les contrôles policiers se fondent principalement sur trois critères : l'origine ethnique, la tenue vestimentaire et l'âge.

Trois éléments sont particulièrement frappants.
Premièrement, il y a surreprésentation des personnes issues de minorités ethniques dans les contrôles policiers. L'étude démontre que la probabilité d'être contrôlé est 11,5 fois plus importante pour une personne noire que pour une personne blanche, et 7,8 fois plus importante pour une personne arabe. De façon plus générale, les non blancs ont 3,5 fois plus de chances d'être contrôlés que les blancs.
Deuxièmement, les personnes identifiées comme “jeunes” par leur apparence vestimentaire pèsent pour près de la moitié des contrôles observés (47 %), alors qu'elles ne représentaient que 10 % de la population disponible lors de l'étude. La probabilité de faire l'objet d'un contrôle lorsque l'on est habillé “jeune” est 11,4 fois supérieure à celle d'être contrôlé lorsqu'on est habillé en tenue “ de ville” ou même “décontracté”.
Troisièmement, la double concentration des contrôles sur l'appartenance ethnique et sur l'apparence vestimentaire identifiée “jeune” pose un problème de sécurité publique. Par exemple, en période Vigipirate renforcé, pourquoi dénombre-t-on plus de contrôles sur des individus identifiés “jeunes” car portant une capuche ou un pantalon tombant, que sur des personnes se déplaçant munies d'un sacs ou un bagage ? La possibilité de dissimuler une arme dans un sac ou un bagage représente pourtant un risque de sécurité bien plus important qu'un piercing ou une casquette.

Au regard de cette étude - dont les résultats n'auraient pas été différents si elle s'était déroulée dans nos villes de banlieue -, on ne peut plus nier la réalité des plaintes et des sentiments de persécution que rencontrent nombre de nos concitoyens face à des contrôles policiers où, manifestement, la part d'arbitraire demeure trop importante.

C'est pourquoi elle souhaiterait savoir si les chiffres du ministère de l'intérieur confirment ceux de cette étude. Elle souhaiterait également savoir ce qu'il entend entreprendre pour rationnaliser et réglementer les contrôles policiers afin de mettre un terme aux contrôles au faciès qui sont non seulement contraires au respect de la dignité individuelle que chaque citoyen est en droit d'attendre de la République, mais qui ne sont certainement pas la meilleure façon d'assurer la sécurité de la collectivité.

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Réponse du Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales publiée le 25/02/2010

Les contrôles d'identité s'exercent dans le cadre légal fixé aux articles 78-1 et suivants du code de procédure pénale, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, et ont pour but la prévention des atteintes à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens, ou la recherche des auteurs d'infractions à la loi pénale. Ce dispositif, validé par le Conseil constitutionnel, permet aux forces de sécurité d'exercer leurs missions de protection de la population dans le respect des droits constitutionnellement garantis. L'article 78-1 du code de procédure pénale, alinéa 2, dispose que « toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se prêter à un contrôle d'identité effectué dans les conditions et par les autorités de police visées aux articles suivants ». Outre les contrôles d'identité dits frontaliers, peut être contrôlée l'identité de toute personne à l'égard de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit, ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire. Par ailleurs, sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions spécifiques, l'identité de toute personne peut être contrôlée dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. L'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée pour prévenir une atteinte à l'ordre public. Afin de garantir la sécurité partout et pour tous, la protection des personnes et des biens doit faire l'objet d'une attention plus particulière dans les quartiers dits sensibles, où la population est plus souvent qu'ailleurs victime d'infractions. Il est normal, dès lors, que des contrôles d'identité puissent s'y dérouler, en tant que de besoin, avec une certaine fréquence, sans que de telles pratiques puissent être pour autant considérées comme discriminatoires. En revanche, toute pratique de contrôles dits « au faciès » ne pourrait qu'heurter les principes républicains d'égalité de tous les citoyens devant la loi et distendre le lien de confiance entre la population et la police ou la gendarmerie. À cet égard, des instructions strictes sont régulièrement données aux forces de l'ordre pour que, dans leurs interventions sur la voie publique, elles fassent preuve d'un comportement exemplaire. Il convient d'ailleurs d'observer que des contrôles d'identité discriminatoires seraient illégaux et censurés par les tribunaux. Toute personne peut de surcroît, si elle s'estime victime d'une telle procédure, saisir l'une des institutions chargées de contrôler l'action des services de sécurité. Le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales est par ailleurs particulièrement engagé dans la lutte contre les discriminations. Au-delà des efforts que la police nationale accomplit par exemple en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes, notamment issus des quartiers populaires, les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie ont conclu avec la HALDE des conventions de partenariat destinées à mettre en oeuvre des actions communes pour lutter plus efficacement contre toute forme de discrimination. Plus généralement, le ministre de l'intérieur attache la plus grande importance au caractère exemplaire du comportement adopté par les forces de sécurité, lesquelles sont soumises dans leur action à de nombreux contrôles, hiérarchiques et juridictionnels, nationaux et européens. Le strict respect des principes déontologiques constitue pour la police nationale comme pour la gendarmerie nationale une exigence absolue et ce souci éthique s'appuie sur une politique disciplinaire particulièrement rigoureuse. Les fautes individuelles, rares et très sévèrement sanctionnées, ne sauraient faire oublier le comportement très majoritairement irréprochable des policiers et des gendarmes dans l'exercice de leurs difficiles missions.

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