Question de Mme ASSASSI Éliane (Seine-Saint-Denis - CRC-SPG) publiée le 10/09/2009

Mme Éliane Assassi attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des transports sur les conséquences liées aux restructurations incessantes de l'activité fret SNCF de la plateforme du Bourget tant en transport qu'en maintenance. Alors que la question du transport de marchandises représente un enjeu considérable pour notre société en matière d'emplois, d'économies d'énergie, de préservation de l'environnement, de santé publique, de qualité de vie et de sécurité routière, comme l'ont démontré les travaux du Grenelle de l'environnement, la direction de la SNCF et le Gouvernement continuent de privilégier le transport de marchandises par route qui va précisément à l'encontre de ces objectifs et utilise une main d'œuvre dont les conditions de travail sont fortement dégradées. Elle estime qu'il est indispensable de rompre avec les logiques actuelles et de privilégier les modes de transport les plus économes, les moins polluants, les plus sécurisants et les moins coûteux pour la collectivité. Des alternatives crédibles au « tout routier » existent en effet s'appuyant sur le développement des atouts de la SNCF. L'organisation de ce système pourrait reposer sur : des plateformes logistiques situées aux portes de Paris notamment sur le site du Bourget ; un acheminement principal inter plateformes particulièrement sur la grande ceinture ; un système de collecte/distribution ferroviaire et/ou routier dans la zone intra-muros reliée aux plateformes où sont formés les trains inter plateformes. Le mode routier ne serait alors utilisé que pour les très courtes distances. Développer l'activité du triage du Bourget présente ainsi de nombreux avantages tant d'un point de vue économique (retombées financières directes, activités commerciales, logements, loisirs…), social (emplois directs et induits, formations…) qu'environnemental (moins de pollution, plus de sécurité, plus de fiabilité)… Elle lui demande par conséquent de bien vouloir lui donner son sentiment sur ces propositions et lui préciser quelles dispositions concrètes il envisage de mettre en œuvre pour soutenir et développer l'activité triage du Bourget.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'écologie publiée le 23/09/2009

Réponse apportée en séance publique le 22/09/2009

La parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la question n° 612, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

Mme Éliane Assassi. Madame la secrétaire d'État, je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur la situation alarmante du fret ferroviaire, qui pâtit depuis 2002 des restructurations décidées par la direction de la SNCF, avec l'appui des derniers gouvernements.

Cette réorientation de fret SNCF a abouti, depuis 2003, à la suppression de 10 000 postes ainsi qu'à à la fermeture de 500 gares et de milliers de dessertes, et elle a jeté 1,5 million de camions sur la route.

Pour justifier ces réorganisations, la SNCF accuse le fret ferroviaire de lui coûter trop cher : elle annonce un déficit, pour le premier semestre de 2009, de 496 millions d'euros, dont les deux tiers, soit 323 millions d'euros, sont imputables au seul fret ferroviaire.

La question du transport de marchandises représente, comme l'ont démontré les travaux du Grenelle de l'environnement, un enjeu considérable pour notre société en termes d'emplois, d'économie d'énergie, de préservation de l'environnement, de santé publique, de qualité de vie, de sécurité routière...

Il est donc indispensable de rompre avec les logiques actuelles, qui privilégient le transport de marchandises par route, lequel va précisément à l'encontre de ces objectifs et utilise une main-d'œuvre dont les conditions de travail sont fortement dégradées.

Des alternatives crédibles au « tout routier » existent. Elles s'appuient sur le développement des atouts existants de la SNCF, solutions que proposent d'ailleurs depuis longtemps les syndicats pour promouvoir le développement du fret ferroviaire.

Ces propositions, vous les connaissez certainement, madame la secrétaire d'État. Elles visent à mettre en place un système reposant, notamment, sur des plateformes logistiques situées aux portes de Paris, en particulier sur le site du Bourget ; sur un acheminement principal interplateforme, particulièrement sur la grande ceinture ; sur un système de collecte-distribution ferroviaire et/ou routier dans la zone intra-muros reliée aux plateformes où sont formés les trains interplateformes.

Le mode routier ne serait alors utilisé que pour les très courtes distances.

L'activité fret de la plateforme du Bourget située dans mon département est particulièrement touchée par ces réorganisations. Pourtant, il me semble que le développement de l'activité de triage au Bourget et, au-delà, dans tout le pays présente de nombreux avantages d'un point de vue tant économique que social et environnemental.

Vous le savez, les cheminots sont inquiets et s'interrogent sur l'avenir du fret ferroviaire en France. Le 16 septembre dernier, ils se sont rassemblés sur le site du Bourget pour exiger le maintien et le développement du service public de transport fret SNCF non seulement au Bourget mais partout en France.

Le même jour, le Gouvernement a présenté son plan Fret d'avenir, d'un montant de 7 milliards d'euros, pour – prétendument – sauver le fret.

Nous ne sommes pas dupes : la direction de la SNCF a déjà pris la décision de réformer le fret ferroviaire. Elle doit d'ailleurs aujourd'hui, lors du comité central d'entreprise, et demain, lors de son conseil d'administration, présenter ses orientations en la matière.

Sont d'ores et déjà prévus l'abandon de 50 % à 70 % du trafic du wagon isolé, son transfert partiel vers des opérateurs dits « de proximité » et la création de filiales par secteurs d'activité, sans statut de cheminot.

Cette réorganisation devrait entraîner la suppression de 4 000 à 6 000 emplois sur 14 000 d'ici à deux ans et aboutir à la privatisation du transport de marchandises.

Madame la secrétaire d'État, allez-vous abandonner les projets de filialisation de fret SNCF et encourager au contraire le report modal de la route vers le rail en confirmant que le transport de marchandises est bien un service public ?

Concernant plus particulièrement la plateforme du Bourget, comment envisagez-vous de soutenir et de développer l'activité triage de ce site, dont la modernisation représente un véritable enjeu d'intérêt général ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Madame le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Dominique Bussereau, qui est actuellement à l'Assemblée nationale pour l'examen du projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires.

Je tiens d'abord à vous indiquer que la priorité accordée au développement des modes alternatifs à la route, et tout particulièrement du mode ferroviaire, figure bien dans les conclusions du Grenelle de l'environnement et dans la loi dite « Grenelle I » que vous avez votée au mois de juillet dernier.

Vous l'avez rappelé, le Gouvernement a adopté lors du conseil des ministres du 16 septembre l'engagement national pour le fret ferroviaire, qui illustre l'ambition et la détermination de l'État pour donner au fret ferroviaire un nouveau souffle.

Cet engagement traduit dans les faits l'ambition du Grenelle de l'environnement de porter la part des transports alternatifs à la route de 14 % à 25 % à l'horizon 2022.

Cet effort considérable est indispensable dans le choix fait par notre pays d'une économie « décarbonée ». Il correspond à l'investissement global qui a été annoncé de 7 milliards d'euros d'ici à 2020.

De la même façon que, pour le transport de voyageurs, nous sommes passés, il y a quelques années, du Corail au TGV, nous devons aujourd'hui donner une grande ambition au transport de marchandises. C'est bien le sens du plan Fret ferroviaire de l'avenir.

Le Gouvernement a donc demandé à la SNCF de s'engager dans le développement du fret et d'investir dans les solutions innovantes de transport de marchandises, telles que les autoroutes ferroviaires et le transport combiné, le fret à grande vitesse, les opérations de logistique urbaine et les opérateurs ferroviaires de proximité.

La SNCF doit également, comme vous l'avez dit, consolider et renforcer sa part de marché sur les flux massifs industriels, où le mode ferroviaire a toute sa pertinence.

La mise à la disposition des opérateurs ferroviaires d'une infrastructure performante par Réseau ferré de France participe de cet objectif.

S'agissant du positionnement exact du site du Bourget, l'engagement national pour le fret ferroviaire ayant été présenté il y a quelques jours seulement, vous comprendrez qu'il soit encore un peu tôt pour que la SNCF puisse en préciser d'ores et déjà les contours exacts. L'entreprise finalise en effet son projet de schéma directeur industriel et managérial.

Ce schéma s'appuie sur une organisation de transport qui comporte des trains massifs réguliers et des trains composés de wagons multilots acheminés entre deux plateformes. Ces plateformes seront, bien sûr, principalement approvisionnées par le mode ferroviaire.

Les décisions concernant la localisation des plateformes ne sont pas encore arrêtées. Les considérations d'ordre économique et social seront bien évidemment prises en compte. Le réseau de plateformes sera naturellement défini en fonction des besoins exprimés par les chargeurs, clients actuels ou potentiels de fret SNCF.

J'ajoute enfin que le ministre souhaite organiser une vaste concertation sur cet engagement national et qu'un comité de suivi sera mis en place.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État. Toutefois, je ne vous étonnerai pas en vous disant que vous ne m'avez pas vraiment convaincue et que cette réponse ne devrait pas davantage rassurer le personnel et les syndicats du fret SNCF.

Bien évidemment, j'avais pris note de l'enveloppe de 7 milliards d'euros promise par le Gouvernement.

Je relève cependant d'abord que cet argent sera issu du fameux emprunt national annoncé par le Président de la République, dont les contours sont encore très flous.

Ensuite, les investissements doivent s'étaler jusqu'en 2020.

Enfin, le plan promis par le Gouvernement n'a pas vocation à combler les déficits accumulés par la SNCF, notamment dans le secteur du fret.

Dans ces conditions, je ne vois pas d'amélioration pour le fret en France, encore moins pour le personnel, d'autant que la SNCF, elle, n'a pas renoncé à la réforme des conditions de travail dans le fret, réforme qu'elle avait pourtant dû abandonner voilà un an après une grève des cheminots.

Concernant précisément le site du Bourget, et malgré les éléments que vous m'avez fournis, je continue à m'interroger, étant aussi conseillère municipale à Drancy : n'y aurait-il pas un lien entre la réorganisation de l'activité fret de la plateforme du Bourget et le projet du Grand Paris, cher à notre Président de la République, sans oublier, bien sûr, les ambitions affichées par les maires du Bourget et de Drancy, qui rêveraient de livrer des terrains libérés à la spéculation immobilière ?

En tout état de cause, je resterai très vigilante s'agissant de cette importante question : le fret ferroviaire doit rester un grand service public.

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