Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 21/01/2010

M. Yves Détraigne attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur la situation de la filière porcine française alors que 15 à 20 % des éleveurs dépassent actuellement le taux d'endettement de 100 %.

Déjà fragilisés par la crise économique et le doublement des coûts de production en 2008, les producteurs de porcs sont en outre confrontés à un effondrement des cours du porc. Ils sont contraints de vendre en dessous de leurs coûts de production, ce qui représente en moyenne une perte de 24 euros pour un porc de 80 kilos.

Pourtant, ils souhaitent vivre de leur métier et demandent une augmentation de 20 centimes du prix de vente au kilo, augmentation qui leur permettrait de couvrir leurs coûts de production. Cette augmentation pourrait, en outre, être « absorbée » par les circuits de transformation et de distribution sans que les prix de vente finaux ne soient pour autant revus à la hausse.

Alors même que le titre II du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche se propose de « renforcer la compétitivité de l'agriculture française » afin notamment de mettre en place pour les producteurs une couverture contre les aléas économique, il lui demande de quelle manière il entend mettre fin au désarroi des éleveurs de porcs français qui se sentent, depuis plus de deux ans, abandonnés par l'État.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la politique de la ville publiée le 17/02/2010

Réponse apportée en séance publique le 16/02/2010

M. Yves Détraigne. Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la situation catastrophique de la filière porcine française, alors que 15 % à 20 % des éleveurs ont un taux d'endettement qui dépasse les 100 %. Déjà fragilisés par la crise économique et le doublement des coûts de production en 2008, les producteurs de porcs se trouvent, en outre, confrontés à un effondrement des cours. Ils sont contraints de vendre en dessous de leurs coûts de production, ce qui représente en moyenne une perte de 10 euros par porc de 90 kilos. En clair, les éleveurs porcins travaillent à perte depuis de nombreux mois, et nous n'en parlons pratiquement pas ! Pourtant, ces professionnels, que j'ai rencontrés, souhaitent vivre de leur métier. Ils ne demandent pas une aide d'urgence ou une enveloppe exceptionnelle. Ils ont simplement besoin que soit acceptée une augmentation du prix de vente au kilo de 20 centimes, afin de couvrir leurs coûts de production. D'ailleurs, cette augmentation pourrait, il faut en être conscient, être absorbée par les circuits de transformation et de distribution sans que les prix de vente finaux soient pour autant revus à la hausse ! Madame la secrétaire d'État, alors même que, à travers le titre II du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, le Gouvernement se propose de « renforcer la compétitivité de l'agriculture française », afin, notamment, de mettre en place pour les producteurs une couverture contre les aléas économiques, de quelle manière entendez-vous mettre fin au désarroi des éleveurs de porcs français, qui se sentent, depuis plus de deux ans, abandonnés par l'État ? M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État. Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser le ministre de l'agriculture, qui n'a pu être présent pour vous répondre. La crise des coûts de production à la fin de l'année 2007 et en 2008, combinée à des cours bas, a conduit le secteur porcin à une situation d'endettement significatif, aggravée en 2009 par la crise économique et financière. Les pertes de trésorerie se sont accumulées depuis plus de deux ans, fragilisant une grande partie des élevages. Face à la dégradation rapide des trésoreries des élevages, un plan de soutien à la filière a été mis en place dès 2008, à hauteur de 16 millions d'euros. Ces mesures ont été complétées par un nouveau dispositif d'aide, décidé le 6 avril 2009 et doté d'une enveloppe de 6 millions d'euros. Depuis le 9 novembre 2009, les éleveurs de porcs peuvent également bénéficier du plan exceptionnel de soutien à l'agriculture française, annoncé par le Président de la République, le 27 octobre dernier, à Poligny. Ce plan prévoit des prêts bancaires à hauteur d'un milliard d'euros et un soutien de l'État de 650 millions d'euros. Quelque 60 millions d'euros sont mobilisés pour alléger les charges financières des agriculteurs, avec la prise en charge d'une partie des intérêts des prêts de reconstitution de fonds de roulement ou de consolidation. Grâce à ce soutien, le taux d'intérêt réel des prêts de trésorerie et de consolidation se trouve réduit à 1,5 % sur cinq ans, et même à 1 % pour les jeunes agriculteurs. Environ 200 millions d'euros permettent de prendre en charge une partie des intérêts de l'annuité 2010 et d'accompagner les agriculteurs les plus en difficulté. Par ailleurs, 50 millions d'euros sont destinés à prendre en charge des cotisations versées à la mutualité sociale agricole. Enfin, les dispositions relatives aux prêts de crise décidées en avril dernier n'ayant pas été mises en œuvre pour des raisons techniques, il a été prévu, dans le cadre du plan de soutien exceptionnel, un mécanisme spécifique aux éleveurs de porcs, qui permet la prise en charge des intérêts des annuités de l'année 2009. Ces mesures s'inscrivent dans le cadre des aides d'État consenties au secteur agricole dans le contexte de la crise économique mondiale. Ainsi, pour la période 2008-2010, le montant maximal des aides auxquelles les agriculteurs peuvent prétendre a été doublé ; il s'élève désormais à 15 000 euros. Ce relèvement a été obtenu à la suite d'une demande de la France. Les éleveurs peuvent également bénéficier d'autres mesures : 50 millions d'euros sont consacrés à la prise en charge de la taxe sur le foncier non bâti, au cas par cas, et 170 millions d'euros au remboursement de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers et de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel. Les exploitations porcines peuvent également bénéficier du dispositif national d'exonération de charges patronales applicable aux travailleurs occasionnels et aux demandeurs d'emploi, qui a été étendu à l'ensemble des secteurs agricoles, ce qui représente un effort supplémentaire substantiel de 170 millions d'euros pris sur le budget de l'Etat. De plus, les dispositifs de complément d'assurance-crédit export, « CAP » et « CAP+ export », mis en place par le Gouvernement pour soutenir les entreprises exportatrices confrontées au retrait des assureurs, ont été déployés depuis le 5 octobre 2009. Enfin, à de nombreuses reprises, le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche a demandé à la Commission européenne de réactiver les restitutions à l'exportation afin de dégager du marché communautaire la viande porcine excédentaire. Depuis le début de l'année 2009, la Commission refuse la mise en œuvre de telles mesures de gestion du marché, du fait de la diminution régulière du prix de l'aliment et du transport, ainsi que de la baisse de la production communautaire porcine, qui devraient permettre, à terme, de réajuster l'offre à la demande. Néanmoins, le Gouvernement poursuit ses efforts pour obtenir une décision favorable de la Commission. M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne. M. Yves Détraigne. Madame la secrétaire d'État, je remarque que le tableau que vous venez de dresser de la situation de la filière porcine est encore plus catastrophique que le mien ! Vous avez énuméré de nombreuses mesures prises par le Gouvernement depuis deux ans. Or il s'agit de dispositions conjoncturelles qui ne règlent pas le problème au fond. J'ai bien noté que M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche souhaitait que Bruxelles modifie les règles du jeu. C'est la seule solution, il faut en être conscient. Nous ne pouvons attendre un éventuel retournement du marché pour régler ce problème : d'ici là, la filière porcine sera morte !

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