Question de M. BAILLY Gérard (Jura - UMP) publiée le 16/09/2010

M. Gérard Bailly appelle l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des transports sur le nombre croissant de poids lourds en transit sur les routes départementales, voire même secondaires, afin d'éviter l'utilisation des structures autoroutières, ce qui devient une gêne de plus en plus grande pour les habitants des villes et villages traversés, lorsqu'il n'existe pas de déviation ; cela est particulièrement le cas dans son département, le Jura.

Notre réseau autoroutier est pourtant extrêmement performant et parfaitement adapté à la circulation des poids lourds. L'argument régulièrement évoqué par les chauffeurs routiers ou les chefs d'entreprise de transport est le prix des péages. En conséquence, l'on constate une stagnation et parfois même une diminution du nombre de poids lourds sur les autoroutes, ce qui, d'une part, fait perdre aux sociétés gestionnaires des recettes et, d'autre part, est une source réelle de détérioration pour les routes départementales et de grandes nuisances pour les habitants des communes traversées. L'alternative offerte par le fret ferroviaire ou fluvial n'est pas possible partout et, malheureusement, très peu utilisée.

En ce qui concerne la sécurité, il est évident que le réseau autoroutier est plus sûr que les réseaux routiers, ce qui n'est pas négligeable quand on songe aux souffrances humaines et au coût financier des accidents de la route.
De plus, les réseaux départementaux sont souvent peu adaptés (en termes de solidité des matériaux de couverture et en largeur de route) au trafic d'importants poids lourds. La future taxe poids lourds pourrait avoir un effet dissuasif mais sa mise en place et sa perception n'iront pas sans difficultés et pénaliseront les entreprises de production des secteurs ruraux.

Il convient de remédier à cette situation : ce pourrait être d'interdire aux camions de transit d'utiliser des réseaux autres qu'autoroutiers. Si cette mesure n'est pas possible, ne serait-il pas envisageable, au niveau national, de conduire une vraie réflexion entre tous les acteurs afin d'aboutir à des accords kilomètres parcourus/prix qui pourraient faire diminuer le coût de l'utilisation des autoroutes pour les poids lourds et qui permettraient aux sociétés d'autoroute, du fait d'une augmentation significative du trafic, de ne pas voir leurs recettes baisser ?

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Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement publiée le 17/11/2010

Réponse apportée en séance publique le 16/11/2010

M. Gérard Bailly. Madame la ministre, à mon tour, je tiens à vous féliciter pour votre promotion au sein du Gouvernement.

Je souhaite appeler votre attention sur le nombre croissant de poids lourds qui empruntent des routes départementales, y compris des routes qui appartiennent au réseau secondaire, en vue d'éviter l'utilisation des infrastructures autoroutières. Afin d'illustrer mon propos, j'évoquerai le cas de mon département, où les poids lourds en transit « économisent » ainsi plus de cinquante kilomètres pour rejoindre le tunnel du Mont-Blanc, ce qui est de plus en plus gênant pour les habitants des villes et villages traversés lorsqu'il n'existe pas de déviation. C'est un problème qui tend à devenir crucial.

Notre réseau autoroutier est extrêmement performant et parfaitement adapté à la circulation des poids lourds, mais les chauffeurs routiers ou les chefs d'entreprise de transport invoquent régulièrement l'argument du prix des péages. Il en résulte une stagnation et parfois même une diminution du nombre de poids lourds sur les autoroutes, ce qui a au moins trois conséquences fâcheuses : pertes de recettes pour les sociétés gestionnaires ; détérioration accélérée des routes départementales ; graves nuisances pour les habitants des communes traversées.

Le recours au fret ferroviaire ou fluvial n'est pas possible partout et, là où il l'est, il est malheureusement trop souvent délaissé.

Il faut ajouter que, au regard de la sécurité, le réseau autoroutier offre à l'évidence de meilleures conditions que les réseaux routiers départementaux. Ce n'est pas négligeable si l'on songe aux souffrances humaines et au coût financier induits par les accidents de la route.

En tout état de cause, les réseaux départementaux ne sont généralement guère adaptés au trafic de poids lourds, notamment du fait de l'insuffisante solidité des matériaux de couverture et de la largeur réduite des voies.

La future taxe poids lourds pourrait avoir un effet dissuasif, mais sa mise en œuvre et sa perception n'iront pas sans soulever des difficultés. De plus, elle pénalisera les entreprises de production des secteurs ruraux.

La solution pourrait passer par une interdiction faite aux camions en transit d'utiliser des réseaux autres qu'autoroutiers, mais je suis conscient des problèmes que poserait la mise en œuvre d'une telle mesure.

Ne serait-il pas envisageable de conduire une vraie réflexion au niveau national, associant tous les acteurs, afin d'aboutir à des accords ou des contrats « kilomètres parcourus-prix » qui auraient le double avantage de réduire les coûts d'utilisation des autoroutes pour les transporteurs routiers et de garantir les recettes des sociétés autoroutières grâce à l'augmentation du trafic qui devrait en résulter ?

Je voudrais, madame la ministre, connaître votre avis sur ce sujet très sensible, qui a déjà provoqué – et provoquera malheureusement encore – de nombreuses manifestations de mécontentement contre les camions de la part de nos maires ruraux et des populations concernées.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, comme je vous comprends ! Ma circonscription d'élection a le douteux privilège d'être traversée par l'autoroute A10, l'autoroute A6, la Francilienne et une route nationale qui souffrent des maux que vous décrivez.

Il est vrai que le prix des péages peut, dans certains cas, inciter les transporteurs à choisir de ne pas utiliser les autoroutes et à préférer emprunter les axes locaux, avec tous les inconvénients, en termes de sécurité, d'environnement et d'encombrement, qui en découlent et que nous connaissons.

Une régulation par les interdictions d'usage, vous le savez, nécessiterait des contrôles très complexes et très coûteux, destinés simplement à s'assurer que les poids lourds utilisant le réseau local n'ont pas de raison de le faire, sachant qu'ils peuvent aussi se trouver sur ce réseau parce que leur mission les y amène.

L'approche économique que vous mentionnez parallèlement me paraît plus intéressante. En effet, le choix d'un itinéraire non autoroutier se fonde souvent sur des critères financiers, d'autres paramètres logistiques tels que le temps de transport, le confort, voire la sécurité de la conduite, étant éventuellement jugés moins prioritaires.

Il ne me paraîtrait guère raisonnable d'envisager aujourd'hui un retour à la tarification routière obligatoire, mais d'autres pistes sont à l'étude, voire déjà expérimentées.

Ainsi, la mise en place de l'éco-redevance « poids lourds » concernera plusieurs axes locaux, en concurrence avec le réseau concédé. Dans votre département, par exemple, les routes départementales D1083 et D673 seront soumises à la nouvelle redevance.

Cette mesure aura deux types d'avantages.

D'une part, elle mettra en œuvre le principe « utilisateur-payeur », qui m'est cher : le coût d'usage du réseau, aujourd'hui assumé par le contribuable, sera à la charge des usagers. Cela devrait assez naturellement modifier les choix d'itinéraires des professionnels du transport routier.

D'autre part, il sera possible d'identifier, dans le prix de transport, par le mécanisme dit de « répercussion », le coût de l'éco-redevance. Il me semble que cela rejoint en partie votre proposition, monsieur Bailly. En effet, l'éco-redevance se fonde notamment sur la distance parcourue par les véhicules lourds. Un mécanisme similaire appliqué aux péages autoroutiers actuels n'a pas été retenu formellement, mais il existe bien dans la réalité, les transporteurs répercutant le coût des péages sur les prestations de transport facturées.

Nous allons donc vers une solution du type de celle que vous évoquez.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Madame la ministre, je constate que vous connaissez bien ce sujet et que vous y êtes sensible, ce dont je vous remercie.

Je me permettrai de faire deux observations.

Premièrement, les départements, du fait de leur situation financière, ne peuvent plus guère envisager de faire aujourd'hui ce qu'ils ont souvent fait par le passé, c'est-à-dire de construire eux-mêmes des déviations pour épargner aux bourgs et aux villages d'être traversés par des véhicules en transit, notamment des poids lourds.

Deuxièmement, vous avez évoqué les deux axes qui, dans mon département, longent l'autoroute et pourront voir leur utilisation soumise à redevance. Mais il en est un troisième, qui passe aux abords d'Oyonnax et longe le Haut-Jura : il s'agit de celui de l'ancienne RN78. Si les chauffeurs veulent éviter de faire cinquante kilomètres pour passer par Bourg-en-Bresse, ils sont tentés de sortir de l'autoroute. Bien sûr, nombreux sont ceux qui s'arrêtent pour prendre un repas, et cela est bénéfique pour l'économie locale. Toutefois, en empruntant les routes départementales et en traversant le massif, les camions posent de réels problèmes. Il n'y a pas, alors, pour les chauffeurs, de possibilité de reprendre l'autoroute : cela les amène à traverser un certain nombre de villages, dont, pratiquement chaque mois, les habitants manifestent leur mécontentement.

Le problème ne sera pas facile à résoudre, mais la concertation que vous envisagez devrait permettre d'aller dans le bon sens.

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