Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Oise - SOC-EELVr) publiée le 16/12/2011

Question posée en séance publique le 15/12/2011

Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre de l'écologie, dès l'ouverture du sommet de Durban, les chances étaient bien minces de le voir déboucher sur une maîtrise du réchauffement climatique en deçà de deux degrés. Mais, à l'issue de ce sommet, les perspectives sont franchement alarmantes.

Les expertises des climatologues comme celles de l'Agence internationale de l'énergie pronostiquent que, si rien ne change, l'augmentation des émissions de CO2 se traduira par un accroissement des températures de plus de 3,5 degrés, ce qui aura, pour les pays africains, les pays insulaires et les peuples les plus pauvres, des conséquences fatales. Et même les pays les plus riches n'échapperont pas aux inondations, à la sécheresse, aux épisodes climatiques extrêmes.

À Durban, les pays les plus pollueurs se sont mis d'accord pour reporter à 2020 l'éventuelle mise en œuvre d'un nouvel instrument légal. Le « Fonds vert » n'est qu'une coquille vide et le protocole de Kyoto est en passe de devenir un symbole pour les seuls pays qui s'y accrochent encore.

Il reste que ce qui s'est passé à Durban n'est pas seulement l'échec d'une négociation internationale : c'est celui d'un modèle de développement productiviste, carboné et soumis au dogme du libre-échange.

Les émissions de CO2, ce sont bien sûr nos émissions domestiques, nos modes de vie, mais c'est aussi l'accroissement des distances entre les lieux de production et les lieux de consommation, autrement dit les délocalisations (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Claude Dilain applaudissent.), ainsi que la mutation des agricultures conduite sous la houlette des grands groupes agroalimentaires.

L'enlisement diplomatique n'est pas un accident : il est voulu par les grandes économies, qui cherchent à gagner du temps pour se préparer à dominer la compétition économique de demain. Ceux-là mêmes qui ont provoqué la crise financière spéculent aujourd'hui sur le futur de la planète !

Dans un tel contexte, il est indispensable de mobiliser nos concitoyens et de leur dire la vérité – pas celle du Président de la République, pour qui, depuis 2010, toutes ces histoires d'environnement « commencent à bien faire » ! – mais celle de l'indignation devant l'injustice et l'imprévoyance.

Je sais que les préoccupations de nos concitoyens sont largement plus tournées vers la crise et vers ce fameux triple A au prétexte duquel vous leur avez fait faire tant de sacrifices. Je pense surtout aux plus démunis d'entre eux, à qui l'on dit aujourd'hui que ces sacrifices n'ont probablement servi à rien, mais que, tout compte fait, ce n'est pas si grave…

Madame la ministre, vous rentrez de Durban. Nous y étions ensemble. Pensez-vous que la bonne méthode soit vraiment d'habiller un échec en succès pour essayer de faire croire à nos concitoyens qu'ils peuvent encore garder un peu d'espoir et limiter leur désespoir ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement publiée le 16/12/2011

Réponse apportée en séance publique le 15/12/2011

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Madame la sénatrice, je comprends votre point de vue : si j'étais, comme vous, partie avant la fin de la négociation, j'aurais probablement le même ! (Exclamations et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Jean-Louis Carrère. Quelle élégance !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. C'est la réalité !

Au moment où vous avez quitté les lieux, nous étions effectivement sur la voie d'un échec. Alors que la conférence était finie, nous n'avions pas encore trouvé d'accord. Ce n'est qu'au terme d'une prolongation de trente-six heures, dans une tension extrême, qu'un accord a pu être trouvé.

Certes, nous n'avons pas sauvé la planète. Il en faudra bien plus pour limiter à moins de deux degrés l'augmentation de la température moyenne, mais l'accord reconnaît, et c'est la première fois, l'écart existant entre les actions menées et celles qui seraient nécessaires pour lutter contre le changement climatique. Pour la première fois, je l'ai déjà dit, de grands émetteurs et de grands pays émergents sont associés à un accord.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le Canada se retire !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. L'Union européenne représente 11 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Si l'on y ajoute les pays qui sont aujourd'hui prêts à s'engager avec elle dans la poursuite du protocole de Kyoto, ce taux atteint 16 %, soit une part très minoritaire des émissions. En outre, cette part va en se réduisant compte tenu de la dynamique de croissance des pays émergents.

Bien sûr, il était important de prolonger le protocole de Kyoto, mais cela n'aurait pas suffi à sauver la planète. Cela n'aurait pas non plus suffi pour créer une dynamique qui nous permette d'avoir de l'espérance.

Oui, je le prétends, la négociation de l'accord de Durban dans ces conditions est un succès. Nous allons mieux après qu'avant, même si nous n'avons pas encore soigné tout le mal.

Par ailleurs, des financements innovants viendront abonder le Fonds vert pour le climat.

M. Jean-Louis Carrère. Ils ne sont pas innovants, ils sont inexistants !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Cette initiative prise par le Président de la République lors du G20 présidé par la France est aujourd'hui reprise et figure dans l'accord.

Puisque vous avez évoqué l'agriculture, madame la sénatrice, vous auriez pu faire remarquer que la France était le facilitateur du groupe sur l'agriculture et que, pour la première fois, là encore, un accord sur la lutte contre le changement climatique prévoit un dialogue sur l'agriculture.

Je vous invite, madame la sénatrice, à sortir de l'idéologie. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV. - Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Ça, ce sera dur !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Vous avez, vous, pu voir ce qu'il en était sur place. Certains ont formulé des critiques depuis Paris. C'est parce qu'ils n'ont pas eu la chance de vivre la complexité, l'ambiance et, finalement, les succès de cette négociation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. Alain Gournac. Bravo !

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