Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UCR) publiée le 05/07/2012

M. Yves Détraigne attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur le fonctionnement de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface).

Interpellé par une organisation non gouvernementale (ONG) œuvrant en faveur des droits de l'homme, il s'inquiète des conséquences socio-environnementales de certains projets garantis par la Coface.

Ainsi, dans le cas de la réalisation de l'oléoduc Tchad-Cameroun, il semblerait qu'elle ait entraîné, outre des expulsions forcées de populations locales, une pollution de la zone en raison du versement illicite de déchets toxiques issus du chantier par les entrepreneurs.

Il paraît pourtant essentiel que les opérations d'exportations garanties par l'État via la Coface respectent les droits humains et s'alignent au minimum sur les nouvelles normes internationales élaborées par les Nations unies.

Il lui demande donc de bien vouloir, d'une part, lui préciser de quelle manière la Coface fonctionne exactement et choisit les projets qu'elle soutient et, d'autre part, lui indiquer quel contrôle l'État exerce sur les opérations aidées.

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Transmise au Ministère du commerce extérieur


Réponse du Ministère du commerce extérieur publiée le 17/01/2013

L'instruction par la Coface des demandes d'assurance-crédit est réalisée selon les procédures communes à l'ensemble des agences d'assurance-crédit à l'exportation des pays de l'OCDE qui s'appuient sur la Recommandation sur des approches communes concernant l'environnement et les crédits à l'exportation bénéficiant d'un soutien public. La Recommandation a fait l'objet en 2012 d'une révision au sein du groupe crédit-export de l'OCDE. À cette occasion, la société civile et les ONG avaient été invitées pour la première fois à discuter du projet de texte en cours de négociation avec le groupe crédit-export de l'OCDE en avril 2011. Les principales dispositions des approches communes portent sur la classification environnementale des projets, leur évaluation au regard des normes locales, internationales, et des lignes directrices des banques multilatérales de développement, ainsi que sur leur conditions de suivi. Dans sa dernière version, l'article 10 de la Recommandation de l'OCDE, qui a été adopté à l'unanimité, dispose que « les impacts sociaux potentiels peuvent porter, sans s'y limiter, sur la main-d'œuvre et les conditions de travail, sur la santé, la sécurité et la sûreté des communautés, sur l'acquisition de terrains et la réinstallation involontaire, sur les populations autochtones, sur le patrimoine culturel, et peuvent également inclure les impacts des projets sur les droits de l'homme, notamment concernant le travail forcé, le travail des enfants, et les situations sanitaires et de sécurité professionnelle qui mettent la vie en danger ». Il convient de noter l'engagement de la délégation française au sein du groupe crédit-export de l'OCDE pour obtenir qu'une référence explicite aux principes directeurs de l'organisation internationale du travail (OIT) soit introduite (Standards internationaux sur le travail établis par l'OIT en 1998 intitulés « Déclaration sur les principes fondamentaux et droits au travail »). La France a également plaidé constamment pour une référence aux huit conventions fondamentales de l'OIT[1] qui enrichirait les normes sociales et environnementales applicables aux crédits-exports. Dans ce cadre, et conformément à la Recommandation de l'OCDE sur l'environnement et les crédits à l'exportation bénéficiant d'un soutien public, la Coface évalue systématiquement les impacts sur l'environnement et les populations locales des projets qu'elle est susceptible de prendre en garantie lorsqu'ils sont situés dans des zones sensibles sur le plan environnemental ou que leur montant est supérieur à 10 M€. Pour les projets de catégorie A (projets qui risquent d'avoir sur l'environnement des effets négatifs significatifs, voir ci-dessous), la Coface exige la transmission d'une étude d'impact environnemental et social démontrant le respect des standards internationaux et notamment ceux du groupe Banque Mondiale[2]. Figure parmi ces standards l'impératif d'éviter le déplacement forcé de populations et de réduire autant que possible les impacts négatifs de ces déplacements par des mesures d'atténuation soigneusement préparées et mises en œuvre. Après avoir classé les projets, la Coface rend publiques des informations environnementales avant et après la prise en garantie : - Transparence ex-ante : elle prend la forme d'une communication d'informations environnementales avant la décision de prise en garantie. La Recommandation de l'OCDE prévoit que, pour les projets de catégorie A, des informations environnementales (en particulier l'étude d'impact) doivent être rendues publiques pendant au moins 30 jours avant que l'engagement définitif d'accorder un soutien public au projet soit pris, sauf cas exceptionnel justifié par le contexte concurrentiel et / ou des contraintes liées à la confidentialité commerciale. - Transparence ex-post et notification à l'OCDE : la transparence ex-post est assurée par la mise à la disposition du public, sur le site internet de la Coface, d'informations sur tous les projets pris en garantie. Par ailleurs, les services du ministère de l'économie et des finances sont tenus de notifier à l'OCDE, deux fois par an, les projets garantis ou assurés appartenant aux catégories A et B. Les projets de catégorie A et B garantis par la Coface font donc l'objet d'une publication d'informations, tant au niveau national que sous une forme agrégée au niveau de l'OCDE. Classement des projets d'investissement à l'étranger en fonction de leur impact environnemental : - Catégorie A : projet dont l'impact potentiel est important. Pour les projets relevant de cette catégorie, il est obligatoire de faire réaliser une étude d'impact environnemental et social par un consultant indépendant. Cette étude est ensuite revue, analysée et rendue publique pendant 30 jours avant que l'engagement définitif d'accorder un soutien public au projet concerné ne soit pris. Si le projet le nécessite, des conditions environnementales peuvent être fixées pour la prise en garantie, incluant la mise en place d'un plan d'action et d'un dispositif de contrôle et de suivi. - Catégorie B : projet dont l'impact est plus faible. Pour les projets relevant de cette catégorie, l'assureur-crédit peut demander aux porteurs du projet des informations complémentaires et mettre en place des mesures d'atténuation si nécessaire. - Catégorie C : projets dont l'impact est minime. Aucune analyse environnementale n'est réalisée par l'assureur-crédit concernant ces projets. S'agissant de l'oléoduc Tchad-Cameroun (construction d'un oléoduc de 1 050 km entre le gisement de Doba - Tchad - et le terminal offshore de Kribi - Cameroun - pour un montant total de 2 MdsUSD) le projet a été pris en garantie en juillet 2000 par la Coface. La garantie de la Coface porte sur le financement des contrats français de plusieurs exportateurs (Europipe, Spie, Coris, Bouygues, Alstom). Les autres financements provenaient d'une garantie de l'US Eximbank (pour 200 MUSD) et de financements multilatéraux (prêts de la Société financière internationale de 200 MUSD), mais le projet a été majoritairement financé sur fonds propres, à hauteur de 1,4 MdUSD, par ses actionnaires, Petronas (35 %), Exxon (40 %) et Chevron (25 %). L'achèvement du projet a été prononcé fin 2004, et la dernière échéance de remboursement doit être honorée en juin 2013. Le projet d'oléoduc Tchad-Cameroun n'a pas généré de coût pour l'économie française. Sur le plan environnemental, le projet a été pris en garantie par la Coface en juin 2001, première année d'application par les pays membres de l'OCDE de la Recommandation sur des approches communes concernant l'environnement et les crédits à l'exportation bénéficiant d'un soutien public. Toutefois au moment de l'instruction environnementale du projet d'oléoduc Tchad-Cameroun, la Recommandation OCDE n'était pas encore applicable. Néanmoins au cours de son instruction environnementale, la France a unilatéralement anticipé l'application des futures normes multilatérales. Avant la construction de l'oléoduc, de longues phases d'études et de consultations publiques ont été menées afin de déterminer le tracé optimal du pipeline et de limiter au maximum les impacts directs et indirects du projet sur l'environnement et les populations locales. Suite à ces études, des mesures de réinstallation et de compensation ont été mises en œuvre lors des phases de développement et de construction du projet. La conformité du projet aux obligations de compensation a d'ailleurs été documentée dans des rapports qui ont été analysés par le groupe Banque mondiale. En parallèle à la réalisation du projet de construction de l'oléoduc Tchad-Cameroun, le gouvernement du Cameroun étudie depuis 2005 la construction, dans la même région, d'un barrage hydroélectrique baptisé Lom Pangar, qui inonderait partiellement l'oléoduc. Ce projet, soutenu par la Banque Mondiale, implique des déplacements de population. Il a donc fait l'objet d'études diverses, relatives notamment à la réinstallation des populations affectées. La Coface n'a pas été sollicitée pour garantir ce projet. Rapport sur les activités des agences de crédit à l'exportation : Aux termes de l'article 4 du décret n° 49-077 du 4 août 1949 relatif à la composition et au fonctionnement de la commission des garanties et du crédit au commerce extérieur, le président de la commission des garanties transmet le rapport annuel sur les opérations effectuées par la Coface avec la garantie de l'État exclusivement aux commissions des finances du Parlement. Conformément à ces dispositions, le rapport 2011 sera transmis prochainement aux commissions des finances des deux assemblées. En revanche, il n'est pas possible d'accéder favorablement à la demande de publicité de ce rapport compte tenu du caractère sensible de certaines données. Toutefois, au-delà de la procédure spécifique d'information du Parlement, la Coface élabore chaque année un rapport sur l'activité qu'elle mène pour le compte de l'État. Ce dernier rapport est public et donc très largement consultable. L'annexe 1 du règlement de l'Union européenne (UE) du 16 novembre 2011 transposant en droit communautaire l'arrangement OCDE encadrant les crédits-exports a introduit l'obligation pour les États-membres de transmettre à la Commission un rapport annuel précisant les activités de leur(s) agence(s) de crédit à l'exportation, dans le but d'accroître la transparence au niveau de l'UE et de préciser les modalités de prise en compte par ces agences des risques environnementaux et sociaux. La France a récemment transmis à la Commission européenne le rapport portant sur les activités de la Coface pour l'année 2011. Il n'existe pas de disposition législative ou réglementaire spécifique prévoyant la publication de ce rapport ou l'organisation d'un débat sur son contenu au sein du Parlement. Par ailleurs, le rapport consolidé au niveau de l'UE ne peut être diffusé sans l'accord des 22 États-membres qui contribuent à son élaboration. La ministre du commerce extérieur a reçu le 23 octobre dernier les ONG françaises concernées par les questions de commerce international. Le Forum Citoyen pour la Responsabilité Sociale et Environnementale, Transparency International France, Sherpa, Amnesty International France, les Amis de la Terre, CCFD-Terre Solidaire, l'AITEC ont participé à cette rencontre. Cette réunion - la première organisée à l'initiative d'un ministre du commerce extérieur - a été l'occasion d'un tour de table allant de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises aux accords de libre-échange en cours de négociation ou en projet. À l'issue de cette rencontre, la ministre du commerce extérieur a pris quatre engagements auprès des ONG : 1. Organiser une réunion de concertation au moins deux fois par an ; 2. Entretenir, via son cabinet, des relations permanentes avec elles et apporter des informations précises à chacune de leurs demandes ; 3. Leur donner accès à l'ensemble des documents qui peuvent l'être, notamment sur les accords de libre échange et les accords de partenariat économique. D'ores et déjà la ministre a annoncé qu'elle transmettrait aux ONG le rapport 2011 sur les activités de la Coface gérées pour le compte de l'État que la France a adressé à la Commission européenne ; 4. Prendre en compte leurs propositions d'action et de réforme et en déduire des actions concrètes. [1] La convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 ; la convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 ; la convention (n° 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 ; la convention (n° 100) sur l'égalité de rémunération, 1951 ; la convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 ; la convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 ; la convention (n° 138) sur l'âge minimum, 1973 ; la convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999. [2] Critères de performance en matière de durabilité sociale et environnementale de la Société financière internationale : Évaluation sociale et environnementale et systèmes de gestion ; Main-d'œuvre et conditions de travail ; Prévention et réduction de la pollution ; Hygiène, sécurité et sûreté communautaire ; Acquisition des terres et déplacement forcé ; Conservation de la biodiversité et gestion durable des ressources naturelles ; Populations autochtones ; Héritage culturel.

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