Question de M. PATIENT Georges (Guyane - SOC-A) publiée le 12/07/2012

M. Georges Patient attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les nombreuses difficultés que rencontre depuis un certain nombre d'années le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Guyane. Ces difficultés sont d'ordre financier, le SDIS est quasi en faillite, et d'ordre technique, un réel rattrapage serait nécessaire pour qu'il assure efficacement ses missions de service public.

Il est urgent, et c'est une de ses principales demandes, que le SDIS dispose d'un hélicoptère pour assurer le secours aérien comme c'est le cas dans la majorité des départements hexagonaux. Il faut souligner que le SDIS de Guyane est le seul de France à ne pas bénéficier de possibilités de secours aérien malgré l'étendue du territoire desservi. L'absence de déploiement de secours sur le site d'orpaillage de Dorlin où il y avait eu le 21 janvier 2012 une fusillade qui avait causé la mort de neuf personnes avait suscité à juste titre de vives protestations. À ce jour, un cadavre se trouve toujours dans une fosse de quelques dizaines de mètres à Dorlin. Enfin, l'amélioration des conditions de vie des agents en agence, particulièrement dégradées ces dernières années, est un autre sujet sur lequel l'accent a été mis.

Le SDIS a alerté à plusieurs reprises les services de l'État sur la gravité de sa situation financière. Une rencontre a eu lieu l'année dernière au ministère de l'intérieur avec le président du conseil d'administration et le directeur du SDIS, accompagnés des sénateurs de la Guyane. Le ministère de l'intérieur s'était engagé à envoyer une mission d'audit en vue de réaliser un bilan général sur la possibilité de mettre en place un dispositif de radiocommunication. Or, à ce jour, le SDIS n'a obtenu aucune réponse. Aujourd'hui, la situation demeure inchangée et les alertes du SDIS sont restées vaines.

Aussi, il aimerait vivement avoir des réponses claires du ministère de l'intérieur sur les différentes demandes du SDIS de Guyane.

- page 1509


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 25/07/2012

Réponse apportée en séance publique le 24/07/2012

M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à plusieurs reprises, les autorités locales unanimes ont alerté les responsables de la sécurité civile sur la situation très préoccupante du service départemental d'incendie et de secours, le SDIS, de Guyane et sur la nécessité de le mettre rapidement au même niveau opérationnel que tous les autres SDIS français.

À ce jour, aucune réaction : la fracture s'intensifie et même les drames successifs dans les sites d'orpaillage - pour ne citer que les cas les plus retentissants - ne semblent pas convaincre ces responsables de l'urgente nécessité d'une décision de leur part. Les Guyanais seraient-ils des citoyens de seconde zone, n'ayant pas droit à l'égalité en matière de secours et, plus généralement, en matière de sécurité, monsieur le ministre de l'intérieur ?

Sinon, comment expliquer que, dans ce département, fleuron de l'activité spatiale - qui est également une source de risques majeurs -, grand comme un cinquième de la France, autrement dit de la taille du Portugal, le SDIS ne dispose d'aucuns moyens aériens pour assurer les secours d'urgence ? C'est d'autant plus inconcevable que plus de 10 % de la population vit dans des zones enclavées et ne bénéficie pas des premiers secours, faute de centre d'incendie et de secours.

Qu'en est-il de l'engagement de l'ancien Président de la République de mettre à la disposition des sapeurs-pompiers de Guyane un vecteur aérien, engagement pris lors de son voyage en Guyane de janvier 2012, durant lequel une fusillade entre deux bandes rivales de garimpeiros a fait neuf morts, dont l'un est toujours au fond d'un puits parce qu'on n'a tout simplement pas pu l'en extraire ?

Monsieur le ministre, comment rester indifférent face aux demandes pressantes de ce SDIS pour avoir un dispositif radio qui soit en mesure de couvrir la totalité de la Guyane quand on sait que le réseau radio dont il dispose actuellement ne couvre que partiellement la zone littorale et nullement la zone intérieure, qui représente pourtant 90 % du territoire ?

Comment demander à ce SDIS d'être totalement opérationnel quand on connaît l'insuffisance de ses finances, la dégradation des conditions de formation et de vie en caserne de ses agents ?

Monsieur le ministre, cette situation quasi apocalyptique n'est pas digne d'un centre de secours de la République. Je sais que votre gouvernement, tout récemment installé, a hérité d'un lourd passif dans beaucoup de domaines, dont celui-ci ; mais il s'agit là de sécurité et ce dossier doit être traité dans l'immédiat.

Monsieur le ministre, j'aimerais vivement connaître les mesures qui vont être prises pour améliorer la situation du SDIS de Guyane et l'aider à rattraper son retard. (M. Jean Desessard applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur Patient, vous avez évoqué les neufs morts qu'a faits, le 21 janvier dernier, la fusillade de Dorlin. Je voudrais, pour ma part, avoir une pensée pour les deux militaires tués à Dorlin à la fin du mois de juin, ainsi que pour les gendarmes blessés le même jour, à qui j'ai récemment rendu visite à l'hôpital Percy.

Je tiens d'ailleurs à saluer le courage et le dévouement dont font preuve les agents de l'opération Harpie et les membres des forces de l'ordre engagés en Guyane pour récupérer du terrain. Vous savez mieux que quiconque, monsieur le sénateur, que les militaires, les gendarmes et les policiers font un travail difficile pour que la loi de la République s'impose dans ce département comme partout ailleurs sur le territoire français.

Concernant le SDIS de Guyane, sachez que j'ai parfaitement conscience des difficultés qu'il rencontre. Toutefois, je veux aussi souligner les efforts que l'État a d'ores et déjà engagés.

Il est vrai que ce service connaît d'importants problèmes financiers, qui résultent notamment du difficile recouvrement des contributions dues par les communes guyanaises. Les procédures de mandatement engagées par l'État et le SDIS ont été peu efficaces : les communes concernées sont très endettées et ne peuvent tout simplement pas payer.

Nous avons donc, avec le plan de restructuration financière des communes de Guyane conduit sous l'impulsion du préfet et du ministère des outre-mer, cherché à améliorer la situation de ces communes, notamment vis-à-vis du SDIS. En contrepartie d'une meilleure gestion, les communes concernées ont bénéficié de prêts de l'Agence française de développement. Ces plans, dont l'initiative revient à l'État, ont permis de réduire l'endettement des communes et d'améliorer progressivement les finances du SDIS.

L'État a également aidé directement ce service, par une subvention du fonds d'aide à l'investissement des SDIS, qui s'élève à un peu plus de 1,5 million d'euros sur les quatre derniers exercices.

En ce qui concerne l'affectation d'un hélicoptère de la sécurité civile au SDIS de Guyane, je tiens à rétablir les faits. La Guyane n'est pas dépourvue d'appareils de secours ; elle en compte même une proportion élevée rapportée au nombre de ses habitants puisque onze hélicoptères sont consacrés de façon permanente à ces missions. De plus, le SDIS dispose de crédits pris sur la ligne budgétaire de la direction de la sécurité civile pour répondre à des besoins ponctuels, mais je n'ignore pas les difficultés que pose leur mise en œuvre. J

Quoi qu'il en soit, monsieur le sénateur, je vous invite à prendre, si vous le souhaitez, l'attache de mon cabinet afin que nous puissions examiner de plus près ces sujets que vous connaissez parfaitement.

Enfin, vous évoquez la mise en place d'un dispositif de radiocommunication. Des études ont bien été réalisées par les services de l'État : elles montrent qu'il serait aussi coûteux de déployer le dispositif ANTARES - adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours - sur le seul département de la Guyane, dont vous venez de souligner l'étendue, que sur l'ensemble du territoire métropolitain. Puisqu'il est hors de question de laisser ce département en difficulté, ces études ont également défini d'autres pistes, plus réalistes, telles que l'hébergement par un autre réseau ou la mise en synergie avec les réseaux des autres administrations.

En tout cas, monsieur le sénateur, je souhaite que la Guyane, comme l'ensemble du territoire, bénéficie de dispositifs d'incendie et de secours performants.

S'il y a un département que j'aurai l'occasion de visiter assez rapidement, c'est bien le vôtre, monsieur le sénateur, tant les défis en matière de sécurité, de missions pour le SDIS et, évidemment, d'immigration, sont essentiels. Je le ferai, bien entendu, en lien avec mon collègue Victorin Lurel.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Monsieur le ministre, je vous ai bien entendu et je sais que vous serez attentif aux outre-mer en général et à la Guyane en particulier. Vous n'ignorez pas que les outre-mer ont massivement voté pour un changement de politique, envoyant de la sorte un message clair. Nos attentes sont donc évidemment à la hauteur de ce message.

Je sais que vous avez fort à faire durant cette mandature, dans bien des domaines et dans bien des lieux. Néanmoins, la situation de la Guyane oblige qu'on y prête une attention particulière, car il s'agit en l'occurrence de secours à apporter et de sécurité à restaurer. Ce sont des questions prioritaires, monsieur le ministre, et vous en avez très certainement conscience, vous qui, depuis votre nomination, avez eu à intervenir sur des événements tragiques provoqués par l'insécurité endémique qui sévit sur ce territoire.

Je compte donc sur vous pour que vous apportiez dans des délais rapides des réponses positives et concrètes sur les points que nous venons d'évoquer.

Je tiens également à vous rappeler que, l'année dernière, j'avais accompagné une délégation du SDIS au ministère de l'intérieur pour une séance de travail sur ces sujets. Des promesses avaient alors été faites, mais elles sont restées vaines. Je vous remercie donc par avance d'être plus que votre prédécesseur à l'écoute des demandes des Guyanais en matière de sécurité. Encore une fois, monsieur le ministre, je compte sur vous.

- page 2327

Page mise à jour le