Question de Mme ARCHIMBAUD Aline (Seine-Saint-Denis - ECOLO) publiée le 06/03/2014

Mme Aline Archimbaud appelle l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé au sujet de la discrimination dont les personnes séropositives font l'objet jusque dans la mort.

En effet, l'article 2 de l'arrêté du 20 juillet 1998 interdit de pratiquer des soins funéraires sur des personnes séropositives alors qu'il n'y a aucun risque si ces soins s'exercent en respectant les précautions universelles préconisées par l'Organisation mondiale de la santé.

Pourtant, la pratique des autopsies à visée scientifique est autorisée sur ces personnes à condition de respecter ces précautions, afin d'éviter toute contamination du personnel ou de l'environnement.

Elle lui demande pourquoi, si l'on peut faire une autopsie sur un séropositif en toute sécurité, cela ne serait pas le cas pour des soins funéraires.

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Transmise au Ministère des affaires sociales et de la santé


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie publiée le 07/05/2014

Réponse apportée en séance publique le 06/05/2014

Mme Aline Archimbaud. Madame la secrétaire d'État, ma question s'adressait en effet à Mme Marisol Touraine, mais je suis moi aussi tout à fait ravie de vous la poser.

L'article 2 de l'arrêté du 20 juillet 1998 interdit de pratiquer des soins funéraires sur des personnes séropositives, alors qu'il n'y a aucun risque si ces soins s'exercent en respectant les précautions universelles préconisées par l'Organisation mondiale de la santé. Pourtant, la pratique des autopsies à visée scientifique est autorisée sur ces personnes à condition de respecter ces précautions afin d'éviter toute contamination du personnel ou de l'environnement.

Madame la secrétaire d'État, si l'on peut faire une autopsie sur un séropositif en toute sécurité, pourquoi cela ne serait-il pas le cas pour des soins funéraires ?

Une pétition, à ce sujet, de l'association des élus locaux contre le sida a déjà recueilli plus de 93 000 signatures, et, dans un courrier adressé le 24 mars 2014 au Défenseur des droits, la ministre des affaires sociales et de la santé a réaffirmé sa volonté de faire évoluer la législation sur ce point, ce dont nous nous en réjouissons. Son ministère a confirmé, le 11 avril dernier, que sa volonté de lever cette interdiction était désormais un principe acquis et que la discrimination subie par les familles de malades devrait enfin cesser.

Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous préciser le calendrier qui est envisagé afin que nous soyons fixés sur la date à laquelle interviendra la fin de cette discrimination ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Madame Archimbaud, je vous prie d'accepter les excuses de Mme Touraine pour son absence et vous remercie de votre question.

Effectivement, les soins de conservation sont actuellement interdits chez les personnes atteintes d'infection à VIH, le virus de l'immunodéficience humaine, ou d'hépatite virale.

Après avoir été alerté sur les difficultés rencontrées par les familles lors du décès de personnes infectées par le VIH, le Conseil national du sida a publié, en 2009, un avis sur les opérations funéraires et demandé l'annulation de l'interdiction de réaliser des soins de conservation sur le corps de personnes atteintes par le VIH et les hépatites.

En 2011, le Conseil national du sida a confirmé sa position et le Défenseur des droits a demandé à son tour la levée de l'interdiction. Le Haut Conseil de la santé publique, saisi en 2012, a conclu que la levée ne pouvait se faire sans une réorganisation profonde de la thanatopraxie afin de garantir la sécurité des professionnels face aux risques infectieux et chimiques.

Dans un rapport commandé en 2013 à l'Inspection générale des affaires sociales et à l'Inspection générale de l'administration ont été examinées en détail les conditions de réorganisation de cette activité.

À partir des conclusions de ce rapport, qui a d'ailleurs été rendu public, la ministre des affaires sociales et de la santé a décidé de mettre un terme à l'interdiction des soins de conservation effectués sur les corps des personnes décédées porteuses du VIH ou d'hépatite virale.

Ces soins seront réalisés dans des lieux réservés et le certificat de décès sera adapté. Il convient en effet d'assurer à toutes les familles frappées par un deuil et aux professionnels concernés une organisation fonctionnelle permettant de travailler sur l'ensemble du territoire dans de bonnes conditions d'accessibilité, de qualité des prestations et de sécurité.

Cette réforme est dépendante de nombreuses concertations et nécessite des dispositions législatives. Les ministères impliqués se sont engagés - c'est la réponse à votre demande de calendrier - à faire aboutir cette réforme pour le 1er janvier 2016.

Madame la sénatrice, vous comparez autopsie et thanatopraxie en relevant que des autopsies scientifiques sont réalisées sur des défunts séropositifs. Il convient toutefois d'observer que l'autopsie est réalisée par un médecin dans les lieux dédiés et adaptés que constituent les chambres mortuaires, et qu'elle n'est jamais effectuée à domicile, contrairement à la thanatopraxie telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui.

Étant, comme l'ensemble du Gouvernement, déterminée à lutter contre toutes les discriminations, en particulier contre celles qui frappent les personnes atteintes du VIH ou de l'hépatite virale, la ministre des affaires sociales et de la santé, par sa décision, a souhaité répondre à la douleur des familles concernées et permettre aux proches des défunts de disposer enfin d'obsèques dans la dignité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, notamment des principes de solidarité et de justice que vous avez réaffirmés avec force.

J'ai noté la date du 1er janvier 2016 comme un engagement à partir duquel les dispositions en question entreraient dans les faits. Mais j'entends aussi avec une certaine inquiétude que des mesures législatives seront nécessaires, ce qui implique un examen par le Parlement dans des délais assez brefs.

Par cette question, je veux aussi me faire le relais d'un grand nombre de citoyens qui s'émeuvent des rumeurs, des peurs, des fantasmes qui sont propagés de façon récurrente à propos des malades séropositifs, contribuant ainsi à leur stigmatisation. Seuls les pouvoirs publics ont le pouvoir et aussi la responsabilité de prendre, sur ce sujet, des décisions claires par rapport aux propos démagogiques et discriminants qu'on entend parfois.

Je comprends parfaitement qu'il faille mettre en place un certain nombre de dispositions. Les personnels doivent sans doute être rassurés et formés ; mais mettre un terme à cette discrimination m'apparaît comme une mesure de justice importante- vous l'avez rappelé - à l'égard des familles qui sont déjà douloureusement et lourdement affectées.

Je retiens la date du 1er janvier 2016, mais aussi pour nous, parlementaires, l'exigence législative. Il faut donc aller vite maintenant.

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