Question de M. PLACÉ Jean-Vincent (Essonne - ECOLO) publiée le 18/04/2014

Question posée en séance publique le 17/04/2014

Concerne le thème : L'accès au financement bancaire des petites, moyennes et très petites entreprises

M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le ministre, les données relatives au financement bancaire des PME sont contradictoires. Un certain nombre d'enquêtes avancent que le manque croissant de financement est la première difficulté à laquelle font face les dirigeants de PME. Je pense, par exemple, à l'étude publiée par la Banque centrale européenne au mois de mars 2013, ou encore au baromètre trimestriel de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises, la CGPME, et du cabinet KPMG. A contrario, la Banque de France publie régulièrement des chiffres décrivant, depuis un an, une légère progression de l'encours des crédits aux PME et un fort taux de satisfaction de la demande.

Quoi qu'il en soit, il convient de mobiliser tous les outils à notre disposition en faveur de l'investissement, qu'il soit public ou privé et qui, s'il est employé de manière stratégique, tirera toute notre économie vers le haut.

À cet égard, on ne peut que regretter que cette belle initiative qu'est la BPI serve aujourd'hui essentiellement à sauver les apparences du déficit public en assurant le préfinancement du CICE en lieu et place de l'État. Tel n'est pas son rôle, et aucun motif ne justifie cette situation. C'est même l'inverse d'un investissement stratégique !

Par ailleurs, nous disposons, en matière d'investissement, d'une ressource encore inexploitée : les assurances vie, que nous avons évoquées l'automne dernier, dans le cadre des débats budgétaires. Ces produits bénéficient d'un régime fiscal très avantageux, sans pour autant être affectés à un financement d'intérêt général.

Pourquoi ne flècherait-on pas vers la BPI quelques points de l'énorme encours des assurances vie qui atteignait l'année dernière près de 1 400 milliards d'euros ?

M. Jean Desessard. Tout à fait !

M. Alain Fouché. Drôle d'analyse !

M. Jean-Vincent Placé. Cette mesure donnerait enfin à cette institution les moyens de piloter l'investissement dans les filières d'avenir écologiques et sociales. Notre pays en a grandement besoin, alors qu'il s'apprête – enfin également ! – à engager sa transition écologique, tant attendue des écologistes et surtout de l'ensemble de la population française.

Pour conclure, je souligne qu'il y aurait, outre la BPI, beaucoup à dire des banques privées. Ces dernières ont récupéré cet été 30 milliards d'euros supplémentaires issus de la collecte du livret A et du livret de développement durable. Or il ne semble pas que cette somme ait réellement bénéficié au financement de l'économie, notamment des PME, contrairement aux engagements pris... Monsieur le ministre, comptez-vous lancer une évaluation de la récente attribution aux banques de cette manne publique supplémentaire ? (M. Jean Desessard applaudit.)

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Réponse du Ministère de l'économie, du redressement productif et du numérique publiée le 18/04/2014

Réponse apportée en séance publique le 17/04/2014

M. Arnaud Montebourg, ministre. Monsieur le sénateur, beaucoup de travail nous attend en la matière ! La convergence des propos exprimés dans cet hémicycle met au jour les défaillances croissantes du secteur bancaire privé et la taille encore insuffisante de la BPI - c'est là le « peut mieux faire » de Mme Schurch, que je prends en tant que tel, c'est-à-dire non comme une critique mais comme un encouragement ! (Mme Mireille Schurch acquiesce.) En outre, le sujet de l'assurance vie nous le prouve, notre système de financement n'est pas optimal.

Que s'est-il passé dans tous les pays où, depuis la faillite de Lehman Brothers, les banques privées ont en quelque sorte disparu du financement de l'économie réelle ? C'est bien simple : les entreprises se sont tournées vers le marché. À cette fin, elles ont créé des compartiments de financements, avec des systèmes plus ou moins réglementés et plus ou moins accueillants pour le risque.

Traditionnellement, le financement bancaire s'élevait à 75 %, contre 25 % pour le financement de marché. Telle était la répartition entre dette et capital. Or ces taux sont en train d'évoluer à une vitesse assez spectaculaire, pour atteindre respectivement 65 % et 35 %.

Je l'ai déjà souligné, lorsque le principal canal est ensablé et ne permet plus la circulation des flux d'argent, il faut creuser des canaux parallèles. Pour stimuler les capacités financières des entreprises, l'assurance vie peut constituer une solution. Un certain nombre d'initiatives ont été prises, après une première réforme du code des assurances : a notamment été lancé un fonds de prêts contribuant au financement en dettes des PME et des ETI.

Nous espérons élaborer des solutions pour un montant total de 50 milliards d'euros, soit environ 4 % de l'encours. Ce n'est pas rien, même si cela peut sembler peu au regard des 1 400 milliards d'euros que vous avez évoqués, monsieur Placé. Je note toutefois que l'assurance vie n'a pas pour vocation éternelle d'assurer le financement de la dette souveraine dans tous les pays de la zone euro. Elle doit aussi, notamment en raison de l'effort fiscal demandé à ce produit d'épargne tant prisé des Français, se consacrer à l'économie réelle.

Nous serons appelés à traiter de nouveau de ce sujet, monsieur le sénateur, et je vous remercie de l'avoir évoqué !

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour la réplique.

M. Jean-Vincent Placé. Je fais cadeau à M. le ministre de ma réplique, étant donné qu'il a été très complet !

M. Alain Fouché. Belle générosité ! (Sourires.)

M. le président. C'est effectivement très généreux de votre part, monsieur Placé ! (Nouveaux sourires.)

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