Question de M. COURTEAU Roland (Aude - SOC) publiée le 02/10/2014

M. Roland Courteau attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger sur la question de la protection des droits des salariés d'une entreprise, filiale ou sous traitante d'un groupe installé en France et basée à l'étranger, dès lors que ces opérateurs ne respectent pas les normes éthiques et sociales en vigueur sur le plan international.
Il lui rappelle que de nombreuses campagnes menées par les organisations non gouvernementales (ONG) dénoncent toujours l'absence de responsabilité sociétale des entreprises donneuses d'ordre dès lors qu'elles se retrouvent impliquées dans des drames ayant pour origine l'absence de sécurité, le non-respect des droits humains et des conventions internationales du travail. Il lui précise que de nombreux travailleurs attendent ainsi encore réparation des préjudices subis.
Il lui demande donc s'il est envisageable que le lien juridique entre les maisons mères, leurs filiales et leurs sous traitants puisse être clairement identifié dès lors que des catastrophes telles que celles dans le secteur textile au Cambodge ou au Bangladesh se produisent. Il lui demande également quelles initiatives pourraient être envisagées pour que les entreprises installées en France et ayant recours à des intermédiaires basés à l'étranger améliorent la traçabilité de leur production ainsi que l'information à destination des consommateurs.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger publiée le 30/10/2014

Suite à la catastrophe du Rana Plaza, en avril 2013 au Bangladesh, une série d'initiatives a été engagée à différents niveaux pour essayer de prévenir de telles tragédies à l'avenir, en renforçant la mise en œuvre des normes existantes au niveau international. Outre les conventions de l'OIT, qui s'imposent aux États, il s'agit en particulier des principes directeurs de l'OCDE pour les multinationales, qui constituent le cadre le plus complet et le plus effectif en termes de responsabilité sociétale des entreprises. La France est particulièrement active en la matière. Au lendemain du drame du Rana Plaza, la ministre chargée du commerce extérieur avait saisi le Point de contact national (PCN) de l'OCDE, chargé de veiller au respect de ces principes et de recevoir les plaintes pour leur non-respect (organisme tripartite en France, composé de représentants de l'État, des syndicats et du patronat) d'une demande de rapport sur les moyens de renforcer leur application dans la filière textile et le contrôle des sociétés donneuses d'ordre sur leurs filiales et sous-traitants. Après plusieurs mois d'auditions et de travaux avec l'ensemble des parties prenantes, le PCN a rendu ses recommandations visant l'ensemble des acteurs - puissance publique incluse - afin de remédier aux insuffisances et d'améliorer la traçabilité. Il clarifie aussi la notion de « conduite responsable des multinationales » dans la filière et la responsabilité des entreprises et des États au sein des chaînes de valeur textile. La pertinence de ces recommandations ayant unanimement été reconnue, elles ont été diffusées largement tant aux opérateurs que dans les enceintes internationales concernées. Les PCN italien et belge ont d'ailleurs ensuite accompli un travail similaire de leur côté. L'OCDE est sur le point de lancer la préparation d'un Guide s'inspirant largement de ces travaux qui seraient mutualisés et serviraient donc de cadre pour un renforcement de la mise en œuvre des Principes de l'OCDE pour la chaine de valeur dans la filière textile mondiale. Afin de donner suite à ces recommandations, la France a organisé avec les Pays-Bas la première réunion ministérielle de l'OCDE sur le sujet, qui s'est tenue en marge du Forum sur la conduite responsable des entreprises, en juin 2014 à Paris, en présence non seulement des pays adhérents aux Principes directeurs (OCDE ou non), mais également des pays abritant des activités textiles et minières, autre secteur sensible. À cette occasion, sept ministres dont le ministre de l'économie qui représentait la France ont adopté une déclaration appelant les entreprises, notamment celles s'approvisionnant au Bangladesh même si elles n'avaient pas d'activités connues au Rana Plaza, à contribuer au Fonds d'indemnisation des victimes de cette catastrophe, ce qui a été suivi d'effet par un groupe français. Une nouvelle réunion, conjointe entre l'OCDE et l'OIT, vient de se tenir à Paris avec les pays concernés de part et d'autre. Il importe en effet que les pays d'accueil de ces investissements et de ces activités soient également respectueux des normes internationales, notamment les Conventions fondamentales de l'OIT qui s'imposent à tous les pays. La France travaille également dans le cadre de l'Union européenne pour assurer le suivi des engagements contractés à l'époque entre le Bangladesh, l'OIT, les syndicats internationaux, l'UE et les États-Unis. La France souhaite par ailleurs renforcer les clauses sociales et environnementales des accords de libre-échange, en tant que levier dont elle peut disposer pour inciter les autres pays à respecter ces normes. Des initiatives, avec en particulier ses partenaires de l'Union européenne, sont à l'étude pour compléter ces différents dispositifs, dont certaines portent sur des projets de labels destinés à l'information des consommateurs permettant de garantir la traçabilité des productions, avec un focus sur le textile et l'habillement. Sur ce point, faisant suite d'ailleurs aux recommandations du PCN français, le secteur privé a de son côté engagé des initiatives pour le renforcement du contrôle des risques, de la traçabilité et de gestion des fournisseurs au sein de la chaîne de valeurs. D'autres se font jour pour mettre en place une certification sociale et environnementale de la filière en amont. Toutes ces actions contribuent à la traduction concrète des normes existantes qui s'adressent aux entreprises multinationales. En outre, la directive sur le reporting non-financier adoptée à Bruxelles le 29 septembre 2014 et activement soutenue par la France tout au long des négociations, exigera des entreprises multinationales qu'elles fassent la transparence sur les mesures de diligence raisonnable qu'elles mettent en œuvre au sein de leur chaîne de production pour limiter les risques en matière sociale, environnementale ou de droits de l'Homme. La publication de ces informations permettra d'inciter ces entreprises à améliorer la prévention des risques liés à l'activité de leurs filiales et de leurs sous-traitants à l'étranger. C'est donc à un engagement de tous les acteurs, sur la base de recommandations et de normes clairement identifiées, que la France doit travailler en liaison avec le secteur privé, la société civile, les consommateurs et aussi ses partenaires internationaux pour assurer que l'ensemble des producteurs, pas seulement français, respectent bien ces Principes. Différentes réflexions ont par ailleurs été engagées dans le cadre de la Plateforme RSE et bien sûr du Parlement, que le Gouvernement suit avec une grande attention.

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