Question de M. FOUCAUD Thierry (Seine-Maritime - CRC) publiée le 29/01/2015

M. Thierry Foucaud interroge Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur l'accord gouvernemental délivré pour la poursuite du projet de contournement Est de Rouen.
Par un courrier daté du 7 janvier 2015 et cosigné avec le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche, elle a informé le préfet de la région Haute-Normandie de l'accord du Gouvernement pour la poursuite du projet de contournement Est de Rouen, qui doit relier l'A28 à l'A13 et inclure un « barreau » de raccordement vers Rouen. Elle évoque, dans cette correspondance, un consensus unanime ou largement partagé autour de ce projet.
Il tient à lui rappeler qu'il s'agit d'une première contre-vérité puisque, localement, là où il concerne les populations, il est, en l'état, largement contesté, ce qu'il a déjà pu lui faire savoir à plusieurs reprises. Une dizaine d'associations se sont ainsi prononcées contre ce projet. Des élus locaux de Seine-Maritime et de l'Eure, de toutes sensibilités, de concert avec les administrés qu'ils ont pour charge de représenter, expriment leur refus catégorique de voir aboutir ce projet et leur détermination à s'y opposer. Un collectif s'est ainsi constitué, qui regroupe un quinzaine de communes représentant 70 000 habitants directement impactés par ce tracé de contournement et farouchement opposés à sa mise en œuvre. Les motifs d'opposition sont divers et fondés. Il paraît inconcevable de faire l'impasse sur les questions d'environnement, de sécurité des usagers, de santé, de cadre de vie, de modes de déplacement futurs.
Ce projet est totalement contraire aux engagements du « Grenelle » de l'environnement, en encourageant le développement du « tout camion », alors que des choix de transports par rail ou par voie fluviale devraient être priorisés.
Ce projet porte atteinte à l'économie et à l'emploi, en menaçant de détruire une zone foncière de 600 hectares et une zone d'activité économique avec des entreprises employant plusieurs centaines de salariés.
Le nouveau tronçon qui doit s'étendre sur 41 km et faire l'objet d'une concession à péage est évalué à un coût global d'un milliard d'euros.
À ce stade, rien n'a été dit sur le bouclage du financement de cette infrastructure, si ce n'est la forte probabilité d'une subvention d'équilibre.
Cela signifie donc que l'État, et plus certainement les collectivités locales – dont les finances sont déjà exsangues – devront encore débourser des millions chaque année, pour financer non seulement l'investissement mais également son fonctionnement.
Il note également qu'aucun crédit n'est prévu pour ce projet ni dans le contrat de plan État-région (CPER), ni dans le contrat de projets interrégional (CPIER), ni dans la programmation pluriannuelle d'investissement de la métropole Rouen-Normandie.
Un simulacre de concertation a été organisé, puisque beaucoup de choses ont été dites et que rien n'a été entendu.
C'est pourquoi, compte tenu de tous ces éléments et dans un souci de démocratie, il lui demande si, en écoutant la voix des populations et des élus de terrain, elle envisage de renoncer à ce projet qui constitue un non-sens économique et écologique.

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Transmise au Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche publiée le 11/03/2015

Réponse apportée en séance publique le 10/03/2015

M. Thierry Foucaud. Monsieur le secrétaire d'État, par un courrier daté du 7 janvier 2015 cosigné par vous-même et par Mme la ministre de l'écologie, vous avez informé le préfet de la région de Haute-Normandie de l'accord du Gouvernement pour la poursuite du projet de contournement Est de Rouen, qui doit relier l'A28 à l'A13 et inclure un « barreau » de raccordement vers Rouen.

Vous évoquez, dans cette correspondance, un consensus unanime ou largement partagé autour de ce projet. Il s'agit là d'une première contre-vérité puisque, localement, là où il concerne les populations, il est largement contesté en l'état, ce que je n'ai pas manqué de faire savoir à plusieurs reprises à Mme la ministre. Une douzaine d'associations se sont ainsi prononcées contre ce projet. Des élus locaux de Seine-Maritime et de l'Eure, de toutes sensibilités politiques, de concert avec les administrés qu'ils ont pour charge de représenter, expriment également leur refus catégorique de voir aboutir ce projet et leur détermination à s'y opposer. Un collectif s'est constitué, qui regroupe une quinzaine de communes, représentant 70 000 habitants directement impactés par ce tracé de contournement et farouchement opposés à sa mise en œuvre. Les motifs d'opposition sont divers et fondés.

Il paraît inconcevable de faire l'impasse sur les questions d'environnement, de sécurité des usagers, de santé, de cadre de vie et de modes de déplacement futurs. Ce projet est totalement contraire aux engagements du Grenelle de l'environnement, en encourageant le développement du « tout-camion », alors que des choix de transports par rail ou par voie fluviale devraient être une priorité. Ce projet porte également atteinte à l'économie et à l'emploi en menaçant de détruire, s'il est mené à son terme, une zone foncière de 400 hectares, ainsi qu'une zone d'activité économique où sont employés plusieurs centaines de salariés.

Le coût global du nouveau tronçon, qui doit s'étendre sur quarante et un kilomètres et faire l'objet d'une concession à péage, est évalué à 1 milliard d'euros. Or, à ce stade, rien n'a été dit sur le bouclage du financement de cette infrastructure. Cela signifie donc que l'État et plus certainement les collectivités locales devront encore débourser des millions chaque année pour en financer non seulement l'investissement premier, mais aussi le fonctionnement. Je note également qu'aucun crédit n'est prévu pour ce projet dans le contrat de plan État-région, ni dans le contrat de plan interrégional ou dans la programmation pluriannuelle d'investissement de la métropole Rouen Normandie.

Un simulacre - le mot est peut-être un peu fort - de concertation a été organisé : beaucoup de choses ont été dites, mais rien n'a été entendu. J'attends d'ailleurs toujours une réponse de Mme la ministre à notre demande d'audience pour exposer notre point de vue.

Compte tenu de tous ces éléments et dans un souci de démocratie, envisagez-vous d'écouter la voix des populations et des élus de terrain et de renoncer à ce projet, lequel constitue, à notre avis, un non-sens économique et écologique ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur le projet de contournement Est de Rouen.

Vos critiques portent d'abord sur la concertation locale qui a été engagée. Je souhaite rappeler ici les grandes étapes de ce projet.

Un grand débat public, qui s'est tenu en 2005, a conclu à l'opportunité de l'aménagement. De riches et longs débats ont suivi pour dégager le meilleur tracé en tenant compte de tous les points de vue exprimés et en respectant le critère essentiel de l'environnement et de la protection des espèces protégées.

Le travail exemplaire des services de l'État, en lien avec les collectivités, qui, dans leur très grande majorité, sont fortement attachées à ce projet, a permis de retenir la variante à même de satisfaire les contraintes environnementales et de remplir au mieux les objectifs assignés à l'ouvrage.

Saisie de nouveau en 2013, la Commission nationale du débat public a recommandé de mener une concertation avec le public, qui a eu lieu du 2 juin au 12 juillet 2014. Cette concertation a donné lieu à l'organisation de neuf réunions publiques, suscité un vif intérêt et permis à nos concitoyens de s'exprimer librement sur tous les sujets sous l'égide d'un garant indépendant, comme il est de règle.

Contrairement à ce que vous avez affirmé, la concertation a consacré une place importante aux enjeux et objectifs de cette nouvelle infrastructure. Je souhaite en rappeler les principaux points.

La situation routière de l'agglomération de Rouen est très dégradée. La congestion et la pollution qu'elle engendre sont néfastes pour la qualité de vie de ses habitants et son développement économique. L'un des objectifs du projet est d'écarter les flux de poids lourds, en transit et en échange, du cœur de l'agglomération rouennaise et des pénétrantes routières qui y convergent. Le projet ne vise en aucun cas au développement du « tout-camion ». Il s'inscrit au contraire dans un schéma global de transports à l'échelle de la région, qui vise au développement du transport par rail via la modernisation de la ligne de fret entre Serqueux et Gisors et la ligne nouvelle Paris-Normandie ainsi qu'à l'amélioration des transports en commun urbains sur des axes libérés du trafic de transit.

Le Gouvernement est attentif à l'intégration de cette infrastructure routière dans un projet d'aménagement global, lui-même inscrit dans un projet de territoire qui stimule le développement économique d'une métropole de 500 000 habitants et accompagne l'évolution de l'un des grands ports maritimes de France, par ailleurs premier port céréalier d'Europe.

Je comprends toutefois que le projet suscite encore des observations liées à la traversée de certains secteurs. Le collectif que vous représentez m'a fait part de ses inquiétudes. Aussi le Gouvernement sera-t-il attentif à ce que la concertation avec tous les acteurs des territoires concernés, ainsi qu'avec les associations locales et environnementales se poursuive tout au long de l'avancement du projet. C'est là un engagement fort du Gouvernement. Des consignes très strictes ont été données au préfet de région en ce sens.

Une attention toute particulière sera portée à la rigueur, à la transparence et à la qualité des études préalables à la déclaration d'utilité publique, notamment en matière environnementale et d'insertion dans le milieu humain. L'enquête publique, prévue en 2016, sera l'occasion pour toutes les parties prenantes au projet de s'exprimer de nouveau.

S'agissant enfin du financement de ce projet, le principe retenu, présenté lors de la concertation, est celui d'une concession accompagnée d'une subvention d'équilibre. Comme il est de règle, cette subvention sera apportée par l'État et les collectivités volontaires.

Le résultat de l'appel d'offres viendra, en son temps, préciser les besoins et donc le montant de la subvention, ainsi que les modalités de financement de cette opération. Cette problématique, au regard des délais d'études et de procédures restant à mener, dépasse l'horizon des contrats de plan en cours de finalisation.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Il y a un fossé entre ce qui se dit en bas et la réponse qui nous vient d'en haut. Le débat public de 2005 a bien eu lieu, mais il portait sur un tout autre tracé. Celui qui est retenu aujourd'hui ne convient pas aux élus, qui s'étaient prononcés pour un projet visant à décongestionner les réseaux de transport de l'agglomération rouennaise et à résoudre les problèmes de circulation. Nous ne sommes pas opposés à un contournement, nous sommes hostiles à ce tracé !

Vous avez parlé des espèces protégées, monsieur le secrétaire d'État. Croyez-vous que l'Europe participera au financement de ce projet au titre de Natura 2000 si le tracé passe sur les violettes de Rouen ? Nous avons pourtant proposé des solutions pour éviter de mettre en péril cette espèce protégée.

Si le public a pu s'exprimer librement lors de la concertation menée du 2 juin au 12 juillet derniers, ce n'est pas pour autant que son point de vue a été pris en compte. J'ajouterai que, dans la ville dont j'ai été le maire, le compte rendu des débats menés dans le cadre de la concertation fait apparaître un nombre de participants inférieur de soixante personnes à celui que j'avais fait constater par huissier...

Par ailleurs, je réitère la demande d'audience de cette population, de ces associations, qui veulent exposer leur point de vue à Mme la ministre. J'ai ici un document qui prouve le bien-fondé de notre démarche : ce projet va rayer de la carte certaines entreprises. Pas plus tard que la semaine dernière, par exemple, les représentants de l'usine de pointe - classée Seveso - Toyo Ink, sur laquelle passe le tracé retenu, ont demandé à rencontrer le préfet pour lui faire part de leurs inquiétudes. Ce dernier s'est contenté de répondre que l'on déplacerait un pont pour pouvoir passer à côté de cette usine...

Tout cela est petit, tout cela n'est pas assez pensé. Je crains pour l'avenir, car les populations sont déterminées à ne pas se laisser faire, à ne pas se laisser imposer de force un tracé dont elles ne veulent pas.

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