Question de M. BERTRAND Alain (Lozère - RDSE) publiée le 13/02/2015

Question posée en séance publique le 12/02/2015

M. Alain Bertrand. Ma question s'adresse à M. Macron.


Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Il n'est pas là !


M. Alain Bertrand. Ça ne fait rien, il y a le Premier ministre et d'autres ministres…

Ma question porte sur le projet de loi pour la croissance et l'activité et, plus exactement, sur certains risques qu'il peut faire peser sur les territoires ruraux.

Ce texte comporte de bonnes dispositions pour l'avenir économique de la France, mais d'autres mesures peuvent avoir des effets néfastes dans certains territoires. Ce qui est bon pour Paris, Lyon, Marseille ou Lille peut être très mauvais pour Mende, Guéret, Mauléon-Licharre, Joinville, Decize, Vittel ou Digne.

Je m'inquiète particulièrement de la réforme des professions réglementées : notaires, avocats, huissiers et demain pharmaciens. Par exemple, l'extension de la postulation des avocats aux ressorts des cours d'appel provoquera une véritable désertification judiciaire de l'hyper-ruralité par la disparition des petits barreaux, dont les membres seront économiquement incapables de maintenir leur activité.

La Lozère court ainsi le risque de se voir « expurgée », par le jeu de la concurrence économique, de ses cabinets locaux indépendants au profit de plus gros cabinets situés à Clermont-Ferrand, Montpellier ou Toulouse. Ces cabinets travailleront à distance grâce à la numérisation des communications procédurales. À terme, et c'est très grave, cela peut remettre en cause l'existence du tribunal de grande instance et de la maison d'arrêt.

Le même constat peut s'appliquer aux notaires ou aux huissiers. On nous annonce que leur nombre sera multiplié, mais cette inflation les empêchera d'avoir des recettes suffisantes pour maintenir leur charge, ce qui aura des effets catastrophiques.

À cela s'ajouterait demain – même si je sais que vous allez faire attention, monsieur le ministre – la réforme en préparation des officines de pharmacie, dont l'équilibre économique, en hyper-ruralité, est déjà quasiment impossible.

La présence de ces professions dites « réglementées » sur nos territoires est indispensable, car celles-ci garantissent, par l'étendue et le contenu de leur charge,…


M. le président. Il faut penser à conclure !


M. Alain Bertrand. J'y pense. (Rires.)

… la meilleure application des lois républicaines, un quasi-service public, ainsi qu'une protection réelle des droits des plus faibles. Ne privons pas la ruralité d'une partie importante de sa matière grise !

Monsieur le ministre, je soutiens votre projet. Vous qui êtes, me dit-on, très performant, comment allez-vous faire pour adapter votre texte de loi à nos territoires hyper-ruraux ? C'est parfaitement faisable, à condition d'en prendre le temps, et c'est indispensable au regard de l'équité républicaine. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargé du numérique publiée le 13/02/2015

Réponse apportée en séance publique le 12/02/2015

Mme Axelle Lemaire,secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. La question de la ruralité est au cœur de nos préoccupations collectives. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) C'est aussi une priorité de l'action du Gouvernement.

M. le Premier ministre a été à l'origine des assises de la ruralité.

M. Alain Vasselle. La ruralité est le cadet de vos soucis !

Mme Axelle Lemaire,secrétaire d'État. Nous nous réunirons très bientôt pour en faire un premier bilan.

Notre priorité est de créer de l'activité, et ce sur tous nos territoires. Il s'agit de libérer la croissance dans tous les secteurs et de lever les blocages qui pèsent sur le quotidien des Français, où qu'ils se trouvent. Tel est l'enjeu de cette loi de progrès ! Je rappelle qu'elle n'enlèvera rien aux Français et qu'elle ne créera pas de contraintes ; elle va juste offrir des opportunités et de nouveaux droits. Il s'agit bien d'une loi de modernisation, qui répond aux modes de vie contemporains de nos concitoyens, y compris dans les zones rurales.

Prenons quelques exemples.

L'essor des lignes d'autocars doit permettre de favoriser la mobilité. Par là même, il favorisera la mobilité dans les zones les moins bien desservies de notre territoire et il créera de véritables parcours intermodaux de transports collectifs.

Soyons réalistes, c'est un vrai problème pour nos concitoyens des zones rurales qu'il soit impossible de se rendre facilement où l'on souhaite sans prendre un véhicule individuel, par exemple pour rejoindre Nantes depuis Bordeaux.

M. Didier Guillaume. Pour aller à Mende depuis Alès !

Mme Axelle Lemaire,secrétaire d'État. Quelques chiffres pour illustrer mon propos : l'an dernier, en France, 110 000 personnes ont voyagé en autocar ; en Allemagne, elles étaient 8 millions et, dans un pays que je connais bien, le Royaume-Uni, elles étaient 30 millions. Ne croyez-vous pas que nous allons favoriser le déplacement et la mobilité au sein des zones rurales grâce à cet essor des lignes d'autocars ?

M. Alain Vasselle. Nous sommes sauvés !

Mme Axelle Lemaire,secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous avez parlé des professions réglementées du droit. Le projet de loi comporte des mesures spécifiques pour améliorer le maillage territorial de ces professions. La carte actuelle des densités est très inégale, et la liberté d'installation encadrée va la rendre plus juste.

M. le président. Il va falloir conclure !

Mme Axelle Lemaire,secrétaire d'État. J'aurais pu vous parler aussi de la réforme de l'ouverture dominicale des commerces, qui va dynamiser les centres-bourgs. À ce sujet, il faut bien avoir à l'esprit qu'internet ne ferme pas le dimanche ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) Il faut donc donner à nos commerces de proximité les moyens de se développer. Le projet de loi pour la croissance et l'activité bénéficiera à tous, y compris aux zones rurales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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