Question de M. BAILLY Gérard (Jura - Les Républicains) publiée le 17/07/2015

Question posée en séance publique le 16/07/2015

M. Gérard Bailly. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, même si elle aurait aussi pu être adressée à M. le ministre de l'économie.

Monsieur le ministre de l'agriculture, étant donné la situation dramatique des éleveurs due en partie au niveau des ventes de leurs produits, je souhaite vous interroger sur les accords conclus entre les grandes et moyennes surfaces, ou GMS, à savoir, d'une part, Auchan et Système U et, d'autre part, Casino et Intermarché. Il convient d'y ajouter l'alliance annoncée le 5 juin dernier entre le groupe Leclerc et le géant allemand de la distribution Rewe, qui réaliseront ensemble près de 100 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Ces accords semblent ne pas être refusés par l'Autorité de la concurrence, et pourtant ces centrales d'achats totalisent plus de 90 % du marché de nos productions alimentaires...

Dans le même temps, l'Autorité de la concurrence inflige une amende de 15,2 millions d'euros à vingt et un abatteurs de volailles pour entente !

On peut donc se poser la question : n'y a-t-il pas deux poids, deux mesures (Sans doute ! sur les travées du groupe Les Républicains.), d'autant que cette condamnation fait suite à deux autres, encore plus élevées : une de 195 millions d'euros pour les fabricants de yaourts et une autre de 242 millions d'euros concernant le secteur de la meunerie ?

Je suis profondément inquiet, car le fait de persister dans cette voie des prix bas conduit inévitablement nos entreprises de transformation de l'agroalimentaire à fermer leurs portes ; malheureusement, le résultat est déjà là, puisque ces entreprises ont perdu 44 000 emplois en dix ans.

Nous le savons, ce sont les très fortes pressions sur les prix exercées par les GMS sur les entreprises de transformation lors du référencement qui conduisent ces dernières, n'ayant plus le choix, à exercer à leur tour d'aussi fortes pressions sur les producteurs. En résulte le très fort malaise actuel de nos élevages. Or à l'évidence, avec ces accords entre les quatre principales centrales d'achat, ce phénomène risque de s'accentuer encore davantage.

M. Alain Fouché. C'est scandaleux !

M. Gérard Bailly. Face à cette détresse du monde agricole, nous aimerions connaître l'avis des pouvoirs publics sur les regroupements entre Auchan et Système U, et Casino et Intermarché. Nous voudrions savoir si ces accords ont fait l'objet de contestation ou de refus, et, à défaut, comprendre pourquoi l'Autorité de la concurrence fait preuve de tant de sévérité envers un secteur, celui de la production, et de si peu envers un autre, alors même que les volumes en cause, vous le savez, sont infiniment moindres que ceux des GMS regroupées !

Enfin, monsieur le ministre, nous vous serions reconnaissants de nous faire connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour remédier à cette course incessante aux prix bas, qui fragilise nos entreprises de transformations alimentaires et nos producteurs,…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Gérard Bailly. … avec des conséquences graves sur l'emploi, mais aussi, à moyen terme, pour la sécurité alimentaire dans notre pays et la qualité de notre environnement. (Très bien et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

- page 7774


Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 17/07/2015

Réponse apportée en séance publique le 16/07/2015

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué le rôle et la place de la grande distribution. Cependant, vous avez omis certains éléments dans votre propos. (Ah ? sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Fouché. Notre collègue dit des choses vraies !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Plusieurs sanctions ont, en effet, été prises à l'encontre des organisations de producteurs, mais vous avez oublié de rappeler que des sanctions ont aussi porté sur les distributeurs, qui se sont d'ailleurs exprimés à ce sujet. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je rappelle simplement, à tout hasard, qu'un grand distributeur souvent cité s'est vu infliger une sanction de 60 millions d'euros, supérieure à celle qui a été évoquée précédemment.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la loi sur la modernisation de l'économie, dite loi LME, qui à l'époque a été adoptée par la majorité du Sénat - vous reconnaissez vous-même qu'il s'agissait d'une bonne loi - visait justement à renforcer le rôle et la place de la grande distribution.

Je constate avec étonnement que vous découvrez seulement aujourd'hui, après avoir voté cette loi, l'enjeu du problème de la grande distribution, à savoir l'équilibre qu'il faut trouver entre la transformation et la grande distribution.

Bien avant le 17 juin, nous avons engagé un travail afin de modifier ces rapports de force et de renégocier, notamment dans le cadre de la loi Hamon, des accords commerciaux conclus entre la grande distribution et les transformateurs dès lors que les coûts de production évoluent. Nous devons discuter autour d'une table afin de trouver ensemble la manière d'augmenter les prix tout en permettant aux producteurs d'en bénéficier.

Monsieur le sénateur, ces mesures sont bien la preuve d'un rééquilibrage, et, même si nous sommes encore loin de l'objectif, un réel engagement a été pris par l'ensemble des acteurs concernés.

Conformément aux propos tenus par M. le président ce matin sur ces questions, je vous rappelle que, si nous voulons sortir de la crise, nous ne pourrons le faire que collectivement,...

M. Michel Magras. Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre. ... et à condition de ne plus nous renvoyer mutuellement la responsabilité. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur le sénateur, je vous le redis, la responsabilité est d'abord collective ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

- page 7774

Page mise à jour le