Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 06/08/2015

M. Cyril Pellevat attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur le ralentissement de l'activité de l'industrie du bâtiment et des travaux publics dans le département de Haute-Savoie. Le 11 mars 2015, les représentants du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) descendaient dans la rue, à Annecy, pour exprimer leurs craintes et leur colère. Après des années d'embellie, le secteur du BTP a connu une baisse d'activité considérable. En deux ans, le nombre de logements mis en chantier et le nombre de permis attribués ont chuté. Ce ralentissement a été constaté, en amont, par les promoteurs immobiliers qui se trouvent dans une logique de court terme. D'importantes conséquences sociales résultent de cette situation économique. Quelque 1 700 emplois ont ainsi été supprimés dans le secteur du BTP ces deux dernières années. En outre, des entreprises viennent de nombreux pays pour décrocher des marchés, n'hésitant pas à embaucher des travailleurs étrangers, entraînant une pression des salaires à la baisse. Le département ne comporte pas moins de 10 000 travailleurs détachés. Le « dumping » social est donc un probléme bien réel. Plusieurs causes sont à l'origine de ce freinage dans l'économie du bâtiment.
Outre les normes contraignantes qui se multiplient, les professionnels du BTP souffrent d'une chute vertigineuse de la rentabilité locative, les prix de l'immobilier augmentant de manière beaucoup plus rapide que les loyers. La baisse des investissements immobiliers est la suite logique de cette situation conjoncturelle, dont pâtissent directement les professionnels du BTP. La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, puisqu'elle encadre les loyers, ne semble pas aller dans le sens d'une recrudescence de la rentabilité locative, si essentielle à l'activité du BTP. Cette loi et, plus précisément, le dispositif fiscal dit « Pinel », ont pourtant pour principal objet de relancer la construction de logements en France. De surcroît, la baisse des investissements a aussi pour cause la chute de la demande publique. Celle-ci s'explique par les incertitudes des collectivités quant à leurs compétences du fait des débats parlementaires sur le sujet mais aussi la baisse drastique des dotations de l'État mise en place par les lois de finances pour 2014 et la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015. Si les compétences des territoires ont été clarifiées par le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Sénat n° 619. 2014-2015), les collectivités ne disposent pas des fonds nécessaires pour investir et conclure des marchés publics avec les professionnels du BTP.
Le montant de la dotation globale de fonctionnement, principale contribution de l'État aux collectivités, est, en effet, en baisse. En 2010, ce montant s'élevait à 41,2 milliards d'euros, contre 36,6 milliards en 2015. En outre, dans le cadre du pacte de responsabilité, les collectivités devront supporter une baisse des dotations de 11 milliards d'ici à 2017, soit 3,67 milliards d'euros par an.

Il lui demande donc, d'une part, comment la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 permettra de résorber la paralysie qui affecte l‘industrie du BTP et, d'autre part, comment le Gouvernement compte stimuler la commande publique en matière immobilière, action vitale pour l'activité économique locale dans un contexte de baisse des dotations aux collectivités.

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Transmise au Ministère de la décentralisation et de la fonction publique


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale publiée le 27/01/2016

Réponse apportée en séance publique le 26/01/2016

M. Cyril Pellevat. Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur le ralentissement de l'activité de l'industrie du bâtiment et des travaux publics, ou BTP, en Haute-Savoie.

Au printemps 2015, les représentants du BTP descendaient dans la rue à Annecy pour exprimer leurs craintes et leurs colères. Après des années d'embellie, le secteur du BTP a connu ces dernières années une baisse d'activité considérable. En deux ans, le nombre de logements mis en chantier et le nombre de permis attribués ont chuté. Ce ralentissement a été constaté en amont par les promoteurs immobiliers, qui se trouvent dans une logique de court terme.

D'importantes conséquences sociales résultent de cette situation économique. Ainsi, 1 700 emplois ont été supprimés dans le secteur du BTP ces deux dernières années ; le carnet de commandes est passé de douze mois à quatre mois dans les travaux publics. En outre, des entreprises n'hésitent pas à embaucher des travailleurs étrangers, entraînant une pression des salaires à la baisse. Le département de Haute-Savoie ne comporte pas moins de 10 000 travailleurs détachés. Le dumping social est une problématique bien réelle.

Plusieurs causes sont à l'origine du ralentissement que connaît l'économie du bâtiment. Outre le fait que les normes contraignantes se multiplient, les professionnels du BTP souffrent d'une chute vertigineuse de la rentabilité locative, les prix de l'immobilier augmentant de manière beaucoup plus rapide que les loyers. La baisse des investissements immobiliers est la suite logique de cette situation conjoncturelle, dont pâtissent directement les professionnels du BTP.

De surcroît, la baisse des investissements a aussi pour cause la chute de la demande publique. Celle-ci s'explique par les incertitudes des collectivités quant à leurs compétences du fait des débats parlementaires sur le sujet, mais aussi de la baisse drastique des dotations de l'État.

Si les compétences des territoires ont été clarifiées par la loi NOTRe du 7 août 2015, les collectivités ne disposent pas des fonds nécessaires pour investir et conclure des marchés publics avec les professionnels du BTP.

Les dotations aux collectivités ont chuté de 1,5 milliard d'euros en 2014. Puis, entre 2015 et 2017 - nous y sommes -, dans le cadre du pacte de stabilité, 11 milliards d'euros d'économies, soit 3,67 milliards d'euros par an, seront supportés par les collectivités.

Ces mesures pèsent énormément sur les budgets des collectivités, influant donc sur leurs capacités d'investissement. Or, je le rappelle, les collectivités sont à l'origine de plus des deux tiers de l'investissement public.

Ma question est donc triple. D'abord, comment la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové permettrait-elle de résorber la paralysie qui affecte l'industrie du BTP ? Ensuite, comment le Gouvernement compte-t-il stimuler la commande publique, qui est vitale pour l'activité économique locale, dans un contexte de baisse des dotations aux collectivités ? Enfin, quelle est la politique à venir du Gouvernement pour lutter efficacement contre le dumping social ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le sénateur, vous soulevez beaucoup de questions ! (Sourires.)

Vous le savez, le marché du logement repart - on le constate ainsi, mais pas seulement, en Île-de-France -, grâce aux dispositions qui ont été prises par Mme Pinel, la ministre du logement.

Des mesures de lutte contre le dumping social ne sont pas seulement à l'étude ; certaines sont déjà mises en œuvre au niveau européen. La France y a contribué, s'agissant des travailleurs détachés.

Je centrerai mon propos sur la baisse des dotations de l'État aux collectivités locales, qui était malheureusement nécessaire ; comme vous l'avez souligné, nous devons redresser nos comptes.

L'État fait lui-même un effort considérable : moins 18 milliards d'euros sur trois ans ! Les organismes de sécurité sociale sont également mis à contribution. Il en est de même pour les collectivités locales.

Pour autant, le Gouvernement est bien conscient des risques qu'une telle baisse fait peser sur l'investissement public local, qui, rappelons-le, représente 70 % de l'investissement public en France.

Nous voulons conjurer ce risque, d'autant que les chiffres que vous avez mentionnés sont réels ; il y a bien eu baisse de l'investissement en 2015. C'est la raison pour laquelle nous voulons faire en sorte que l'investissement soit plus soutenu en 2016. Comme le Président de la République l'avait annoncé le 14 septembre à Vesoul à l'occasion d'un comité interministériel aux ruralités, un fonds doté d'un milliard d'euros sera mis en place pour soutenir les projets des communes et des intercommunalités.

Le fonds sera réparti de la manière suivante : d'une part, 500 millions d'euros seront consacrés à de grandes priorités d'investissement définies entre l'État et les communes et intercommunalités, sous l'égide des préfets de région, en matière de rénovation thermique, de transition énergétique, de mise aux normes des équipements publics et d'infrastructures ; d'autre part, une enveloppe de 300 millions d'euros sera dédiée aux territoires ruraux et aux villes, petites et moyennes, pour le soutien à des projets en faveur de la revitalisation ou du développement des bourgs-centres. Par ailleurs, la dotation d'équipement des territoires ruraux sera, comme en 2015, abondée de 200 millions d'euros, pour être portée à 816 millions d'euros.

Le Premier ministre a tout récemment adressé aux préfets de région une circulaire précisant le fonctionnement des deux enveloppes. Les crédits seront ainsi prêts à être engagés dès la fin de ce mois.

Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité qu'un effort de péréquation très important soit réalisé à l'égard des communes les plus fragiles, afin de leur permettre de conserver, elles aussi, des marges de manœuvre pour investir et garantir des services de qualité.

La péréquation verticale sera augmentée en 2016 de 317 millions d'euros : plus 180 millions d'euros pour la dotation de solidarité urbaine ; plus 117 millions d'euros pour la dotation de solidarité rurale ; plus 20 millions d'euros pour les départements. La péréquation horizontale sera également augmentée : plus 220 millions d'euros pour le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, dont le montant est porté à un milliard d'euros, et plus 20 millions d'euros pour le fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France.

La dotation politique de la ville, dotée de 100 millions d'euros en 2016, permettra de poursuivre dans la voie d'une correction des inégalités à l'échelle des quartiers. Elle pourra désormais être utilisée en fonctionnement, le cas échéant pour financer des dépenses de personnel.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient du risque de baisse de l'investissement public local, et il a pris des mesures permettant d'y faire face.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Je remercie M. le secrétaire de ces précisions. Si j'ai posé beaucoup de questions, c'est parce que les préoccupations sont nombreuses sur le terrain.

Dans nos collectivités locales, nous sommes conscients que nous avons des efforts à accomplir. Mais nous voulons aussi avoir des garanties que les baisses s'arrêteront en 2017, en tout cas s'agissant de la Haute-Savoie.

Notre département est l'un des plus gros contributeurs au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales ; toutes les communes y contribuent, ce qui nous pose aussi des problèmes. M. le secrétaire d'État a indiqué que les crédits du fonds seraient augmentés. Il est évident que cela s'effectuera au détriment de la Haute-Savoie. Je souhaite vivement que le fonds puisse être réformé, afin que nous ne soyons pas autant pénalisés.

Ce que les entreprises demandent, c'est une baisse de charges. Les représentants de la CGPME et du MEDEF que nous rencontrons réclament une stabilisation de la fiscalité ; ils ne veulent surtout pas de contraintes supplémentaires. Il faut vraiment faire passer ce message.

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