Question de M. HERVÉ Loïc (Haute-Savoie - UDI-UC) publiée le 09/11/2016

Question posée en séance publique le 08/11/2016

M. Loïc Hervé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question porte également sur la constitution du fichier des titres électroniques sécurisés, dit TES,…


Un sénateur du groupe socialiste et républicain. Trop tard !


M. Loïc Hervé. … et je souhaiterais l'adresser à Mme Axelle Lemaire (Ah ! sur quelques travées du groupe Les Républicains.), secrétaire d'État chargée du numérique et de l'innovation.

Madame la secrétaire d'État, le ministre de l'intérieur, qui vient de s'exprimer, a annoncé la tenue d'un débat au Parlement sur ce sujet. C'est positif, mais totalement insuffisant !

Il ne s'agit évidemment pas de remettre en cause les objectifs invoqués à l'appui de la constitution du fichier TES, mais cette constitution doit être autorisée par le Parlement, et non pas seulement y être débattue.

En vertu de l'article 34 de notre Constitution, « la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ». Qu'est-ce qui concerne le plus les libertés publiques qu'un mégafichier qui rassemblera l'état civil et les données biométriques de 60 millions de nos concitoyens, quasiment la totalité d'entre eux ? D'autant plus que le risque de hacking est grand, nous le savons tous.

Il a été répondu à cet argument que la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, aurait validé la création du fichier TES. Ce n'est pas totalement exact : je suis membre de cette institution et je peux vous dire qu'elle recommande que cette question soit soumise au Parlement. Le Conseil national du numérique lui a emboîté le pas hier en publiant un brûlot contre le décret et le Gouvernement lui-même est divisé sur le sujet, puisque vous avez expliqué, madame la secrétaire d'État, dans une interview accordée au journal L'Opinion, que vous aviez été « abasourdie » en découvrant la création du fichier TES au Journal officiel.

Madame la secrétaire d'État, dans un État de droit, on ne prend pas une telle décision en catimini ! À la suite du débat parlementaire, allez-vous abroger ce décret pour faire de ses dispositions un projet de loi ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ainsi que sur plusieurs travées du groupe écologiste.)


Mme Françoise Férat. Très bien !


M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)


Un sénateur du groupe Les Républicains. On veut Axelle Lemaire !

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 09/11/2016

Réponse apportée en séance publique le 08/11/2016

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis absolument désolé de susciter une telle déception, mais je vais malgré tout essayer de répondre à la question qui m'a été posée.

Premièrement, monsieur le sénateur, vous avez indiqué que la décision qu'a prise le Gouvernement n'aurait pas dû être adoptée par la voie réglementaire, mais par la voie législative, en vertu de l'article 34 de la Constitution.

Je me permets de renvoyer les sénatrices et les sénateurs à la lecture des avis du Conseil d'État et de la CNIL. Ces deux institutions reconnaissent, l'une et l'autre, que cette décision relève bien de l'article 37 de la Constitution, c'est-à-dire de la compétence réglementaire du Gouvernement. (M. Loïc Hervé hoche la tête en signe de doute.)

En revanche, c'est exact, la CNIL a dit que, compte tenu de l'importance du sujet, il pourrait relever d'un débat parlementaire et non pas d'un texte législatif. D'ailleurs, comme vous l'avez remarqué, je souhaite ardemment que ce débat ait lieu, parce qu'il va permettre de rétablir un certain nombre de vérités sur tous ces sujets. (M. Alain Gournac s'exclame.)

Si, dans le cadre de ce débat parlementaire, des éléments apportés par le Parlement rassurent et sécurisent, le Gouvernement en tiendra compte bien évidemment.

Donc, ce texte relève bien du domaine réglementaire et pas du domaine législatif.

Deuxièmement, ce texte est extrêmement protecteur des données personnelles. En effet, contrairement au texte de 2012, il ne permet pas l'identification des personnes à partir de leurs données biométriques. À partir de l'identité d'une personne, et après consultation des données biométriques, il permettra d'élaborer des documents d'identité qui soient totalement sûrs et fiables.

Par conséquent, personne, en l'état de ce texte, ne peut être identifié en raison de ses données biométriques. Le texte l'interdit, les applications informatiques conçues ne le permettent pas et, pour le faire, il faudrait, pour le coup, adopter des dispositions de nature législative. D'ailleurs, le Conseil d'État et la CNIL reconnaissent que, parce que nous ne l'avons pas fait, nous restons bien dans des finalités et des modes de consultation qui relèvent du domaine réglementaire. Il faut donc être extrêmement précis sur ce sujet.

Troisièmement, vous avez évoqué un point très important, celui du hacking, de la sécurité du fichier. Soyons très clairs : ce fichier n'est pas accessible sur internet. Il est consultable sur les réseaux du ministère de l'intérieur, qui sont protégés par des dispositifs de chiffrement.

M. Ladislas Poniatowski. Il dépasse son temps de parole !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Pour toutes ces raisons, je vous propose de vous donner toutes les explications lors du débat qui aura lieu. Si des parlementaires, députés ou sénateurs, veulent exercer un contrôle sur pièces et sur place pour vérifier dans les services du ministère de l'intérieur la conception informatique du dispositif, les portes leur sont bien entendu ouvertes et toutes les explications leur seront données.

Je comprends que des interrogations soient formulées, mais il ne faut pas transformer l'État de droit en un État de suspicion ni créer les conditions pour que des fantasmes se développent sur ces sujets. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du RDSE.)

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