Question de Mme CARTRON Françoise (Gironde - Socialiste et républicain) publiée le 17/11/2016

Mme Françoise Cartron appelle l'attention de Mme la ministre du logement et de l'habitat durable sur le statut juridique des acquéreurs de parts en jouissance.

La loi n° 86-18 du 6 janvier 1986 a créé le statut de société d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé, dont le but était de permettre à de nombreuses familles à faibles revenus de partir en vacances sur des zones touristiques dans lesquelles l'accession à la pleine propriété était très difficile.

Selon l'article 1 de la loi, il semble qu'il ne soit accordé aucun droit de propriété ou autre droit en contrepartie des apports. L'acquisition d'un droit de jouissance d'un bien immobilier à temps partagé passe par une prise de participation dans une société d'attribution qui ne rend pas l'acquéreur en jouissance partagée propriétaire du bien immobilier qu'il occupe ponctuellement mais associé d'une société d'attribution dont il détient simplement des parts, lui conférant des droits et obligations.

Une fois le financement de l'immeuble obtenu, la société d'attribution passe un contrat de promotion pour la construction, l'aménagement ou la restauration de cet immeuble, avec une société de promotion immobilière qui en deviendra l'heureuse propriétaire, alors que la société d'attribution, composée de l'ensemble des acquéreurs de parts en jouissance à temps partagé, financeurs du projet, ne disposera pas de ce droit.


Alors que système immobilier est à la source de nombreux contentieux, touchant souvent des sociétaires aux revenus modestes, elle entend savoir si le cadre de la propriété d'un droit de jouissance pourrait faire l'objet d'une sécurisation juridique.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 11/05/2017

L'article 1er de la loi du 6 janvier 1986, relative aux sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé, précise expressément qu'aucun droit de propriété ou autre droit réel n'est accordé aux associés de ces sociétés en contrepartie de leurs apports. L'associé est toutefois titulaire d'un droit de jouissance personnel qui constitue l'accessoire de ses parts sociales. Aux termes de l'article 8 de la loi du 6 janvier 1986, précitée, les parts ou actions sont réparties entre les associés en fonction des caractéristiques du lot attribué à chacun d'eux, de la durée et de l'époque d'utilisation du local correspondant. Afin d'assurer la parfaite information des consommateurs sur la nature de leurs droits, l'article L. 224-69 du code de la consommation soumet le contrat de souscription ou de cession de parts ou actions de sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé à l'ensemble des garanties d'ordre public prévues par la section 7 du chapitre IV du titre II de ce code. Il en découle, notamment, que l'acquisition de parts ne peut être présentée ni vendue comme une opération d'investissement, sachant qu'en outre le recours à toute expression incluant le terme « propriétaire » pour qualifier la qualité des associés est interdit sous peine d'amende par l'article 33 de la loi du 6 janvier 1986 mentionnée ci-dessus. Le professionnel qui commercialise ces produits est également tenu d'une obligation précontractuelle d'information dont le contenu est défini à l'article L. 224-73 du code de la consommation, et qui doit notamment permettre au consommateur de comprendre la nature juridique des droits qui lui sont conférés. Par ailleurs, si l'associé n'acquiert pas lui-même un droit de propriété sur l'immeuble, l'article 1er de la loi du 6 janvier 1986 prévoit que l'objet social des sociétés d'attribution peut comprendre l'acquisition d'immeubles, ce qui permet à l'immeuble d'intégrer l'actif social. La construction des immeubles appelés à faire l'objet d'un partage en jouissance temporaire fait également l'objet de dispositions spécifiques de nature à protéger les droits de la société. En application de l'article 12 de la loi du 6 janvier 1986, les sociétés d'attribution qui ont pour objet la construction sont tenues, soit de conclure un contrat de promotion immobilière, c'est-à-dire, en application de l'article 1831-1 du code civil, un mandat par lequel le promoteur s'engage à réaliser le programme de construction et à le livrer au maître de l'ouvrage, soit de confier les opérations constitutives de la promotion immobilière à leur représentant légal et statutaire. Les opérations devront être définies dans un écrit comportant les mentions imposées pour la promotion de logement telles qu'elles résultent de l'article L. 222-3 du code de la construction et de l'habitation.  Enfin, les sociétés d'attribution qui ont pour objet l'acquisition d'immeubles à construire doivent conclure un contrat ou bénéficier d'une cession de contrat conforme aux dispositions des articles L. 261-10 et suivant du code de la construction et de l'habitation. Si la vente a lieu sous la forme d'une vente en l'état futur d'achèvement, le contrat comporte la garantie d'achèvement prévue à l'article L. 261-10 du même code.  Le Gouvernement veille particulièrement à agir pour la protection des consommateurs. Un groupe de travail sur le temps partagé a été créé pour évaluer les abus constatés dans ce secteur et formuler toute proposition utile de nature à y remédier. Plusieurs recommandations ont ainsi été formulées. Elles ont été concrétisées dans la loi du 24 mars 2014, pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), qui a apporté de nombreuses modifications à la loi du 6 janvier 1986 relatives aux sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé. Ainsi, en vue d'équilibrer la gestion de ces sociétés, l'article 18 de la loi du 6 janvier 1986 a été modifié afin de renforcer les pouvoirs du conseil de surveillance et d'accroître le contrôle exercé par les associés. Le conseil de surveillance peut désormais prendre connaissance et copie de toute pièce se rapportant à la gestion de la société. Ses membres sont maintenant élus pour une durée maximale de trois ans renouvelables, nonobstant toute disposition contraire des statuts, et le conseil doit rendre compte annuellement de l'exécution de sa mission à l'assemblée générale. Par ailleurs, l'article 13 de la loi du 6 janvier 1986 a été modifié afin que soit reproduite, dans les convocations à l'assemblée générale, la mention selon laquelle tout associé peut obtenir la communication des comptes sociaux et de certaines informations nominatives sur les autres associés. Afin de renforcer les droits des associés lorsque l'immeuble objet du droit de jouissance est inclus dans une copropriété, l'article 17 de la même loi dispose à présent que les sociétés de temps partagé sont représentées à l'assemblée du syndicat par toute personne désignée par l'assemblée générale nonobstant toute disposition contraire des statuts. La personne désignée doit par ailleurs rendre compte des décisions prises par le syndicat des copropriétaires lors de l'assemblée générale postérieure. Enfin, les conditions de retrait des associés ont été assouplies par l'article 19-1 de la loi du 6 janvier 1986, qui prévoit le retrait de droit lorsque les parts sociales ont été transmises par succession depuis moins de deux ans à compter de la demande. En outre, la liste des justes motifs de retrait a été élargie. Le juge peut désormais autoriser le retrait notamment lorsque l'associé est bénéficiaire des minima sociaux ou perçoit une rémunération inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance. Il apparaît à ce stade nécessaire d'évaluer les effets attendus des modifications du droit positif issues de la loi ALUR avant d'envisager de réformer à nouveau le statut des sociétés civiles d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé.

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