Question de M. SAVARY René-Paul (Marne - Les Républicains) publiée le 25/01/2018

M. René-Paul Savary interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la dénormalisation de la consommation de vin.
Le décret n° 2017-1866 du 29 décembre 2017, publié au Journal officiel le 31 décembre 2017, fixe la définition de la stratégie nationale de santé pour la période 2018-2022.
Dans le but de promouvoir les comportements favorables à la santé, cette stratégie entend prévenir l'entrée dans les pratiques addictives et réduire leur prévalence.
Il s'agit donc de réduire l'attractivité des substances psychoactives par leur dénormalisation et par une politique fiscale de santé publique.
Alors que la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, dite loi Evin, fixe aujourd'hui un cadre strict et équilibré, la définition de cette stratégie vient stigmatiser sans aucune concertation préalable un secteur viticole qui est fortement engagé dans la promotion d'une consommation responsable de vin.
Dénormaliser une consommation, c'est la rendre anormale, moins acceptable, moins désirable auprès des consommateurs.
Cette volonté affichée de fragilisation du secteur viticole ne sera pas sans conséquence sur l'économie française, sur l'occupation de notre territoire et sur le renouvellement des générations en viticulture dans un contexte déjà difficile lié notamment aux aléas climatiques.
Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures envisagées par ce décret pour le secteur viticole et si elle entend dissocier les vins des autres alcools.

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 30/08/2018

L'objectif de santé publique fixé par le Gouvernement est de protéger les populations fragiles, en particulier les femmes enceintes et les jeunes. Aujourd'hui, les risques de l'alcool durant la grossesse restent sous-estimés par le public et les professionnels de santé. Malgré les recommandations des experts en faveur d'une abstinence totale pendant la grossesse, seul un quart de la population affirme que toute consommation d'alcool pendant la grossesse comporte un risque pour l'enfant et près d'un tiers des femmes enceintes continuent de consommer au moins occasionnellement des boissons alcoolisées. Le syndrome d'alcoolisation fœtal concerne ainsi une naissance sur 1 000. 49 000 décès annuels sont liés à l'alcool. Cela fait de l'alcool la deuxième cause de mortalité évitable en France, après le tabac. La politique de prévention mise en œuvre n'a qu'un objectif : améliorer la santé de la population. L'éducation à la santé est une priorité devant le niveau de consommation en France, l'un des plus importants de l'organisation de coopération et de développement économiques : 11,7 litres d'alcool pur par an et par personne. La consommation d'alcool, quel que soit le type de boisson consommé, est à l'origine de cancers, maladies cardio-vasculaires, maladies digestives, cirrhoses, maladie du pancréas, accidents de la route, troubles mentaux ou du comportement, démences précoces, suicides. L'alcool est présent dans 30 % des condamnations pour violences, 40 % des violences familiales, 30 % des viols et agressions. La politique de prévention n'est ni une politique de prohibition ni une politique de stigmatisation. Il s'agit de permettre à chaque citoyenne, à chaque citoyen de faire ses choix, de manière éclairée grâce à une information objective, transparente et de permettre à chacun d'adopter des comportements favorables à sa santé. La politique de santé publique ne vise aucunement le patrimoine culturel français. Elle a vocation à prévenir l'entrée dans les pratiques à risque et réduire leur prévalence avec un impératif : protéger les enfants à naître. La consommation de vin, de bière, de cidre ou de spiritueux durant la grossesse, fréquente ou occasionnelle, faible ou importante, présente des risques pour la santé du fœtus, et ce dès le début de la grossesse. 8 000 enfants naissent en France chaque année avec des troubles causés par une exposition à l'alcool in utero : troubles de l'apprentissage, de la mémoire et du comportement auxquels s'ajoute une plus grande vulnérabilité au risque d'addiction ultérieure. Il s'agit de la première cause de handicap mental d'origine non génétique. Les jeunes doivent aussi être protégés. Dès le collège, les premières ivresses apparaissent. 28 % des collégiens de troisième ont déjà connu une ivresse alcoolique. L'alcool demeure la substance la plus expérimentée par les adolescents de 17 ans. Deux tiers des jeunes en ont bu au cours du mois écoulé. Si la vente d'alcool est interdite aux mineurs, ce n'est pas pour rien. Après consommation, l'alcool est transporté en quelques minutes dans l'organisme, notamment au niveau du cerveau. Il agit sur son fonctionnement en modifiant la conscience et les perceptions, le ressenti et les comportements. Consommé à faibles doses, l'alcool procure une sensation de détente, d'euphorie, voire d'excitation. Consommé à très fortes doses, l'alcool peut provoquer un coma éthylique : il y a alors urgence médicale. Par ailleurs, les consommations régulières peuvent entraîner des déficits de mémorisation et des capacités d'apprentissage pouvant favoriser le décrochage scolaire chez le jeune. La ministre des solidarités et de la santé a pour préoccupation d'apporter des réponses efficaces à ces enjeux de santé publique. Le plan national de santé publique « Priorité prévention » adopté en mars 2018 prévoit plusieurs mesures : améliorer la visibilité et la lisibilité du pictogramme « femmes enceintes » ; généraliser dans les établissements scolaires les « ambassadeurs élèves » dont le rôle est de partager des messages de prévention ; renforcer l'intervention des consultations jeunes consommateurs sur le territoire, pour accueillir les jeunes et leurs familles lorsqu'ils sont en difficulté avec l'alcool ; proposer systématiquement un accompagnement spécialisé des jeunes admis aux urgences ou hospitalisés après un épisode d'alcoolisation massive ; mieux protéger les mineurs face aux addictions en permettant aux acteurs de la société civile de mettre en place des dispositifs d'observation et d'évaluation, visant à identifier le niveau de respect de l'interdiction de vente aux mineurs. Aussi, la ministre des solidarités et de la santé a lancé avec le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, une large concertation avec l'ensemble des acteurs du secteur : filières économiques, sociétés savantes et associations de prévention. Certaines propositions formulées dans ce cadre pourront utilement concourir à la politique de prévention déterminée par le Gouvernement.

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